La France a un nouveau président et il ne s’appelle pas Nicolas Sarkozy. Inutile de le cacher, ça nous réjouit. C’est une bonne nouvelle. Le dimanche 6 mai, dans la suite du vote présidentiel, à Paris comme à Rabat, on a passé une douce nuit. Le petit Nicolas, comme certains l’appelaient, avait plus à voir avec un Berlusconi qu’avec un Chirac. Il ne représentait pas le bon modèle mais la mauvaise tendance. Dans une Europe qui se droitise à vue d’œil, il était comme un poisson dans l’eau, en phase avec tous les conservateurs du Vieux continent. Roi du bling bling, facétieux comme un gosse de riche, ce Sarkozy-là, hâbleur et swingueur comme le chef d’une grande nation ne peut décemment pas l’être, a pris de plein fouet deux chocs terribles : la crise financière qui a brutalement rappelé que les riches pouvaient avoir des problèmes de pauvres ; et le malaise identitaire, né aussi bien d’une immigration-intégration mal soignée que d’un discours et d’actes politiques catastrophiques.
Sarkozy, ce n’était pas bien et on ne pouvait même pas s’en foutre. On n’avait pas le droit parce que ça nous concerne aussi. La France est le premier partenaire économique, politique et culturel du Maroc. C’est en France que vit la première communauté marocaine de l’étranger et les Français sont, en nombre et en avoirs, les premiers étrangers du Maroc. Ces deux pays sont plus liés qu’amis et ce que fait l’un engage l’autre et l’affecte, il peut lui faire du bien ou du mal. Ce n’est pas un hasard, par exemple, si la France a joué, sous Sarkozy beaucoup plus que sous Chirac, un rôle de mentor excessivement et maladroitement bienveillant à l’égard du royaume. Conciliante, indulgente, complaisante, mais aussi cynique et affairiste, la France l’a été, dans les grandes lignes, et plus que jamais, et Sarkozy n’y est pas étranger. “Aidons ce pays et ce système qui nous le rendent si bien” a été le credo de la république et, plus généralement, celui des grands médias et des grandes institutions françaises. Sarkozy a survendu l’évolution marocaine au nom de l’intérêt général. Il a fait mal aux démocrates marocains, réduits au silence ou labellisés paranoïaques et insatisfaits chroniques. Il a cru faire plaisir à la monarchie en passant ses manquements sous silence, mais il a oublié que le cadeau qu’il lui tendait est du genre empoisonné. Pour caricaturer le cas Sarkozy et le réduire à une formule, on va dire que le président français a essayé de se rapprocher du Maroc d’en haut en marchant sur celui d’en bas. Et il a échoué !
Merci Sarkozy, ta défaite nous fait du bien. Mais la victoire de Hollande aussi nous plaît. Au moment où l’Europe entière, et peut-être bientôt l’Amérique, bascule à droite, voir un pays comme la France voter à gauche est une excellente nouvelle. Les débats qui ont accompagné les présidentielles étaient de droite. Mais la solution choisie et les idées retenues sont de gauche. Je ne crois pas que nos amis français aient choisi un président de gauche pour appliquer une politique de droite, voire d’extrême droite. La défaite de Sarkozy et la victoire de Hollande sont liées mais elles signifient deux choses différentes. Et très simples. Deux perceptions de la France et du monde ont été confrontées ; celles de droite ont perdu et celles de gauche ont gagné. Par ces temps de replis communautaires et de bêtises montées en théories sur la supériorité-infériorité des races et des religions, cela représente bien un espoir. Et ça fait du bien. (lire aussi article p 36)