Zakaria Boualem vous en parlait depuis plusieurs mois déjà, c’est désormais officiel : nous avons nos hooligans. N’y voyez aucune perspicacité surnaturelle, il suffisait d’aller voir les matchs de temps en temps pour constater l’apparition d’une génération de jeunes qui n’ont à peu près rien à perdre et pour qui la violence est une sorte d’activité ludique, la seule en fait. Ils se sont imposés à l’opinion publique en ce funeste samedi après-midi, lors d’un abominable WAC/FAR. Les téléspectateurs hébétés ont pu assister à des scènes barbares dans les tribunes du Stade d’honneur, qui a un peu perdu le sien pour l’occasion. Une sorte de Braveheart mal filmé, une explosion de chaos et de violence sans autres objectifs que, justement, le chaos et la violence. Bon, c’est assez dramatique. Devant un tel problème, nos responsables sont dans l’obligation de respecter un plan d’action en plusieurs étapes.
Etape un, le déni : nous n’avons pas ce genre de problème, le Maroc est un pays stable al hamdoulillah, nous vivons en harmonie depuis Moulay Idriss et l’entame de la construction d’un état moderne, doublée du renforcement de l’état de droit. Dans sa version footballistique, cette étape est : ces gens n’ont rien à voir avec le WAC, qui est un grand club. Les gens qui ont pris une barre de fer entre les deux yeux seront heureux de savoir que celui qui a lancé le javelot en fer torsadé n’était pas un vrai Wydadi, c’est une bonne nouvelle.
Etape deux, le complot : forcément, ces jeunes sont manipulés. Il ne vous aura pas échappé que le lobby immobilier veut récupérer le stade pour en faire des résidences, mmmmmm…. Alors qu’en dites-vous ? (il est difficile d’entériner un complot sans l’intervention des sionistes mais bon, dans ce cas, il faut reconnaître que ce serait un peu tiré par les cheveux, il faut rester crédible, c’est important).
Etape trois, les félicitations : c’est une tradition chez nous, presque un réflexe, il faut féliciter les forces de l’ordre qui ont accompli leur tâche avec célérité, efficacité et perspicacité. On peut légitimement se demander pourquoi ils ne sont pas intervenus pendant que les hooligans cassaient tout, on peut aussi se demander s’ils sont correctement formés à la gestion des foules, s’ils étaient suffisamment nombreux, s’ils filtrent les entrées au stade ou s’ils prennent quelques pièces… On pourrait mais on ne le fera pas, on préfère se féliciter, ça remonte le moral et on en a bien besoin.
Maintenant que les trois étapes précédentes ont été respectées, Zakaria Boualem propose à nos éminents responsables de passer à la suivante, la recherche de solutions. Il n’en a aucune à proposer, ce n’est d’ailleurs pas son boulot, mais il voudrait alimenter la réflexion générale en rappelant que le Maroc est violent pour un jeune des quartiers populaires. Illettré, privé de la moindre illusion sur son avenir social ou professionnel, terré dans un quartier où on trouve plus facilement du qarqoubi qu’un bouquin, traité comme un animal à l’entrée du stade même s’il a un billet, méprisant profondément l’autorité pour avoir eu affaire à ses représentants, et incapable de formuler ses pensées dans une langue reconnue par l’ONU, il est une bombe à retardement au déclenchement aléatoire. Il ne s’agit pas de légitimer sa violence, juste de déplacer la caméra, et merci.
Avant de terminer, Zakaria Boualem se félicite de constater que le débat sur la langue a enfin démarré suite au cahier des charges de 2M. Il faut qu’il fasse gaffe, il commence à parler comme un ministre. C’est très bien, il était temps. Il paraît que nous sommes entrain d’arabiser un pays arabe, et le temps que ça prend prouve bien que ce n’est pas aussi facile que prévu, ce qui est plutôt bizarre. Le Guercifi n’a rien à dire à ce sujet qu’il n’ait déjà exprimé maintes fois dans ces colonnes, juste un petit rappel. Dans les panneaux officiels rédigés dans notre langue officielle, le nom de sa ville s’écrit Jerssif. N’est-ce pas cocasse de disposer d’une langue qui ne nous permet même pas d’écrire correctement les noms de nos propres villes ? Soyons objectif : dans son malheur, il est plutôt heureux. Certes, il a problème, mais la bonne ville de Figuig, pas très loin de chez lui, en a deux. Et merci.