Zakaria Boualem, repu, fait face à son ordinateur. Il est sommé de s’exprimer une nouvelle semaine. Je ne sais pas comment cet homme pudique en est arrivé à s’exprimer avec une telle abondance, et encore moins par quel mystère on continue à lui demander de le faire. Si vous comptez sur lui pour vous éclairer sur ce qui se passe ici, vous êtes dans l’erreur, je le connais mieux que vous. Au mieux, il peut vous compiler vaillamment une petite liste de points hétéroclites et séléctionnés en vertu d’on ne sait quels critères, et elle commence ici.
Protest song : des groupes de musique s’insurgent contre le fait qu’ils n’aient pas été retenus pour Génération Mawazine. On rappelle qu’il s’agit d’un concours de jeunes talents, un truc forcément subjectif donc. S’ils gagnent, ils pourront enregistrer un single qui passera à la radio sans qu’ils ne soient payés. Eux n’ont pas été sélectionnés. Ils accusent le jury de partialité. En toute logique, ils ont donc adressé une vidéo au roi pour mettre en lumière la machination. Voilà. L’étape suivante, c’est une vague de vidéos adressées au roi par des perdants au loto qui dénoncent l’injustice de ne pas voir leurs numéros tirés au sort.
Chaos.ma : un brave garagiste casablancais a estimé de son droit de construire un rond-point sans la moindre autorisation. Il a donc lancé les travaux, un beau matin, à coups de marteau-piqueur. Il a été arrêté dans son œuvre par les habitants, qui ont jugé cette initiative inappropriée. On peut légitimement se demander si cette érosion du pouvoir de l’Etat, qui accompagne la décrédibilisation de ses représentants, n’est pas un peu dangereuse, si elle n’annonce pas un grand n’importe quoi qui commence à se dessiner avec précision. On peut mais on ne le fera pas, en particulier parce que la question est horriblement mal posée en termes de syntaxe. On préfère se poser la question suivante : qu’est-ce qui peut pousser un homme à vouloir construire un rond-point ?
Vocabulaire : Zakaria Boualem a été sévèrement attaqué suite à ses deux dernières chroniques. On l’a accusé de diffuser du scepticisme, de noircir le tableau, de se complaire en jérémiades au lieu de se joindre à l’élan démocratique populaire visant à l’édification du Maroc moderne. Oui, on l’a traité de nihiliste. Cette semaine, le Guercifi a croisé un groupe de jeunes à la sortie d’un match qui s’amusaient à terroriser les gens en détruisant joyeusement tout ce qui ne l’était pas déjà. Des jeunes qui ne croient en rien, qui ne parlent aucune langue, qui ne laissent rien derrière eux, et pour qui la prison ne constitue ni une surprise ni un problème. Ils sont les vrais nihilistes. Si Zakaria Boualem grogne, c’est parce qu’il pense qu’il vaut mieux se ressaisir avant qu’ils ne soient trop nombreux, il est donc un faux nihiliste. Question : comment reconnaître un faux nihiliste d’un vrai ? Réponse : si vous en croisez un vrai, vous comprendrez tout de suite la différence, mais il risque d’être trop tard.
Les sopranos : ne vous y trompez pas, les véritables héros de notre Botola ne sont ni les joueurs et leurs simulations ni les ultras et leurs tifos. Il s’agit des présidents, bien sûr, dont les exploits mériteraient sans contestation possible une série télé. Depuis le début de la saison, cette formidable corporation a lâché les freins. En vrac, on a vu l’un d’entre eux agresser physiquement l’entraîneur adverse, on a appris qu’un second payait des espions, qu’un troisième rétribuerait ses joueurs avec des cuisses de poulet, un quatrième a été traité de toxicomane par les autorités de sa ville (il est en procès), un cinquième explique qu’il est toujours là parce qu’on l’a supplié de rester et que la stabilité de son club exige sa présence, un sixième commence son intervention en parlant de l’horaire des matchs et termine en évoquant la nouvelle Constitution… C’est un feu d’artifice fascinant. Zakaria Boualem en appelle à nos brillants responsables télé pour nous mettre tout ça en images, il vous garanti même que c’est exportable, et merci.