Découverts en 1998, les ossements du plus vieux dinosaure connu à ce jour sont étudiés aux quatre coins du monde avant de revenir à Tazouda, où un musée leur sera consacré.
Vous devez sans doute vous demander qui est ce Tazoudasaurus Naimi ? Tout commence il y a 189 millions d’années, lorsque le continent américain et le continent africain étaient soudés, et où la terre était peuplée de prédateurs gigantesques. Dans la vallée d’Iminoulaoune, au sud-est de Ouarzazate, précisément dans le village de Tazouda, un spécimen exceptionnel a été découvert. Neuf mètres de long, 4 à 5 tonnes, ce quadrupède suscite tout de suite un grand intérêt de la part des scientifiques et de la presse nationale et internationale. Pourquoi ? Une mandibule portant 17 dents laisserait présager que ce dinosaure pourrait bien être l’ancêtre des Sauropodes d’Amérique du Nord. Une mini-révolution dans le domaine scientifique. Retrouvé pratiquement intact, le squelette du Tazoudasaurus a donc une valeur historique inestimable puisqu’il peut apporter des informations capitales dans l’étude de l’évolution des Sauropodes.
D’où le défi lancé aux scientifiques de le préserver. Pour Youssef Ennadifi, président de l’APPGM (Association pour la protection du patrimoine géologique marocain), “la plus grande difficulté que l’on doit affronter aujourd’hui dans la conservation du patrimoine géologique, c’est le pillage”. En effet, l’absence de législation au Maroc dans ce domaine favorise le trafic et la disparition de ces vestiges géologiques. Star d’un jour, le Tazoudasaurus Naimi a-t-il connu le même destin?
Des fouilles difficiles
Lorsque les premiers ossements sont aperçus, en 1998, par des villageois, une première équipe de scientifiques est alarmée. C’est Najat Aquesbi, docteur en paléontologie, qui va être la première à arriver sur le site. Consciente de l’importance de cette découverte, elle fait appel à ses confrères étrangers, notamment le professeur français Philippe Taquet, qui poursuivra les recherches. Entre fouilles et études, les scientifiques auront des années de travail devant eux avant de reconstituer l’animal. “On s’est débrouillés avec les moyens du bord. Le Maroc dispose des capacités humaines mais pas techniques pour ce genre de recherches. Il a donc fallu envoyer certaines pièces à Paris afin d’en tirer le maximum d’enseignements”, explique Najat Aquesbi, qui a effectué sa thèse sur le Tazoudasaurus Naimi.
En 2008, l’association Tazouda voit le jour. Sa mission, en accord avec le ministère de l’Energie et des mines, est de mettre sur pied un musée à l’endroit même où ont été découverts les ossements. Un lieu qui devrait permettre aux scientifiques de poursuivre leurs fouilles. En attendant, ces derniers ont posé leur campement dans l’enceinte du Museum de Marrakech. Une solution temporaire pour ne pas accumuler trop de retard. “Une grande partie des membres de l’association est bénévole. Le projet prend plus de temps car nous avons tous d’autres obligations. Ce travail, beaucoup le font seulement par passion”, confie la chercheuse, également directrice administrative d’une clinique. Sans passion, les membres de l’association n’auraient pas pu vivre cette aventure jusqu’au bout. “Nous avons rencontré de nombreuses difficultés : retards dans les prises de décisions, lenteur administrative, absence de législation dans le domaine. Mais nous n’avons jamais baissé les bras”, souligne Najat Aquesbi.
Retour au pays
Et c’est donc dans ce petit laboratoire improvisé de Marrakech que la majeure partie du squelette du Tazoudasaurus se cache. Quant aux restes de ses ossements, ils se trouvent sur le site de Tazouda ainsi que dans l’enceinte du ministère de l’Energie et des mines. “Le squelette sera entièrement rassemblé dans peu de temps afin d’être présenté au public dans le nouveau musée de Tazouda”, affirme la scientifique.
“Nous espérons pouvoir l’inaugurer avant la fin de l’année. Le bâtiment est achevé, il ne reste plus qu’à effectuer le travail de scénographie et de muséologie”, précise-t-elle. Mais l’ouverture du musée risque d’accuser un nouveau retard. L’association est encore à la recherche de 20% du financement nécessaire à la finalisation du projet. L’investissement, estimé à environ 12 millions de dirhams, est principalement financé par la commune rurale d’Iminoulaoune, le conseil provincial de Ouarzazate ainsi que par un don d’une famille française.
Jurassic Park made in Morocco
Les grands moyens ont donc été déployés pour le retour du Tazoudasaurus dans son village natal. Pièce maîtresse du musée, ce sauropode offrira aux visiteurs un aller simple en plein cœur de la préhistoire.
Et pour pousser encore plus loin ce voyage dans le passé, une route baptisée “la route des dinosaures” reliera le Tazoudasaurus à l’un de ces proches : l’Atlasaurus Imlakei. Ce dernier, surnommé “le géant de l’Atlas”, à cause de ses 18 mètres de longueur et de ses 10 mètres de hauteur, pourra être admiré à Azilal où il a été déterré. Le géant de l’Atlas sera l’attraction principale du nouveau musée des sciences de la Terre, également en construction.
“Ces deux musées font partie d’un projet plus vaste, celui du Géoparc M’Goun, créé afin de préserver et de mettre en valeur le patrimoine marocain”, explique Youssef Ennadifi. La découverte du Tazoudasaurus Naimi aura permis de prendre conscience de notre richesse géologique.
GeoParc. M’Goun bientôt à l’Unesco ? Faire parti du réseau mondial des géoparcs de l’Unesco, c’est l’objectif que s’est fixé l’association M’Goun. Premier géoparc au Maroc et au Maghreb, M’Goun a été créé afin de protéger le patrimoine marocain et de mettre en place des structures adaptées. Sites naturels, géologiques, biodiversité, architecture sont autant d’éléments concernés par cette structure qui s’étend sur 12 000 km2 dans la région de Tadla-Azilal. “Nous avons déposé un dossier de candidature solide et complet auprès de l’Unesco et nous attendons la réponse. Nous sommes assez confiants car cela fait des années que l’on s’emploie à remplir les critères de l’organisation”, indique Mustapha Ouabbas, chef du projet. Des critères qui reposent principalement sur le volet financier et ressources humaines. La reconnaissance de l’Unesco permettrait à M’Goun de bénéficier à la fois d’une visibilité internationale ainsi que de l’expérience et du savoir faire tirés d’autres géoparcs. |