Reportage. Ça plane pour moi !

Par Hicham Oulmouddane

Depuis quelques années, de plus en plus de Marocains suivent des cours  privés de pilotage. Hommes d’affaires ou simples personnes à la recherche de sensations fortes, la ruée vers l’air fait des émules.

Aéroport de Benslimane à 60 kilomètres de Casablanca. Les dix hangars qui longent le tarmac sont occupés par plusieurs entreprises, dont la Royal Air Maroc, qui y a installé son école de formation des pilotes de ligne. Au bout de la rangée, on arrive au Centre de formation du personnel navigant (CFPNC). Le maître des lieux, Mohamed Mengouchi, la cinquantaine passée, fait partie des pionniers du pilotage privé au Maroc. Ancien salarié de la RAM pendant 15 ans, en tant que pilote et instructeur, il décide de lancer sa première école de pilotes de ligne d’Afrique en 2010. “Notre école dispense aussi des cours privés pour ceux qui veulent juste se faire plaisir en volant de temps en temps”, souligne-t-il, en nous faisant visiter le hangar où sont placés les cinq avions qui constituent la flotte de l’école. On y trouve des avions TB-20 et des Tecnam flambant neufs. Pour l’année en cours, six élèves pilotes sont déjà en formation et la demande augmente de façon exponentielle. “Beaucoup de jeunes instruits préfèrent investir leur argent dans cette nouvelle forme de loisir. Devenir pilote ne coûte pas aussi cher qu’on le pense”, explique Mohamed Mengouchi.

L’air de rien

Qui n’a jamais rêvé de piloter un avion et découvrir le Maroc vu du ciel ? Ce rêve est aujourd’hui réalisable grâce à des formations en pilotage de plus en plus accessibles. A cela s’ajoute le climat marocain qui permet aux pilotes de voler plus de 300 jours par an. “C’est le paradis des pilotes, nous avons des accords avec des écoles américaines et canadiennes de pilotage, dont les élèves viennent terminer leurs heures de vol au Maroc”, explique Mohamed Mengouchi. Depuis déjà plusieurs années,  les différents aéroclubs situés dans les grandes villes du Maroc, comme ceux de Tit-Mellil à Casablanca, Rabat, Fès ou Marrakech, disposent de formations privées pour pilotes.

Jusqu’alors réservé à des nantis ou des résidents étrangers, la tendance, depuis quelques années, est à la démocratisation de cette activité sportive, à tel point que les offres de cours de pilotage ont fait leur entrée dans les sites de ventes groupées. On peut y lire : 12 cours de pilotage sur 3 mois pour obtenir une licence de pilotage privée sur Cessna 152 II CN-TFJ  ou Cessna 182 CN-TZP à seulement 4350 DH au lieu de 8700 DH !  “Nos élèves sont des passionnés ou juste des gens curieux de découvrir le pilotage. Au lieu de s’offrir un bolide à plusieurs milliers de dirhams, ils préfèrent investir dans une PPL (Private Pilot License)”, souligne Abdelmoughit Boujemaoui, président de l’association des aviateurs de l’aéroclub de Tit-Mellil.

Permis de voler

Avant de faire son baptême de l’air, l’élève-pilote doit être âgé d’au moins 17 ans, même si certains aéroclubs acceptent des élèves à partir de 13 ans. “Mon fils a 14 ans et il vole déjà à bord d’un Cessna 152  depuis un an”, souligne Abdelmoughit Boujemaoui. Dès son inscription dans un club de pilotage, l’élève doit passer une visite médicale chez un médecin agréé, avant de commencer les cours théoriques et pratiques. Le centre de formation dépose le dossier du candidat auprès de la direction de l’aviation civile, rattachée au ministère du Transport, qui lui délivre un certificat de stage. Les cours théoriques peuvent alors commencer. Là aussi, nul besoin d’être un crack en sciences exactes, puisque la formation dispense des notions générales sur la navigation, la météorologie, la mécanique d’avion, ainsi que la réglementation aérienne.

Les premiers cours pratiques se font avec un avion monomoteur de type Cessna 152, TB-9 Socata, ou Tecnam, en compagnie d’un instructeur qui accompagne l’élève pour lui apprendre les premières manœuvres. “Après 20 heures de vol, l’élève-pilote peut déjà décoller et atterrir tout seul. A ce stade, il est autorisé à effectuer uniquement un petit circuit autour de la piste. Lors de ce premier solo, l’instructeur reste en contact radio avec l’élève”, souligne Mohamed Mengouchi. Avant de décrocher sa licence de pilote, pas moins de 50 heures de vol sont nécessaires à l’élève, ce qui coûte entre 75 et 85 000 DH. En fonction de la disponibilité du candidat, la préparation de cette licence peut s’étaler sur cinq à huit mois.

I believe I can fly

La formation au pilotage est sanctionnée par un examen écrit passé dans les locaux du ministère du Transport. A l’instar du permis de conduire, le jour de l’examen pratique, un représentant de la direction de l’aviation civile, en compagnie de l’instructeur, accompagne le candidat lors d’un voyage. “Généralement, vous partez pour un vol circulaire reliant  Benslimane à Fès. Durant le voyage, une série de questions théoriques et pratiques vous sont posées”, souligne Abdelmoughit Boujemaoui. Maintenant que l’apprenti pilote est titulaire d’une licence de pilote de classe A, il peut louer un avion monomoteur et partir en vadrouille dans l’espace aérien du pays. Pour cela, il lui suffit de débourser entre 800 et 1200 DH. “Nous avons de plus en plus d’étrangers qui pratiquent l’aviation sportive. C’est un marché très porteur qui peut booster l’activité touristique au Maroc”, explique Abdelmoughit Boujemaoui.

Les mordus de l’air peuvent, quant à eux, se perfectionner en passant une licence professionnelle de classe B sur un avion bimoteur, qui leur permet de devenir salarié d’une entreprise de transport aérien. Pour voler à l’étranger, le pilote doit passer la Query, une qualification en langues pour pouvoir communiquer avec les tours de contrôle à l’étranger. Si le vol se fait avec de petits avions à vue, c’est-à-dire sans instruments, le pilote doit passer une autre qualification avec instruments pour voler au-dessus des nuages dans des conditions de visibilité plus difficiles. Par ailleurs, la licence de pilote privée a une durée de validité de deux ans pour les moins de 40 ans et d’un an pour les plus âgés. Pour pouvoir la conserver, le pilote doit justifier d’un certain nombre d’heures de vol durant les six mois précédant la demande de renouvellement. “ça fait plus de 30 ans que je suis dans ce métier, et je peux vous dire que l’aviation est un domaine où on passe toute sa vie à apprendre et à se perfectionner”, conclut Mohamed Mengouchi.

 

Mode. Taxi aérien

Outre les jeunes BCBG passionnés par l’aviation sportive, ce sont les hommes d’affaires qui se ruent sur les cours de pilotage. Parmi cette nouvelle clientèle qui a émergé ces dernières années, certains vont jusqu’à s’offrir leur propre avion une fois leur licence en poche. “C’est plus pratique pour aller à ses rendez-vous dans les différentes villes du pays”, explique Mohamed Mengouchi. En effet, le prix d’un Cessna 172 ou un TB-20 d’occasion peut varier de 300 à 700 000 DH. Alors qu’en neuf, il faut compter le triple. Ce qui n’est pas pour dissuader les hommes d’affaires. A défaut d’acheter un avion, certains d’entre eux préfèrent en louer de deux à quatre places et le pilotent eux-mêmes pour se rendre à leurs rendez-vous. Là encore, les tarifs ne sont pas inaccessibles. A titre d’exemple, un avion bimoteur de quatre places peut être loué pour un vol Casa- Tanger (aller – retour) à 8000 DH seulement.