Zakaria Boualem a appris à se maîtriser...

Par Réda Allali

Magnifique semaine encore une fois pour Zakaria Boualem. Le Raja a battu les FAR samedi dernier en leur collant trois buts en première mi-temps, un truc incroyable. Pour ceux qui ne sont pas habitués à suivre notre glorieuse Botola, dites-vous que c’est un peu comme si le Real ou le Barça enchaînait trois 0-0 de suite… Une sorte d’anomalie statistique. Voilà pour commencer. Autre bonne nouvelle : Zakaria Boualem a appris à se maîtriser. Oui, oui, c’est surprenant mais j’ai une preuve. La semaine dernière, il a lu une interview de notre sélectionneur national, Monsieur Eric Gerets, qui, dans une autre vie, l’aurait poussé à prendre le maquis. Il était impulsif, à l’époque. Cette fois, il fait comme s’il n’avait rien vu, c’est le maximum qu’on puisse attendre de lui. Une semaine plus tard, il a relu l’interview, il peut donc répondre la tête froide. Gerets, donc, en résumé dans le texte : le Maroc a disputé la meilleure Coupe d’Afrique de son histoire, et si j’ai fait des erreurs, j’attends toujours qu’on vienne me le démontrer, et ceux qui me critiquent qu’est-ce qu’ils ont fait ga3, et mon salaire ne vous regarde pas, et en plus je vais faire une affaire ici qui donnera du boulot aux Marocains, et merci. (le merci est de Zakaria Boualem qui voulait adoucir le propos, il n’est pas présent dans l’interview originale). Avouez que c’est un peu trapu. Dernière chose: Gerets voudrait bien qu’on l’accepte comme un “demi-Marocain”. Zakaria Boualem voudrait le rassurer sur ce  point, il n’y a aucun problème. La dureté de son front, la fermeté de sa face et la rougeur de son visage en toutes circonstances en font même un Marocain et demi. Dans la foulée de cette interview mythique, notre sélectionneur, qui s’était plaint du manque de compétition de ses joueurs, convoque les mêmes remplaçants et ça repart pour un tour. Soyons sérieux, il y a deux hypothèses :

Hypothèse numéro un : Gerets, qui est loin d’être un idiot, veut se faire virer. Il s’est rendu compte que le Maroc était une mauvaise affaire. Mais il veut partir avec ses indemnités, donc il essaye d’énerver tout le monde jusqu’à ce que quelqu’un craque. Ce type d’interview débile entre dans cette stratégie. La prochaine étape, c’est de nous expliquer que, grâce à son salaire, il va aussi employer deux nains et qu’il faut le remercier pour cela parce que, avant, les nains marocains étaient cantonnés aux rôles d’acteurs dans les films de Derkaoui. Si ça ne suffit pas, il trouvera autre chose, le Belge est créatif.

Hypothèse numéro deux : Gerets, qui est loin d’être un idiot, ne veut pas se faire virer. Dans ce cas, c’est nous les idiots. Précisons : il n’est pas question de débattre du fond de ses déclarations, juste de constater que, venant d’un bonhomme qui s’est pris une telle claque publique et qui doit faire face à une quasi-insurrection, elles relèvent de la provocation dangereuse. Il n’est pas non plus question de l’attaquer sur son salaire. Après tout, si on le proposait à Zakaria Boualem, il l’empocherait avec joie – et il ferait aussi, sans doute, travailler des Marocains. Il faut d’ailleurs préciser que ce genre de chiffres constitue une violence pour l’homme de la rue. Non, si nous sommes des idiots, c’est collectivement. Tous sauf Gerets. Encore une fois, la théorie qui veut que le football soit une fenêtre pour regarder une société fonctionne parfaitement. Si un extraterrestre débarquait chez nous, il suffirait de lui présenter “l’affaire Gerets” pour qu’il comprenne comment ça marche. Il comprendrait l’arrogance de nos dirigeants, l’opacité des prises de décision, puisque personne ne nous a expliqué pourquoi Gerets ni le montant de ses émoluments. Il y verrait aussi la fâcheuse tendance que nous avons de privilégier le scénario du sauveur plutôt que de développer les compétences locales, d’acheter plutôt que de former. Il verrait le complexe que nous avons vis-à-vis de l’Européen, que nous traitons avec une déférence telle qu’il peut en arriver à se croire autorisé à nous insulter chez nous. Il verrait combien la victoire est récupérée par le système pour sa propagande alors que la défaite est suivie d’un étrange silence… Il verrait l’impunité, le “sortage” des yeux, etc. Bon, maintenant Zakaria Boualem espère que Gerets va gagner la Coupe du Monde juste pour le faire taire, et merci.