Tendance. Les seigneurs des anneaux

Par Tarik Hari

Pour en finir avec les kilos superflus, de plus de plus de Marocains optent pour la pose de l’anneau. Une chirurgie devenue courante pour mettre fin à l’obésité. Zoom.

Régime alimentaire, clubs de fitness… Salima, cadre bancaire de son état, a tout essayé pour se délester de la vingtaine de kilos qui s’accumulent sur son ventre et autres parties de son corps. En vain. “J’ai pratiquement expérimenté toutes les recettes de régime. Mais après les premiers jours de motivation, la frustration monte, je perds toute volonté. Résultat : je récupère mes kilos avec, en bonus, un sentiment de dévalorisation qui me pourrit la vie”, lâche-t-elle. Mais la quadragénaire ne baisse pas les bras pour autant. Elle continue à chercher le remède. Prudente, notre cadre a toujours exclu la piste de la chirurgie : “Qui dit opération, dit risque”. Mais sa devise a changé depuis qu’elle a assisté à la métamorphose d’une de ses amies : plus de 10 kilos perdus en quelques mois seulement. La solution miracle : l’anneau gastrique. Il s’agit d’une sorte de ceinture placée autour de la partie supérieure de l’estomac pour former une petite poche. Celle-ci reçoit les aliments, se remplit rapidement et donne une sensation de satiété. “C’est un moyen de plus en plus utilisé pour mettre fin à l’obésité. Les gens commencent à prendre conscience de la gravité de cette maladie et s’y mettent pour la combattre”, indique Mohamed Kohen, chirurgien spécialiste de l’obésité.

Solution ultime
Comme Salima et son amie, de plus en plus de personnes souffrant de surpoids se laissent convaincre par la pose de l’anneau. D’après le docteur Kohen, 150 à 200 opérations par an sont réalisées, essentiellement entre Casablanca et Rabat. Cette tendance, en constante évolution, est plus forte chez la gent féminine. “Plus de 80% des personnes qui sollicitent cette intervention sont des femmes”, estime Dr Kohen. Précisons une chose : “Il s’agit d’un traitement médical et non pas esthétique. La pose de l’anneau est une intervention chirurgicale envisagée après bilan pré-opératoire complet, consultation de cardiologie, radiographie pulmonaire…”, poursuit le spécialiste. Pas question de répondre aux demandes des “obsédés” de la minceur. A en croire ce directeur de clinique casablancais, “plusieurs demandes de pose d’anneau gastrique, venant surtout de femmes, sont rejetées. Parfois, elles émanent de personnes ne souffrant d’aucun problème de surpoids”.
L’opération est en effet conseillée pour des personnes dont l’indice de masse corporelle (IMC) est trop élevé, ce qui est synonyme de risques physiques (diabète, troubles cardiovasculaires…). De plus, le patient doit réunir certaines conditions de “sélection” : âge compris entre 18 et 55 ans, obésité stable depuis au moins 5 ans, absence de dépendance à l’alcool et aux drogues, risque opératoire acceptable… Une fois le stade de la présélection passé, direction le bloc opératoire. L’intervention nécessite un traitement pluridisciplinaire. Plusieurs spécialistes mettent la main à la pâte : chirurgien, gastro-entérologue, radiologue, nutritionniste en plus d’un psychiatre.

Service après vente !
Le tour est loin d’être joué avec la pose de l’anneau. Tout un dispositif doit être mis en place. Le patient est mis au régime juste après l’opération. Exit les repas copieux. Pendant un mois, le menu consiste en des aliments liquides et semi-liquides ingérés en petites quantités et en plusieurs prises. L’anneau doit en effet se positionner correctement dans l’estomac. Succomber à la tentation d’un bon morceau risque d’élargir la poche gastrique et vouer l’opération à l’échec. “Après l’intervention, le patient doit faire preuve d’une grande discipline. En réalité, c’est tout le mode de vie de la personne qui change”, avertit Dr Kohen.
Et le résultat ? “Le patient perd 8 à 10 kilos dès le premier mois. Et au bout de la première année, c’est entre 50 et 60% de la surcharge qui disparaît”, affirme le spécialiste. “Mais attention, ce rythme de perte de poids est trop élevé et le corps ne digère pas facilement ces changements. Au-delà de 3 à 4 kilos perdus par mois, l’opération devient dangereuse”, alerte Kamal Iraqi Houssaïni, président de la Société marocaine de chirurgie plastique et spécialiste de la nutrition.

Dommages collatéraux
Les effets secondaires de l’opération sont aussi non négligeables. Sur la durée, l’anneau peut causer quelques complications. “Comme pour toute opération, il y a des risques. Sur le long terme, l’anneau peut abîmer l’estomac ou provoquer une dilatation de la poche, d’où la nécessité d’un suivi permanent”, prévient Dr Kohen.
Mais au-delà des complications physiques, dues à la pose de l’anneau, c’est plutôt le manque de discipline qui peut être fatal. Souvent boulimiques, les personnes “anneautées” ne peuvent pas résister longtemps à l’abandon de leur confort alimentaire. Et ingérer de grandes portions peut causer, en cas de non-vomissement, l’asphyxie et parfois la mort. Quant au risque de décès lié à l’opération de pose de l’anneau gastrique, il reste faible : une personne sur 2000, soit 0,05%. C’est le risque à prendre pour se débarraser de ses kilos en trop.

 

Chirurgie. Opération séduction !
Il faut compter 30 000 dirhams pour une opération de pose d’anneau gastrique. N’étant pas remboursée par l’assurance maladie, l’intervention est surtout sollicitée par des patients aisés. N’empêche, les cliniques ne chôment pas pour autant. “Nous recevons de plus en plus de patients étrangers, notamment européens, qui viennent au Maroc pour la pose de l’anneau, vu le coût élevé de cette opération dans leurs pays”, indique Mohamed Kohen, chirurgien spécialiste des maladies de l’obésité, installé à Casablanca. Proximité du Vieux continent et des pays subsahariens aidant, les hôpitaux du royaume drainent de plus en plus de patients étrangers. Leur atout : un package comprenant, en plus de l’acte médical, un séjour de convalescence séduisant. Une formule qui semble bien marcher. “Les patients qui viennent pour la pose de l’anneau ont généralement le moral à zéro. On essaie donc de leur proposer un séjour touristique qui comprend plusieurs activités. Et cela semble plaire puisqu’ils font d’une pierre deux coups”, explique le directeur d’un établissement casablancais.