Phénomène. Les nouveaux “berraha” du net

Par Hicham Oulmouddane

L’explosion des réseaux sociaux pousse les marques à revoir leur stratégie globale de communication. Un nouveau métier fait son apparition : le Community management.

Début octobre, les services Blackberry tombent en panne. Des millions d’utilisateurs à travers le monde n’y ont plus accès. L’information se propage comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux et les opérateurs téléphoniques croulent sous les réclamations des consommateurs. Au Maroc, l’opérateur Inwi réagit sur Twitter et Facebook pour faire une annonce à ses clients qui ont souscrit au service Blackberry : remboursement de 4 jours pour les abonnements et pour les Pass, et 4 jours offerts de services. “C’est une manière intelligente pour un opérateur de rebondir sur une situation de crise en communiquant à travers les nouveaux canaux que sont les réseaux sociaux”, analyse un expert en médias sociaux. Fini l’austère communiqué de presse sur le site corporate. Désormais, l’information-client se twitte, se buzze sur Youtube et se partage avec la communauté adepte de sa marque sur Facebook. Effet de mode ou signe d’époque, de plus en plus d’entreprises marocaines réalisent l’intérêt de conquérir ces nouveaux territoires, pour rencontrer clients, fans et détracteurs. Avec plus ou moins de succès.

Cyber-namima
Avec 4 millions de Marocains sur Facebook (sur 12 millions d’internautes, selon les chiffres de l’ANRT), il n’est plus question de bouder les réseaux sociaux. “Les dernières études montrent que les Marocains passent en moyenne 35 minutes par jour sur Facebook, soit plus que les Japonais et les Américains, pourtant mieux connectés”, souligne Marouane Harmach, consultant en réseaux sociaux. “Que vous soyez une personne ou une entreprise, vous existez sans même le vouloir sur le Net. C’est d’autant plus vrai pour l’image de marque et la réputation des entreprises”, souligne notre expert en médias sociaux. Une réputation sur laquelle les entreprises doivent veiller en gardant l’œil sur les réseaux sociaux.
Pour exemple, en septembre, une rumeur sur le crash d’un avion de la RAM dans la région d’Oujda circule sur Facebook. Largement relayée par les internautes, l’information s’avère erronée. Mais les dégâts sur l’image de la compagnie, réputée pour la sécurité de ses vols, sont très sérieux. D’autant que la compagnie va mettre plusieurs heures avant de poster sur son compte Twitter un démenti, accompagné d’une menace de poursuite en justice des auteurs de cette rumeur. Cet exemple, loin d’être isolé, illustre l’ampleur des enjeux que pose le Web social sur la communication des entreprises. “C’est d’autant plus valable pour les secteurs économiques qui ont été restructurés avec l’essor du Web, comme c’est le cas de l’aéronautique et du tourisme”, affirme cet expert.
Dans ce nouveau monde virtuel, les vieilles recettes de la com’ ne font plus mouche depuis que les réseaux sociaux permettent aux internautes de mieux s’approprier les marques et d’agir, mais pas toujours dans le sens recherché par les entreprises. Le développement des forums et la prise de conscience de la culture du citoyen-consommateur poussent les gens à partager des informations sur les produits ou les marques, comme c’est le cas pour l’hôtellerie ou les télécoms. Les entreprises sont obligées de se mettre à la page en développant une stratégie de communication propre au Net pour rectifier le tir : le Community management.

Community management, dites-vous ?
En plein essor depuis près de deux ans, de plus en plus d’entreprises introduisent ce nouveau concept dans leur organigramme. C’est le cas notamment de la RAM, qui ne souhaite pas répéter la même erreur. “Dans le but de créer une relation utile et saine avec les internautes, notre compagnie a créé le poste de community manager en novembre 2010”, souligne Raja Bensaoud, directeur de communication auprès de la RAM. D’autres préfèrent externaliser cette tâche à des entreprises spécialisées. “Ce nouveau métier consiste d’abord à faire de la veille stratégique sur la marque de l’entreprise. Il s’agit de trouver tout ce qui se dit sur la marque et d’y répondre dans les plus brefs délais”, souligne Marouane Harmach. Cette veille permet de localiser les espaces où la marque fait l’objet d’une visibilité : Google, Facebook, Twitter, Youtube…
Une fois cette communauté identifiée, le community manager doit maintenir des liens avec les fans de la marque. Cette démarche suppose de répondre à toutes les requêtes et tous les questionnements de cette communauté. “Imaginez un avion marocain qui atterit à New York et qu’il y ait un problème de bagages. Si des passagers soulèvent la question sur le Web, la compagnie se doit d’apporter des réponses adéquates dans les meilleurs délais”, souligne Marouane Harmach.
Pour parer à toutes ces éventualités, le community manager établit une série de scénarios en cas de “crise” de la marque sur le Net et prévoit une liste de membres de l’entreprise à même d’apporter les réponses nécessaires. “Le community manager constitue un lien entre les services internes de la RAM et les communautés externes, en ce sens qu’il transmet aux différents services les questions, informations ou critiques émanant des internautes actifs sur les réseaux sociaux”, explique Raja Bensaoud. Malheureusement, la réactivité de nombre d’entreprises marocaines fait défaut puisqu’il faut souvent attendre l’autorisation du patron pour se prononcer dans tel ou tel sens, alors que le temps est primordial pour bien communiquer sur le Web social.

 

Zoom. Le prix de la réputation
Le métier de community manager est appelé à un avenir prometteur. Ces prestations sont assurées par les sociétés de communication conventionnelles. Mais, depuis un an, le métier a connu un grand coup d’accélérateur grâce à Facebook et bientôt à Google +. “Les prestations assurées par un community manager s’articulent autour du conseil stratégique pour se déployer sur les réseaux sociaux, par l’animation des contenus de la page de la marque et enfin par la fourniture de prestations plus techniques comme les quizz ou les jeux adaptés pour gonfler l’audience”, explique Youssef Debbagh, fondateur de la société Génération 2point0. Ces prestations sont vendues entre 150 000 et 350 000 DH par an en fonction de la taille de l’entreprise. “Le plus souvent, les entreprises ont recours à des actions ponctuelles dont le prix varie entre 6000 et 9000 DH par mois, en fonction du volume de la fan-page et des langues utilisées”, explique Youssef Debbagh. Par ailleurs, les sociétés spécialisées dans le community management vendent aussi des formations et des séminaires aux entreprises qui veulent se réapproprier la communication sur leur propre marque, pour la somme de 5000 DH par jour.