La réglementation du statut des prothésistes dentaires divise la profession

Entre 30 et 50 prothésistes dentaires ont manifesté devant le ministère de la Santé à Rabat afin de modifier le projet de loi qui devrait enfin réglementer une profession dont les acteurs ne s'accordent pas sur le cahier de revendications.

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Crédit : Flickr / Julie Kertesz

Des prothésistes dentaires se sont réunis dans la matinée du 9 octobre devant le ministère de la Santé à Rabat pour protester contre le projet de loi 25-14 qui est actuellement examiné à la deuxième chambre. Leur but: clarifier l’amalgame entre les prothésistes dentaires diplômés et les « mécaniciens dentistes » exerçant souvent dans l’illégalité.

« Nous dénonçons le projet de loi 25-14 et nous voulons convaincre le ministère de faire des modifications pour nous différencier des ‘mécaniciens dentistes’ qui n’ont ni les mêmes compétences ni la formation« , nous explique Abdellatif Belguezdar, de l’Association nationale des professionnels des laboratoires des prothèses dentaires (ANPLPD).

Selon notre interlocuteur, qui était sur place, ils étaient « entre 40 et 50 » prothésistes à brandir « pendant deux heures » des pancartes disant: « La santé des citoyens est la ligne rouge« , « Non, il ne faut pas mettre sur le dos des prothésistes dentaires 60 ans de vide juridique« .

Alors que leur profession n’est toujours pas réglementée, les professionnels crient leur ras-le-bol, las d’être pointés du doigt comme cela a été le cas après le décès d’un enfant de 12 ans suite à une dent arrachée au début du mois de septembre.

manif prothesistes

Pourtant, Mohammed Jerrar, président du Conseil de l’ordre des médecins dentistes, assure que le projet de loi est clair. « Un article prévoit l’obligation dun diplôme de prothésiste dentaire pour exercer, d’un bac scientifique et de trois années de formation d’étude« , explique le dentiste.

« Cela va mettre de côté certaines écoles qui proposent une formation de deux ans sans Bac« , ajoute Youssef Boualam, président du syndicat national des prothésistes dentaires qui accepte ces conditions. « Nous voulons que la loi 25-14 passe. Le projet est déposé depuis 2012 ! Nous voulons que soit réglementée notre profession et que soit enfin défini un ministère de tutelle« , poursuit-il.

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Les mains à la bouche

Pourtant l’association et le syndicat sont divisés sur la question de l’accès à la bouche des patients. Les prothésistes dentaires n’ont pas de contact avec ces derniers, et répondent à des commandes de médecins dentistes qui envoient des empreintes de prothèse.

L’ANPLPD demande à pouvoir prendre les empreintes sur les patients. « Si toutes les prothèses dentaires sont fabriquées par les techniciens de laboratoires, pourquoi les empreintes ne doivent-elles pas être prises par ces derniers pour une meilleure maîtrise du métier?« , s’interroge Abdellatif Belguezdar.

Mais pour Mohammed Jerrar, du Conseil de l’ordre des médecins dentistes, ouvrir cette porte reviendrait à dépasser les prérogatives des prothésistes. « Nous n’avons pas le droit de toucher la bouche des patients, car ce n’est pas de notre domaine« , complète Youssef Boualam. « Nous n’avons pas les compétences pour gérer les problèmes de malformation, d’hépatite, de bactéries ou de MST« , détaille-t-il. Le syndicat est ferme: le premier et dernier responsable de ce qui se passe dans la bouche du client, ce sont les dentistes.

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Une loi tout de même imparfaite

Même si le syndicat veut accélérer le processus vers une adoption de la loi 25-14, il espère pouvoir y apporter des amendements une fois que les prothésistes dentaires auront le ministère de la Santé comme ministère de tutelle. « Nous devons par exemple trouver une solution pour les prothésistes dentaires qui exercent depuis des années et qui n’ont pas de diplôme. Cela peut passer par une formation continue organisée pour l’État« , suggère encore Youssef Boualam.

À cela s’ajoute le problème de la formation qui doit être dirigée par un prothésiste plutôt que par un dentiste. Il faut également s’assurer de la qualité de la formation et des diplômes délivrés et instaurer un examen national pour obtenir son diplôme. « Avant, les charlatans n’avaient pas de diplômes. Maintenant, ils font une formation qui n’a pas de valeur, mais ont bien un diplôme« , dénonce le président du syndicat national des prothésistes dentaires, le but pour lui étant de valoriser le diplôme.

Youssef Boualam souhaite aussi que soit clarifiée la relation entre le dentiste et le prothésiste, afin que soit définie la responsabilité des uns et des autres. « Nous refaisons à nos frais une prothèse qui ne convient pas à la bouche du patient, mais parfois c’est parce que l’empreinte du dentiste n’était pas bonne« , explique le prothésiste syndicaliste. Un avis partagé avec l’association d’Abdellatif Belguezdar. « Il n’existe pas de contrat avec les dentistes ce qui rend notre situation encore plus précaire« , explique-t-il, faisant allusion aux retards de paiement par exemple. Un comportement de « mauvais payeur » qui est le même dans tous secteurs, relativise le docteur Mohammed Jerrar.

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