La Cour des comptes veut encadrer les salaires des patrons d’entreprises publiques

Dans son rapport dédié aux établissements et entreprises publics (EEP), la Cour des comptes recommande de mettre de l’ordre dans le recrutement et la rémunération de leurs dirigeants.

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Driss Jettou, premier président de la cour des comptes, au parlement pour présenter son rapport annuel (2016). Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

La Cour des comptes a passé au crible 14 entités dans son dernier rapport consacré aux établissements et entreprises publics publié le 22 juin, recommandant d’encadrer davantage le choix et la rémunération des dirigeants.

Si le rapport ne donne pas d’exemple de salaires irraisonnables, il observe que « la fixation des rémunérations des dirigeants publics n’est pas encadrée par une norme applicable à tous les EEP, déterminant notamment les seuils minima et maxima en fonction de la nature de l’activité et de l’importance de l’entreprise ». Ce manque d’encadrement serait à l’origine de « grands écarts » de rémunération des dirigeants, « même au niveau d’entreprises appartenant au même secteur d’activité et de taille équivalente ».

De grands écarts de salaires

Interpellé par un député istiqlalien le 28 juin au Parlement, le ministre des Finances Mohamed Boussaïd a affirmé : « Moins de 3% des hauts fonctionnaires de l’État touchent plus de 130 000 dirhams ». Le ministre, tout en rappelant qu’« il y a des salaires plus élevés dans le secteur privé » a également précisé que la concurrence existant entre les secteurs public et privé « justifie que des responsables reçoivent des salaires concurrentiels ».
Le rapport de la Cour des comptes ne donne aucun exemple de salaires. Idem pour le ministre des Finances. En guise d’ordre d’idées, en 2009, Mohammed Rabie Khlie de l’ONCF gagnait 75 000 dirhams mensuels, Ali Fassi Fihri de l’ONEE 100 000 dirhams mensuels, et Mostapha Terrab de l’OCP 300 000 dirhams par mois, d’après une enquête de TelQuel.

Des bonus pour motiver

Faut-il, comme cela se fait dans certains États, plafonner le salaire de ces patrons ? Les sages de la Cour des comptes ne vont pas jusque-là dans leurs recommandations. Ils préconisent en revanche d’établir une typologie des EEP (en fonction de leur taille, position concurrentielle…), de « normaliser la fixation de la rémunération » et d’inclure une part variable attribuée en fonction des performances. Si la Cour des comptes remarque que la pratique internationale veut que la rémunération de ces dirigeants soit rendue publique, on ne retrouve pas ce point dans ses recommandations.

La partie variable du salaire pourrait être calculée en fonction des objectifs fixés lors du recrutement du patron. La Cour des comptes remarque que la pratique internationale consacre l’existence d’une lettre de mission liant le dirigeant à l’État en lui donnant des objectifs et un mandat d’une durée limitée. La Cour des comptes aimerait qu’il en soit pareil au Maroc : « Le dirigeant de l’entreprise publique doit recevoir, au moment de sa nomination, une lettre de mission signée […] qui fixe les attentes de l’ État stratège et celles de l’ État-actionnaire », peut-on lire dans la partie recommandation du rapport. Elle ajoute : « le mandat de directeur général devrait être renouvelé sur la base d’une évaluation des performances réalisées ».

D’autant plus, à en croire les magistrats, certains dirigeants sont de mauvaises recrues. Le rapport rappelle qu’ils sont sélectionnés comme pour assurer une fonction de hauts fonctionnaires alors que « ce sont deux natures d’emploi requérant des exigences différentes en termes de compétences et de qualifications professionnelles ». La Cour des comptes estime ainsi que la procédure de recrutement requiert « une procédure adaptée par rapport aux critères d’un management moderne des entreprises ». L’institution prend la peine de préciser que ce conseil ne concerne pas les patrons des EEP dits stratégiques nommés par dahir (après délibération en Conseil des ministres), mais seulement ceux nommés en Conseil du gouvernement.

Lire aussi : Driss Jettou passe au crible le secteur des établissements et entreprises publics

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