Alors qu’après presque un an de brouille diplomatique, le Maroc et la France ont conclu un accord le 31 janvier, rétablissant leur coopération judiciaire, une guerre médiatique semble sur le point de commencer. Le site d’information Le360 a publié un article dans la soirée du mercredi 4 février, dans lequel il rapporte que deux journalistes d’investigation du quotidien français Le Monde seraient sur le point de publier « une ‘enquête’ sur un compte bancaire du souverain ainsi que celui de certains membres de la famille royale ».
Or, Le360.ma estime que les informations sur lesquelles se basent cette enquête sont « réchauffées », et prédit qu’elles « seront sans doute présentées comme des ‘révélations’ » et ce, « dans l’espoir de générer une nouvelle tension entre Paris et Rabat ».
Des comptes bancaires à Paris et Genève ?
Le site d’informations s’appuie principalement sur trois courriers qui auraient été envoyés par les journalistes Fabrice Lhomme et Gérard Davet au secrétaire particulier du roi, ainsi qu’à Lalla Meryem et à Moulay Rachid, et auxquels Le360 a eu accès. Les journalistes du Monde semblent disposer d’informations précises : dans ces lettres, reproduites dans leur intégralité sur le site d’information, sont mentionnés des comptes bancaires au nom du roi et de ses frères et sœurs.
Ainsi, le courrier adressé à Mounir Majidi mentionne un compte au nom de Mohammed VI dans une banque en Suisse, qui « selon des documents » que les journalistes français assurent « avoir pu consulter », « font état d’un solde maximum, entre novembre 2006 et mars 2007, de 9 125 792,32 » dollars. La lettre mentionne aussi un chèque de 787 000 euros émis par le roi au profit d’une association française, dont la photo a circulé sur internet en 2012, en tant que preuve que le roi possède un compte dans une banque française à Paris.
L’Office des changes consulté
De la même manière, les courriers adressés à Lalla Meryem et Moulay Rachid mentionnent des comptes numérotés dans une banque suisse à Genève, sans donner le solde toutefois.
Dans ces trois courriers Fabrice Lhomme et Gérard Davet évoquent un « article en préparation pour le journal Le Monde » et posent plusieurs questions au destinataire, afin de « lui donner l’opportunité de commenter [leurs] informations et le cas échéant les corriger ou les remettre dans leur contexte ». Les journalistes demandent si l’ouverture de ces comptes bancaires ont « fait l’objet d’une déclaration à l’office des changes marocains » ou à la direction des impôts, et si les comptes sont toujours actifs. Le portail d’information marocain répond indirectement aux journalistes du Monde et assure avoir une source à l’Office des changes qui affirme que les comptes mentionnés dans les courriers sont « parfaitement légaux, puisque autorisés par l’Office des changes ».
Ultimatum
A la fin des trois lettres, les journalistes précisent que les destinataires ont « au plus tard » jusqu’au « mercredi 3 février 2015 à midi heure française» pour réagir. Et qu’en l’absence de « commentaires, corrections ou déclarations », ils publieront leur « article sur cette base ».
Notons une erreur dans la date, car il s’agissait du mercredi 4 février, mais aussi la courte période accordée aux personnes concernées pour répondre aux questions et affirmations inclues dans ces lettres : elles sont datées du 1er février.
Silence radio du côté du Monde
Joint par Telquel.ma, Gérard Davet confirme qu’il est bien en train de mener une enquête, mais comme son collègue Fabrice Lhomme, refuse « de commenter des investigations en cours », ni même de confirmer, ou d’infirmer avoir envoyé les courriers publiés par le360. Fabrice Lhomme précise qu’il « ne répond que des articles qu’il a effectivement écrit et qui ont été publiés » avant de se déclarer perplexe « qu’on mène une enquête sur une enquête ».
Le but des deux journalistes, selon Le360.ma qui prend position, serait de « générer une nouvelle tension entre Paris et Rabat » dont les rapports se sont améliorés suite à la reprise de la coopération judiciaire entre les deux pays.
Une « pseudo investigation » pour Le360
Le site d’information marocain lancé en 2013 sous-entend que « des milieux franco-marocains et algériens, soutenus par une horde de ‘contestataires’ du royaume » sont impliqués dans ces investigations. L’article évoque l’enquête du quotidien français en termes péjoratifs la qualifiant de « pseudo investigation ». Il assure également que « les journalistes d’investigation n’ont rien trouvé d’exclusif, ni même d’assez consistant pour alimenter et donner un semblant de crédibilité à leur article ». Rappelons, encore une fois, qu’aucun extrait de l’article du quotidien français n’a encore été publié.
La publication dirigée par Youssef Jajili dénonce également le timing de l’enquête menée par Le Monde. En effet, le360.ma estime que les journalistes du Monde ont initié leurs investigations alors que « le roi est en visite privée en France» tout en ajoutant qu’ « il est très probable » que le souverain rencontre le président français François Hollande.
Moulay Hicham, un coupable désigné
A noter que le portail d’information a désigné un coupable : le cousin du roi, Moulay Hicham. Selon le média, ce dernier a « dans une démarche supposée être anticipative […] posté un tweet historique » ayant pour but de « se laver publiquement de toutes les manifestations d’hostilité contre le roi ». Le360.ma dénonce également les attaques du cousin du roi, qui lâche « ses sbires et journalistes aux ordres » contre Mounir Majidi.
Moulay Hicham fait régulièrement l’objet d’articles du portail électronique. En effet, selon les statistiques du site, 45 articles ont été consacrés au cousin du roi en l’espace d’une année, et 9 dans les 30 derniers jours. Tous évoquent le fils de Moulay Abdellah en des termes péjoratifs et soulignent ses relations avec le journaliste et fondateur de Telquel Ahmed Benchemsi, le sportif et ancien détenu Zakaria Moumni, ses « machinations contre Mounir Majidi » ou encore ses fautes de français.
Rappelons que suite au regroupement du site Le360 avec l’ancien magazine arabophone Al Aan au sein de la holding Edit Holding, l’actionnariat du portail d’information est devenu plus clair. Le site est détenu à 80% par Aïcha Bouayad, ancienne directrice de communication de la banque Société générale et à 20% par Aziz Daki, ancien chroniqueur d’Aujourd’hui le Maroc et directeur du festival Mawazine. Un festival dont l’organisation relève de l’association Maroc Cultures dont le dirigeant n’est autre que Mounir Majidi.
Contacté par Telquel.ma, le directeur de la publication de le360.ma, Youssef Jajili, s’est contenté de déclarer que « tout est dans l’article ».
Ils veulent déstabiliser notre unité et notre progrès, mais
les Marocains sont bien matures et bien en relations avec leurs environnements
politique, économique et religieuse ou autre, il n’y a pas mieux ailleurs, c’est
une dynastie de 12 siècles de royauté, pas comme certaines bureaucraties qui
sont arrivé au pouvoir par des coups d’état et la terreur, le Maroc avance et
dieu merci, vive le Maroc et vive le Roi.