Campagne «chmata»: la société civile critique la démarche de Hakkaoui

La ministre de la Femme a lancé la campagne « Acceptes-tu d’être lâche (chmata) ? » pour dénoncer la violence à l’égard des femmes. Bien, mais pas suffisant, selon des associations sur le terrain.

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Manifestation à l'occasion de la journée de l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Crédit : Rachid Tniouni

A l’occasion de la journée d’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre, Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, a lancé la 12e édition de la campagne nationale pour stopper la violence à l’égard des femmes. Pour cette campagne qui se poursuit jusqu’au 10 décembre prochain, Bassima Hakkaoui a choisi un slogan coup de poing : « Acceptes-tu d’être lâche ( »Wash takbal tkoun chmata ») ? La violence à l’égard des femmes est une faiblesse et non une force ».

Création d’un Observatoire national contre la violence à l’égard des femmes

Lors d’une conférence organisée pour l’occasion, la ministre PJDiste a affirmé que ce slogan a pour objectif d’intimider « tout homme qui vit encore avec des valeurs machistes ». Et d’interpeler « tout homme commettant ou prêt à commettre un acte de violence à l’égard des femmes ».

D’autre part, la ministre a annoncé la création d’un Observatoire national contre la violence à l’égard des femmes qui devrait tenir sa première réunion la semaine prochaine. Il est chargé du suivi des victimes et de leurs dossiers. Il devra aussi rendre un rapport annuel sur la question. Car les derniers chiffres sur la violence remontent à l’enquête du Haut-commissariat au plan (HCP) en 2011, qui avait révélé que 62,8 % des Marocaines avaient déjà été victimes de violences. Bassima Hakkaoui a d’ailleurs annoncé le lancement prochain de la 2e enquête nationale sur ce phénomène, en partenariat avec le HCP.

Des mesures insuffisantes pour la société civile

Des annonces qui ne sont pas suffisantes pour les associations qui militent pour les droits des femmes. « Une campagne, c’est bien, mais ce n’est pas assez », commente Fatima Zohra Chaoui, avocate et présidente de l’Association marocaine de lutte contre la violence à l’égard des femmes, qui dispose d’un centre d’écoute et d’accueil pour les victimes. « C’est toute l’année qu’il faut sensibiliser », ajoute-t-elle.

« Nous n’avons pas besoin de qualificatifs, le gouvernement doit davantage et mieux protéger les femmes et les doter de recours et moyens d’action », estime quant à elle Fouzia Assouli, présidente de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes (FLDDF) en faisant référence au terme chmata.

« Ce qui est vraiment essentiel, c’est de promulguer des lois et des politiques publiques pour traiter ce problème de la violence à l’égard des femmes en profondeur », ajoute Fouzia Assouli, qui propose de travailler sur les racines des stéréotypes et d’installer des mécanismes de sensibilisation au niveau du gouvernement et des régions.

Une loi controversée bientôt adoptée ?

Pour rappel, la ministre avait présenté, en novembre 2013, le projet de loi 103-13 visant à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes. Un projet de loi qui avait suscité des critiques de la société civile. « Ce projet de loi est écrit pour définir la violence à l’encontre des femmes mariées mais ne prend pas en considération les mères célibataires et les employées de maison », dénonce ainsi la présidente de la FLDDF.

Mais le pire, c’est que le texte s’était également heurté à la résistance de certains membres conservateurs du PJD, qui s’opposaient notamment à la criminalisation du viol conjugal. Du coup, le Conseil de gouvernement avait choisi de le « revoir ». Or Bassima Hakkaoui a déclaré lors de la conférence de presse que son département insistait pour que le gouvernement adopte avant la fin de cette année le projet de loi 103-13. Mais sans dire un mot sur les articles controversés du texte…

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