Michel Gondry. Le cinéma démystifié

Création. Le réalisateur français a transformé les anciens abattoirs de Casablanca en usine de films amateurs. Petits et grands peuvent venir y tourner 
une œuvre en trois heures.

«Je voulais retrouver des sensations de mon enfance quand mes frères et moi prenions la caméra Super 8 de mon père pour faire des petites vidéos », raconte Michel Gondry à propos de l’origine de son projet d’usine de films amateurs. Le réalisateur de L’écume des jours n’essaie pas d’intellectualiser ce projet de manufacture cinématographique, il évoque plutôt un concept simple où la collaboration est le maître-mot. « Il n’y a pas une recherche de profondeur, on est là pour s’amuser », résume-t-il.

Cinéastes en herbe

Pour l’occasion, des décors ont été dressés dans les anciens abattoirs de Casablanca. Créées en collaboration avec des talents locaux, les scènes installées aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur sont empreintes de l’identité rétro, voire légèrement kitsch de l’univers de Michel Gondry. Travaillées dans le détail, elles gardent cependant un pied dans l’identité locale. On y retrouve aussi bien un café de quartier qu’une station de tramway, en passant par la rue marchande, l’appartement et même la plage. « Je suis toujours curieux de voir comment l’esprit d’une ville va se refléter dans la créativité des participants », confie Michel Gondry qui a lancé l’usine de films amateurs en 2008 à New York. Depuis, l’expérience a fait le tour du monde.

Une fois l’usine de Casablanca inaugurée, des groupes scolaires ainsi que des associations et des adultes se présentent pour participer à ce projet où il s’agit d’apprendre à créer ses propres fictions. « Nous avons rarement l’occasion d’impliquer nos élèves dans des activités extrascolaires aussi innovantes », affirmeKhadija, professeure de mathématiques dans une école primaire de la périphérie de Casablanca. Aujourd’hui, elle a laissé à la porte l’autorité qu’elle exerce sur ses élèves pour jouer le jeu le temps d’un tournage. Les enfants, eux, sont clairement motivés par cette expérience qu’ils prennent très à cœur, de l’écriture du scénario au choix des costumes et des décors jusqu’au tournage. Avec une maladresse et une timidité difficilement dissimulées, ils courent de décor en décor pour finaliser leur film, récitent les dialogues qu’ils ont écrits au préalable, le tout pendant trois heures, durée consacrée à chaque groupe. « J’ai essayé lors d’expériences précédentes d’étaler le processus sur une semaine, ce qui a provoqué une démotivation chez les participants. Les visiteurs ont besoin d’avoir un rythme et une sorte de stimulation de courte durée pour créer », nous explique Michel Gondry.

Pas de deuxième prise

Les animateurs, eux, ne s’impliquent ni dans l’écriture du scénario ni dans le tournage, ils se contentent de guider les visiteurs lors des étapes du projet. « Ma recherche verse dans le travail de groupe, comment rendre autonome un groupe d’amateurs sans les encadrer pour autant », souligne Michel Gondry. Un détail qui n’est pas sans importance vu que le projet n’a rien à voir avec une école de cinéma, selon le réalisateur.

Autre particularité du projet, les films ne sont pas montés par la suite. Une seule prise est donc permise par scène et le montage se fait automatiquement. Aucun droit à l’erreur. « Ce mode de création permet d’être pointilleux sur chaque prise et amène son lot d’imperfections qui peuvent être drôles au visionnage », commente Amine, animateur dans l’usine de films amateurs et étudiant en cinéma. Après le tournage, le groupe d’amateurs va découvrir son court-métrage dans une salle de cinéma improvisée au sein des abattoirs et repart avec une copie du travail réalisé. « L’idée de délivrer une seule copie du film n’est pas fortuite, c’est une façon de motiver des personnes qui ne se connaissent pas à la base à garder contact pour se passer le DVD », déclare  Michel Gondry en insistant sur le côté collaboratif du projet. Aujourd’hui, le cinéaste travaille sur l’installation permanente de son usine de films amateurs à Aubervilliers en France, dans une manufacture d’allumettes qui sera réhabilitée pour l’occasion.  

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