Elaboré avec l’accompagnement du cabinet de consulting Boston Consulting Group (BCG), le plan “Digital Morocco 2030” a pour objectif de propulser le Maroc dans une “nouvelle ère économique”, tout en améliorant la qualité de vie des citoyens à travers des services publics modernisés et accessibles. Ce plan n’en est pas à ses balbutiements. En effet, la version provisoire a été révélée lors de la dernière édition du GITEX Africa à Marrakech, sans pour autant réussir à obtenir l’appui nécessaire de l’ensemble de l’écosystème digital du pays ni celui du chef du gouvernement.
Le premier chantier de cette stratégie est la transformation numérique de l’administration publique. L’ambition est claire : simplifier les démarches administratives pour les citoyens et les entreprises, et améliorer la position du Maroc dans le classement mondial des services en ligne, avec pour objectif de passer de la 100e à la 50e place de l’indice onusien e-Government and Development Index (eDGI) des services publics en ligne d’ici 2030.
Pour y parvenir, le gouvernement compte mettre en ligne un portail numérique unique. Ce site centralisera progressivement les services administratifs et proposera des solutions dématérialisées pour simplifier les démarches des citoyens et des entreprises. Des solutions telles que l’identité numérique, la signature électronique ou encore une plateforme d’échange de données entre administrations devraient faire partie de l’offre de ce portail. Cette approche inclut également une assistance pour les citoyens ayant peu de familiarité avec le numérique, via des relais installés à travers le pays, notamment dans les zones rurales.
L’un des points majeurs de cette transformation est la méthode dite du “parcours usager”, qui place le citoyen au centre de la simplification des processus administratifs. Chaque étape du parcours sera étudiée et digitalisée pour faciliter les démarches en ligne, selon des standards internationaux de qualité.
Pour garantir la bonne mise en œuvre de ces réformes, un dispositif de gouvernance “agile” est prévu, avec des administrations pilotes désignées pour coordonner et accompagner les projets prioritaires. Le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration sera en première ligne, appuyé par l’Agence de développement du digital (ADD).
“3000 startups d’ici 2030”
L’un des piliers essentiels de Digital Morocco 2030 est le développement de l’économie numérique, envisagée comme un moteur de croissance économique. Le Maroc souhaite non seulement encourager la digitalisation des entreprises nationales, mais aussi attirer des investissements étrangers dans des secteurs technologiques à fort potentiel de croissance comme l’intelligence artificielle et l’outsourcing.
Le gouvernement ambitionne ainsi de créer 140.000 nouveaux emplois dans l’outsourcing et le digital export d’ici 2030, avec l’objectif de faire grimper les revenus d’exportation du secteur numérique à 40 milliards de dirhams. Pour atteindre cet objectif, l’économie numérique se déploie à travers trois volets : l’outsourcing, les startups et la digitalisation des entreprises.
Le gouvernement veut favoriser l’émergence de 3000 startups d’ici 2030, avec pour ambition de voir éclore de ce futur écosystème une à deux licornes (entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars) et une dizaine de gazelles, ces jeunes entreprises à forte croissance. Pour y parvenir, des dispositifs de financement ciblés seront mis en place, tels que la “bourse de vie”, un programme incitatif destiné à encourager les entrepreneurs à se lancer.
Les incubateurs nationaux seront également renforcés pour offrir aux startups un accompagnement technique, stratégique et financier, tandis que des partenariats avec des incubateurs internationaux permettront d’élargir les opportunités d’exportation.
Le soutien à la transformation digitale des PME marocaines est également une priorité. Un programme spécifique intitulé “PME Tech” offrira aux entreprises des subventions et un accompagnement pour adopter des solutions numériques créées par des acteurs locaux, tout en leur permettant de renforcer leur compétitivité sur la scène internationale.
Talents, cloud et connectivité
Pour réussir cette transition numérique, le Maroc devra compter sur une main-d’œuvre qualifiée et des infrastructures technologiques robustes. C’est pourquoi la stratégie Digital Morocco 2030 met l’accent sur la formation et la reconversion des talents, le développement d’une infrastructure cloud souveraine et le renforcement de la connectivité à travers le pays.
Le plan “Digital Talents” prévoit de former 100.000 talents numériques par an d’ici 2030, en mobilisant des programmes de formation professionnelle, des bootcamps intensifs, et des collaborations avec les universités pour adapter les cursus aux besoins du marché. En parallèle, 50.000 personnes seront reconverties chaque année vers les métiers du numérique. Pour attirer les talents étrangers, le Maroc mettra en place le “Visa Tech” pour les professionnels du numérique, afin de combler les lacunes dans certains domaines spécialisés.
La stratégie prévoit aussi la création d’un Cloud souverain pour les services publics et les infrastructures critiques, garantissant ainsi que les données sensibles restent sous contrôle national. Un Cloud public, destiné aux entreprises, sera développé pour soutenir l’économie numérique et faciliter l’accès à des services technologiques modernes. En parallèle, le Maroc encouragera l’installation de grands fournisseurs de cloud internationaux pour répondre aux besoins des entreprises locales.
La connectivité, élément clé pour l’inclusion numérique, sera renforcée avec le Plan national du Haut Débit 2, qui prévoit d’étendre la couverture internet à 1800 localités mal desservies d’ici 2026. Le déploiement de la fibre optique devrait toucher 56 millions de foyers à l’horizon 2030, tandis que la couverture 5G atteindra 70% de la population.
Il est à noter que, en mai 2024, TelQuel avait pointé du doigt le manque de concertation autour de ce projet d’envergure. Plusieurs composantes de l’écosystème digital marocain avaient en effet critiqué cette première feuille de route unilatérale. Cette deuxième version, selon Mezzour, a été élaborée suite à la tenue de plus de 40 entretiens, 20 ateliers et 20 réunions avec des acteurs du secteur, affirmant que cette approche a inclus la participation de 5 PME, 5 groupes de discussion et 8 ateliers citoyens.