L’AMDV réclame des juges et officiers spécialisés dans les affaires d’agressions sexuelles

Afin de mieux soutenir les victimes d’agressions sexuelles, l’Association marocaine des droits des victimes (AMDV) a réclamé des juges et officiers spécialisés, particulièrement pour les enfants, lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi 22 mai. L’AMDV critique également les peines jugées trop légères envers les agresseurs, ainsi que la difficulté d’accès des victimes à la justice.

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Aïcha Guellaa. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Au niveau judiciaire, il y a une lacune majeure dans la création des conditions appropriées pour entendre les enfants victimes d’agressions sexuelles, et il faut des juges spécialisés au niveau du ministère public et des juges de condamnation, ainsi qu’au niveau de la sécurité nationale et de la gendarmerie, car nous avons affaire à un groupe vulnérable qui a besoin d’un traitement exceptionnel.” C’est ce qu’a affirmé Aïcha Guellaa, présidente de l’Association marocaine des droits des victimes, lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi matin à Rabat.

Elle a souligné que les enfants victimes d’agressions sexuelles souffraient doublement parce qu’ils ne comprennent pas la nature des agressions sexuelles et leurs effets, appelant à fournir une assistance psychologique aux victimes, car l’association a actuellement recours à des médecins travaillant dans le secteur privé.

“La clémence des sanctions, l’environnement, le statut social, l’analphabétisme et la pauvreté sont autant de facteurs qui contribuent à faire taire la voix des victimes”

Aïcha Guellaa

Depuis sa création en 2021, c’est une vingtaine de dossiers d’enfants que l’Association a pu traiter, dont quelques-uns âgés d’à peine 5 ans. À côté de ceux-là, l’Association s’est aussi occupée de 30 dossiers d’adultes, notamment plusieurs étudiantes dans le cadre de ce qui est maintenant communément appelé “sexe contre bonnes notes”.

Ces nombres, selon Guellaa, ne reflètent pas la réalité des choses. Une grande majorité des victimes ne dénoncent pas les agressions qu’elles ont subies “en raison du manque de courage pour dénoncer, du manque d’accès facile à la justice, et des décisions judiciaires qui encouragent les victimes à garder le silence”, notant que “la clémence des sanctions, l’environnement, le statut social, l’analphabétisme et la pauvreté sont autant de facteurs qui contribuent à faire taire la voix des victimes”.

Guellaa a également souligné qu’“il n’y a pas de place pour une hiérarchisation de ces crimes basée sur l’absence d’antécédents de l’auteur ou la présence ou non de la violence, notamment en ce qui concerne les agressions sexuelles contre des enfants”, exprimant son refus catégorique d’accorder des circonstances atténuantes aux agresseurs sexuels.

La double peine

Mehdi Mounir, professeur universitaire à la Faculté de droit de Rabat, estime également que les peines prévues pour ces crimes ne sont en aucun cas à la mesure de l’horreur des agressions sexuelles faites aux victimes. “Les peines prévues ne sont pas proportionnées aux crimes odieux d’agression sexuelle. Il faut plutôt revoir le principe énoncé à l’article 141 du Code pénal, qui donne au juge le pouvoir discrétionnaire de déterminer et d’individualiser la peine dans le cadre des limites minimales et maximales prévues par la loi pénale”, a-t-il expliqué.

Mounir a de ce pas appelé à la mise en œuvre du décret relatif à l’étude de l’impact qui doit être attaché à certains projets de loi, soulignant que “son activation obligera le gouvernement, lors de la définition de ses politiques législatives, à prendre en compte les droits des victimes”, considérant que “la victime d’aujourd’hui pourrait peut-être être un agresseur demain, compte tenu des graves répercussions psychologiques qui ne se sont pas traitées”.

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