Entre l’Iran et Israël, des raisons de désescalade mais une extrême fébrilité

L’attaque “calibrée” attribuée à Israël contre l’Iran vendredi et la réaction modérée de Téhéran laissent penser que les deux parties pourraient s’engager dans une désescalade, même si la situation demeure explosive, estiment des analystes.

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Ali Khamenei (Iran) et Benjamin Netanyahu (Israël). Crédit: DR

La communauté internationale redoute que des décennies d’inimitié entre Israël et la République islamique ne se transforment en guerre totale, alors que l’armée israélienne poursuit son offensive sur Gaza à la suite de l’attaque du 7 octobre contre Israël par le groupe islamiste palestinien Hamas, qui est soutenu par Téhéran.

Selon des responsables américains cités par plusieurs télévisions américaines, les explosions de vendredi près d’une base militaire à Qahjavarestan, dans le centre du pays, seraient liées à une attaque israélienne contre l’Iran en représailles aux frappes iraniennes le week-end dernier.

Ces nouveaux développements interviennent alors qu’Israël avait menacé de répondre à l’attaque contre son territoire et malgré les mises en garde des États-Unis, son plus fidèle allié.

Pour Michael Horowitz, analyste pour le cabinet de conseil en risque géopolitique Le Beck, “il s’agit d’une réponse calibrée qui vise à démontrer la capacité d’Israël à frapper sur le sol iranien sans pour autant provoquer une escalade”. Téhéran semblait en effet vendredi tempérer la situation, relevant une attaque sans missiles et des installations nucléaires en sécurité.

Nous semblons être à un moment où les deux parties cherchent à sortir du cycle d’escalade actuel, Israël menant une attaque très limitée pour démontrer une réponse aux frappes iraniennes et Téhéran minimisant rapidement l’incident afin de ne pas être obligé d’y répondre”, estime Julien Barnes-Dacey, du Conseil européen pour les relations internationales.

Hasni Abidi, du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, basé à Genève, souligne, lui, la “quasi-symétrie” entre les deux attaques iranienne et israélienne, ce qui pourrait les amener à estimer qu’ils peuvent en rester là.

La frappe israélienne a frappé une base aérienne ayant servi de plateforme pour lancer des missiles et des drones sur Israël” la semaine dernière, dit-il. Et “les Israéliens ont pris garde de ne pas toucher des positions nucléaires importantes qui sont dans la même province, à Ispahan”.

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Une situation de nature à apaiser Téhéran, qui n’a “aucun intérêt à ce que cette tension perdure”, car sa “priorité des priorités” est de poursuivre son programme nucléaire, gage de survie du régime, estime ce spécialiste du Proche-Orient.

Lors de son attaque contre Israël le week-end dernier, l’Iran a pu en outre mesurer “la capacité israélienne en matière de défense aérienne” ainsi que la mobilisation “sans précédent” des États-Unis, plus largement du camp occidental rejoint par la Jordanie, note-t-il.

L’Iran avait lancé plus de 350 projectiles — missiles et drones — en direction d’Israël, qui ont presque tous été interceptés. Malgré des éléments objectifs en faveur d’une désescalade, les experts restent pourtant particulièrement prudents, relevant les incertitudes entourant les objectifs d’Israël.

Pour moi, Israël est dans une logique d’escalade et pas du tout dans une logique de désescalade”, estime ainsi Agnès Levallois de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.

Attaquer l’Iran, c’est un moyen d’avoir un soutien international bien plus grand que dans l’affaire de Gaza”, assure-t-elle, en référence au fait que certains pays arabes estiment que Téhéran et son programme nucléaire sont en soi un facteur de déstabilisation régionale.

Les Israéliens ont toutefois choisi de riposter à l’attaque de Téhéran sans tenir compte des mises en garde de Washington, observe-t-elle, soulignant le caractère imprévisible du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, jusqu’ici plutôt hermétique aux pressions des États-Unis.

Il y a ce qui paraît évident et raisonnable, mais sur le terrain, on a un acteur (…) qui prend des décisions qui paraissent aller à l’encontre même des intérêts d’Israël”, constate Agnès Levallois. Israël a en outre intensifié ses raids dans le sud du Liban contre le Hezbollah libanais — relais de Téhéran —, ce qui pourrait pousser celui-ci à vouloir “laver l’outrage fait à l’Iran”, dont Israël a tué récemment plusieurs responsables. “La situation régionale dans son ensemble reste incroyablement fébrile avec la confrontation entre ces deux pays plus directe que jamais”, réagit ainsi Julien Barnes-Dacey.

Scénario moins pessimiste, les États-Unis ont peut-être pu accepter qu’Israël riposte en échange d’en rester là, espère Agnès Levallois. Car, dit-elle, “les risques sont trop grands” pour les États-Unis, les pays du Golfe et pour Israël lui-même.