Les critères de l’ONU pour déclarer une famine à Gaza

L’ONU, qui redoute une famine dans le nord de Gaza d’ici fin mai en l’absence de mesures “urgentes”, utilise des critères stricts pour déclarer une famine sur un territoire déterminé.

Par

UNRWA / X

L’ONU se fonde sur ses agences spécialisées basées à Rome, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), qui s’appuient sur un organisme technique, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).

L’IPC analyse et classifie la sévérité de l’insécurité alimentaire sur une échelle fondée sur des normes scientifiques internationales. Selon son dernier rapport publié lundi, un habitant sur deux à Gaza se trouve actuellement dans une situation alimentaire “catastrophique”, soit 1,1 million de personnes.

Il s’agit du nombre le plus élevé jamais enregistré par l’IPC de personnes faisant face à une situation alimentaire catastrophique”, a souligné lundi le PAM, alors que selon l’IPC la famine est “imminente” dans le nord.

à lire aussi

La famine est définie par l’IPC comme “un état de privation alimentaire extrême”. “Des niveaux d’inanition, de décès, de dénuement et de malnutrition aiguë critiques sont manifestes ou risquent de le devenir.

Les Nations unies redoutent une famine “imminente” dans le nord de Gaza, difficilement accessible, où vivent actuellement environ 300.000 personnes.

Dans cette région, les habitants scrutent quotidiennement le ciel dans l’attente d’un parachutage, mais les quantités larguées sont limitées. Dès que les parachutes s’approchent du sol, les habitants se précipitent au milieu des ruines, en espérant récupérer un sac de nourriture.

L’aide par voie terrestre, très insuffisante face aux besoins immenses, entre principalement dans la bande de Gaza depuis l’Égypte via le poste-frontière de Rafah, après avoir été inspectée par Israël.

Mais le volume d’aide arrivant ainsi ne suffit pas à répondre aux besoins de la population, d’où les appels pour ouvrir d’autres voies, donnant sur le nord du territoire, et différentes initiatives comme l’envoi de navires chargés de vivres depuis Chypre.

La classification en état de “famine” représente la phase de sévérité la plus élevée de l’échelle IPC d’insécurité alimentaire aiguë, qui en compte cinq : phase 1 (“minimale”), phase 2 (“stress”), phase 3 (“crise”), phase 4 (“urgence”), et enfin phase 5 (“catastrophe/famine”).

La phase 5 est atteinte lorsqu’un territoire remplit ces trois critères :

– au moins 20 % des foyers sont confrontés à un manque extrême de nourriture

– au moins 30 % des enfants souffrent de malnutrition aiguë

– au moins deux personnes sur 10.000 ou au moins quatre enfants de moins de cinq ans sur 10.000 meurent chaque jour d’inanition ou en raison d’une interaction malnutrition/maladie.

Concernant ce troisième critère, la mortalité “accélère, mais les chiffres disponibles sont limités, comme c’est souvent le cas dans les zones en guerre”, selon le PAM. Toutefois, “attendre une confirmation qu’une famine est en cours (…) pour prendre des mesures radicales est indéfendable”, estime l’IPC dans son rapport.

“Dernière sonnette d’alarme pour le monde”

Pour Jean-Raphaël Poitou de l’ONG Action contre la faim, présente sur place, les chiffres publiés lundi par l’IPC sont “la dernière sonnette d’alarme pour le monde”. “Il faut agir maintenant, nous avons la solution pour sauver les enfants souffrant de malnutrition, mais nous n’avons pas d’accès” à Gaza, a-t-il souligné dans un entretien avec l’AFP.

Les causes principales des famines sont :

– les catastrophes naturelles : sécheresse, inondations, cyclones, tremblements de terres, insectes nuisibles (criquets…) qui affectent la disponibilité et l’accès aux aliments

– les crises économiques qui entraînent une perturbation du commerce des produits alimentaires, l’augmentation et la volatilité des prix des aliments

– les réponses humanitaires inadéquates face à une catastrophe, quand l’acheminement de l’aide n’est pas suffisant, assez rapide ou bien coordonné

– et enfin les conflits armés, qui entraînent des déplacements de populations et les confrontent à la pénurie alimentaire, comme c’est le cas à Gaza, où selon l’IPC 1,9 million d’habitants sont déplacés.

Une fois que les critères déterminés par l’IPC sont atteints, il appartient aux parties prenantes concernées au niveau du pays, telles que les autorités gouvernementales et les agences des Nations unies, de déclarer une famine.

Les dernières famines déclarées par l’ONU remontent à 2017 au Soudan du Sud et 2011 en Somalie.