Crise au Sénégal : la contestation se poursuit malgré les violences

Un lycéen de 16 ans a été tué alors qu’il manifestait dans le sud du Sénégal, portant à trois le nombre de tués dans le pays depuis le début de la contestation liée au report surprise de l’élection présidentielle.

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Landing Camara, dit Diedhiou, est mort samedi soir des suites de ses blessures à l’hôpital régional de Ziguinchor, fief de l’opposant emprisonné Ousmane Sonko, où des affrontements entre groupes de jeunes et forces de sécurité se sont poursuivis samedi.

Dans un message sur les réseaux sociaux, l’ambassade des États-Unis au Sénégal a “exhorté toutes les parties à agir de manière pacifique et mesurée” et a de nouveau “demandé au président Sall de rétablir le calendrier électoral, de restaurer la confiance et d’apaiser la situation”. L’Union européenne (UE) a elle “appelé les autorités à garantir les libertés fondamentales”, selon une porte-parole du chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell.

Dimanche soir, Walf TV, une télévision privée sénégalaise suspendue il y a une semaine pour “incitation à la violence” à travers ses images sur les protestations, a été rétablie sur les bouquets TNT et Canal du pays. “On remercie le peuple sénégalais qui s’est beaucoup battu, et le président pour son geste qui libère tout un peuple”, a déclaré à l’AFP Cheikh Niass, le PDG de la chaîne.

Le 3 février, Macky Sall a pris tout le monde de court en reportant l’élection à trois semaines du scrutin, une décision entérinée par l’Assemblée nationale qui l’a repoussé au 15 décembre. L’Assemblée a aussi voté le maintien au pouvoir de M. Sall jusqu’à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Son deuxième mandat expirait officiellement le 2 avril.

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Vendredi, l’ensemble du pays a été secoué par une contestation d’ampleur, réprimée par les forces de sécurité. Celles-ci dispersaient le moindre rassemblement en tirant des gaz lacrymogènes.

La majorité des villes ont retrouvé leur calme samedi, dont Dakar, la capitale. Mais à Ziguinchor, chef-lieu de Casamance, les heurts ont continué, mettant aux prises des dizaines de jeunes, qui ont formé des barrages et jeté des pierres, aux forces de sécurité.

“Un jeune a reçu un projectile sur la tête et il est décédé de ses blessures à la réanimation hier soir”, a déclaré dimanche à l’AFP un responsable hospitalier sous couvert de l’anonymat. “Il y a eu plusieurs blessés graves pendant les manifestations et l’un est décédé. Il a été atteint d’une balle à la tête”, a affirmé à l’AFP Abdou Sané, coordinateur du parti d’opposition Pastef à Ziguinchor. Le garçon était lycéen, a-t-il précisé.

Une enquête a aussi été ouverte après la mort vendredi d’un étudiant en géographie de 22 ans à Saint-Louis (nord) dans des circonstances encore floues. Un vendeur ambulant a également succombé à ses blessures samedi à Dakar, victime selon ses proches d’un tir de gendarme la veille.

Le report de la présidentielle a soulevé une indignation largement partagée sur les réseaux sociaux, l’opposition criant au “coup d’État constitutionnel”.

Les partenaires internationaux du Sénégal ont exprimé leur préoccupation et appelé à organiser des élections le plus rapidement possible. Samedi, la mobilisation s’est étendue à la diaspora, avec des manifestations qui ont drainé quelques milliers de personnes à Paris et Berlin.

Dimanche, à la paroisse Notre-Dame-des-Anges de Ouakam, à Dakar, comme dans d’autres églises, le prêtre qui officiait la messe a dit que la situation politique “affectait” et “inquiétait” tous les Sénégalais.

La répression des manifestations a suscité l’indignation de l’opposition. “Nous prenons à témoin la communauté régionale et internationale, face aux dérives de ce pouvoir finissant”, a déclaré Khalifa Sall, l’un des principaux candidats à la présidentielle.

La coalition du candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye, qui a reçu le soutien d’Ousmane Sonko, a dénoncé “la brutalité des forces de sécurité qui ont exercé des violences inouïes”. Elle a salué “les efforts” de la société civile et des acteurs politiques pour “faire barrage au coup d’État constitutionnel” et maintenir la présidentielle le 25 février.

Une nouvelle manifestation lancée par un collectif de la société civile, Aar Sunu Élection (“Protégeons notre élection”), est prévue mardi. Face à la répression, “il faut une stratégie de lutte citoyenne. La désobéissance civile est une arme que l’on va utiliser pour mettre ce pays à l’arrêt et rétablir la légalité constitutionnelle”, a déclaré à l’AFP Malick Diop, coordinateur du collectif.