Elles sont pour l’instant cinq Afghanes, dont une accompagnée de trois enfants, qui doivent atterrir lundi après-midi à l’aéroport parisien de Roissy, plusieurs mois après avoir fui le régime taliban qui a repris le pouvoir en Afghanistan à l’été 2021.
Anciennes directrice de l’université des Sciences, consultante pour des ONG, présentatrice de télévision ou encore enseignante dans une “école secrète de Kaboul”, elles ont en commun de ne pas avoir pu bénéficier des ponts aériens vers les pays occidentaux lors de la chute du pouvoir aux mains des talibans. Et d’avoir dû fuir par leurs propres moyens vers le Pakistan, limitrophe.
“Selon les consignes données par le président de la République, une attention toute particulière est portée sur des femmes prioritairement menacées par les talibans parce qu’elles ont eu des positions importantes dans la société afghane (…) ou des contacts étroits avec les Occidentaux. C’est le cas des cinq femmes qui arrivent aujourd’hui”, a indiqué à l’AFP Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), organe sous tutelle du ministère de l’Intérieur.
Dès leur arrivée, ces femmes seront hébergées d’abord dans un centre de “transit” en région parisienne, enregistrées comme demandeuses d’asile puis orientées vers des hébergements “de longue durée”, le temps que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) statue sur leurs dossiers, a-t-il précisé.
“Pas le fruit d’une décision politique”
“À bas bruit, l’opération Apagan (d’exfiltration des Afghans vers la France) continue”, a ajouté le préfet Didier Leschi, soulignant que ce genre d’opération d’évacuation est “amenée à se reproduire si d’autres femmes correspondant à ce profil ont trouvé refuge au Pakistan”.
Pourtant, si ces arrivées constituent “une bonne nouvelle”, elles ne sont “pas le fruit d’une décision politique”, mais ont été “obtenues de haute lutte” par des militants qui ont bataillé “pour obtenir des visas” à ces femmes, a déploré auprès de l’AFP Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d’asile, dont un centre les accueillera dans un premier temps.
L’association, qui soutient depuis plusieurs mois les appels à exfiltrer ces femmes, demande un “programme d’accueil ad hoc plus large”, a poursuivi Delphine Rouilleault qui estime à des “centaines” le nombre d’Afghanes “cachées” au Pakistan.
À l’été 2021, le président Emmanuel Macron avait promis que la France resterait “aux côtés des Afghanes”, en pleine opération d’évacuation — 15.769 personnes entre le printemps 2021 et fin juillet 2023, selon les autorités.
Deux ans plus tard, “les femmes, en particulier les femmes seules et qui ne disposaient pas de l’entregent nécessaire, ont été largement délaissées”, avait déploré fin avril dans une tribune au Monde le collectif Accueillir les Afghanes, notamment piloté par des journalistes.
“Pour elles, il ne subsiste aujourd’hui que des initiatives ponctuelles, menées souvent à bout de bras par des journalistes, des chercheurs, des organisations, pour leur permettre de quitter l’Afghanistan au compte-gouttes”, avait regretté le collectif, appelant la France à mettre en place un programme d’accueil humanitaire “d’urgence”.
Depuis son retour au pouvoir, le régime taliban a progressivement réduit les droits des Afghanes qui ne peuvent plus être scolarisées après 12 ans, accéder aux universités ni aux parcs ou aux salles de sport.
Les femmes, qui doivent se couvrir entièrement lorsqu’elles sortent de chez elles, n’ont plus le droit, également, de travailler pour les ONG et sont exclues de la plupart des postes de fonctionnaires.
L’évacuation opérée lundi sera-t-elle suivie d’autres, plus conséquentes ? Sollicités, ni le Quai d’Orsay ni l’Élysée n’ont souhaité s’exprimer. Et sans prise de position du gouvernement, déplore France terre d’asile, l’opération n’a en tout cas pas valeur d’“engagement de la France”.