Le Kremlin dément avoir orchestré la mort de Prigojine

Le Kremlin a démenti vendredi avoir ordonné l’assassinat d’Evguéni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire Wagner et ennemi de Vladimir Poutine, présumé mort dans une catastrophe aérienne qui nourrit les conjectures quant à un assassinat commandité.

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Evgueni Prigojine, patron de la milice Wagner. Crédit: DR

C’est un mensonge absolu, il faut aborder cette problématique en se fondant sur des faits”, a affirmé Dmitri Peskov, le porte-parole du président russe, interrogé sur les insinuations de dirigeants occidentaux selon lesquelles la présidence russe a pu orchestrer le crash.

“Actuellement, autour de la catastrophe aérienne et des morts tragiques de passagers, notamment d’Evguéni Prigojine, il y a beaucoup de spéculations et on sait bien dans quelle direction on spécule en Occident”, a-t-il dit.

Nombre des détracteurs du régime russe ou de ses ex-partisans tombés en disgrâce ont été tués ou la cible de tentatives d’assassinat. Le Kremlin a toujours démenti toute implication. Selon Peskov, l’enquête sur les causes de la chute de l’avion suit son cours. Il a relevé que Vladimir Poutine avait lui-même dit jeudi en “attendre les résultats”.

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Le président russe considérait cet ex-allié qu’il côtoyait depuis les années 1990 comme un traître en raison de sa rébellion armée des 23 et 24 juin. Mais il a rendu hommage jeudi soir, après 24 heures de silence, à un homme “talentueux” qui a commis des “erreurs” et aussi loué le rôle joué par Wagner sur le front en Ukraine.

Prigojine avait renoncé à sa mutinerie après un accord qui prévoyait son exil avec ses hommes au Bélarus et l’abandon des poursuites. Pourtant, il a continué à se rendre en Russie et a été reçu au moins une fois au Kremlin en juin. Le mois suivant, il était au gigantesque sommet Russie-Afrique, continent sur lequel Wagner est particulièrement actif.

Dmitri Peskov a néanmoins nié vendredi toute rencontre récente entre Poutine et Prigojine.

L’agence russe pour le transport aérien Rossaviatsia a confirmé qu’Evguéni Prigojine se trouvait à bord du jet privé Embraer Legacy qui effectuait un vol entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Des expertises génétiques sont en cours pour identifier les corps des sept passagers et des trois membres de l’équipage.

On compte parmi les victimes présumées le bras droit de Prigojine, Dmitri Outkine, ex-officier d’une unité spéciale du renseignement militaire et commandant opérationnel de Wagner.

Jeudi, des habitants de Saint-Pétersbourg, où le groupe était basé, ont défilé pour déposer des fleurs sur un mémorial improvisé, signe de la popularité du chef de guerre auprès de certains, qui appréciaient son nationalisme et son franc-parler critique des élites militaires russes.

“Pour nous, c’était un ami, un frère. Je pense que pour tous les soldats c’est un moment très important”, a dit Natalia, 31 ans, allée à vélo mettre son bouquet à l’ombre du bâtiment de verre où Wagner a établi son QG.

Les enquêteurs quant à eux n’ont rien dit des pistes examinées, n’évoquant ni la thèse de l’accident, ni celle d’une bombe, ni celle d’un missile sol-air, ni celle d’une erreur de pilotage. Le crash a eu lieu deux mois jour pour jour après le coup de force avorté de Prigojine.

Évoquant l’enquête, Vladimir Poutine a promis qu’elle serait menée “dans son intégralité” et qu’elle aboutirait à une conclusion.

Le jet privé transportant Prigojine et sa garde rapprochée s’est écrasé en fin d’après-midi mercredi au nord de Moscou, déclenchant immédiatement les conjectures quant à un assassinat orchestré au plus élevé des échelons du pouvoir russe.

À Washington, Paris, Berlin ou Kiev, de hauts responsables ont sous-entendu que leurs soupçons se portaient sur le Kremlin. Le Pentagone a pour sa part dit n’avoir “aucune information indiquant qu’un missile sol-air” avait été tiré contre l’appareil, alors que des groupes sur Telegram proches de Wagner mentionnent cette piste.

Wagner, qui a quitté l’Ukraine après sa rébellion, reste actif en Afrique, mais son avenir est désormais en suspens. Partout où il a été déployé, ce groupe est accusé d’exactions, d’exécutions extrajudiciaires et de tortures.

Le Kremlin a dit vendredi ne pas savoir ce que l’organisation deviendra. “Concernant (son) avenir, je ne peux rien vous dire là maintenant, je ne sais”, a assuré Peskov.