Depuis La Nouvelle-Calédonie où il est en visite, le président Emmanuel Macron s’est refusé à commenter les propos du patron de la police. Il a cependant dit comprendre “l’émotion” des policiers, avant de lâcher : “Nul en République n’est au-dessus de la loi.”
Des propos “scandaleux” et “gravissimes” : les syndicats de magistrats n’ont pas mâché leurs mots en réaction aux déclarations la veille du directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, souhaitant la libération d’un policier de la BAC de Marseille incarcéré dans le cadre d’une enquête sur des violences policières commises en marge des émeutes début juillet.
Ce policier est soupçonné d’avoir roué de coups un homme de 21 ans dans la nuit du 1er au 2 juillet.
Le policier a reçu l’appui d’un autre très haut cadre, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez. “Je partage les propos du DGPN”, a twitté Nuñez, également ancien préfet de police de Bouches-de-Rhône.
“Le DGPN, sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, fait pression sur l’autorité judiciaire dans une affaire individuelle. Gravissime. Strike pour l’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs et l’égalité devant la loi”, a tweeté lundi le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).
L’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) souligne dans un communiqué que “réclamer une Justice d’exception au bénéfice des policiers est contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, cela ne sert que des intérêts partisans et abime la nécessaire confiance mutuelle entre deux institutions complémentaires”.
Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a lui indiqué dans un tweet que “la justice doit poursuivre son travail dans la sérénité et en toute indépendance. C’est une condition indispensable au respect de l’Etat de droit, qui est le fondement de notre démocratie”.
“De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail”, a dit Frédéric Veaux, dans un entretien au Parisien, ajoutant : “Le savoir en prison m’empêche de dormir.”
Ces propos ont également suscité immédiatement des réactions d’indignation dans la classe politique. Jean-Luc Mélenchon a appelé sur son blog “au respect des institutions républicaines les policiers entrés en sécession factieuse”.
Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a demandé une réunion du Parlement “en urgence”. “Gravissime, toute la hiérarchie policière se place au dessus de la justice (…) ! Ce qui se joue là, c’est la démocratie et le respect de l’Etat de droit”, a-t-il lancé.
Côté majorité, le député Karl Olive s’est dit “interpellé” par le fait que le policier soit incarcéré, estimant qu’il ne s’agit pas “d’un voyou”, avant de rappeler l’importance de la “séparation des pouvoirs”. Dans l’entourage de Gérald Darmanin, on assurait que “le ministre a une très grande confiance dans son DG”.
Le policier placé en détention fait partie d’un groupe de quatre fonctionnaires — deux membres de la brigade anticriminalité (Bac) Sud et deux de la BAC centre — mis en examen pour violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à 8 jours.
Des policiers à Marseille et sa région ont eu recours à des arrêts maladie pour protester contre l’incarcération de leur collègue ou se sont mis en “code 562”, un jargon policier qui signifie qu’ils n’assument plus que les missions d’urgence et essentielles.
Les syndicats assurent que le mouvement touche plusieurs régions de France, mais sans donner de chiffre précis sur la mobilisation. Fabrice Danel, secrétaire zonal unité SGP police dans le Nord, affirme que le mouvement est “suivi”. “On demande aux collègues de se mettre en mode ex-code 562.”
“La colère est là mais les collègues ne se lancent pas”, a souligné auprès de l’AFP une source syndicale à Bordeaux. Dans le grand ouest, il n’y a “pas de mouvement très marqué”, a relevé à l’AFP Arnaud Bernard, secrétaire zonal du syndicat Alliance. Il y en a “un peu partout, mais pas suffisamment en nombre pour perturber le fonctionnement des services”.
Sollicité par l’AFP, le ministère de l’Intérieur a indiqué qu’il ne communiquait pas sur le sujet.
Le président du Tribunal de Marseille a lui lancé un appel “à la mesure afin que l’institution judiciaire puisse poursuivre les investigations indispensables à l’enquête à l’abri des pressions et en toute impartialité”.