Guerre en Ukraine : Moscou annonce la fin “de facto” de l’accord céréalier

Moscou a annoncé lundi la fin “de facto” de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, jugé crucial pour l’alimentation mondiale, quelques heures après une attaque nocturne de l’armée ukrainienne avec des drones navals contre le stratégique pont de Crimée.

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Cette photo publiée par le bureau de presse du ministère turc de la Défense le 3 août 2022 montre l'inspection d'un cargo transportant 26 000 tonnes de maïs en provenance d'Ukraine, au large des côtes nord-ouest d'Istanbul. Crédit: AFP

L’accord de la mer Noire s’est de facto terminé aujourd’hui”, a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ajoutant que “dès que la partie (des accords) concernant la Russie sera satisfaite, la Russie reviendra immédiatement à l’accord sur les céréales”.

Le président russe Vladimir Poutine a dénoncé à plusieurs reprises les obstacles à l’exportation des produits alimentaires et engrais russes, qui devait accompagner celle des produits ukrainiens. Il a aussi jugé samedi que “le principal objectif de l’accord, la livraison de céréales aux pays dans le besoin, notamment sur le continent africain” n’était “pas réalisé”.

Cette annonce intervient quelques heures avant l’expiration de l’accord à minuit (21h00 GMT) à Istanbul.

Signé en juillet 2022 sur les rives du Bosphore et déjà reconduit à deux reprises, l’accord permettant à l’Ukraine d’exporter ses céréales par la mer Noire a permis, sur l’année écoulée, de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, en dépit du conflit.

La Turquie, l’Ukraine et l’ONU ont été notifiés de la décision du Kremlin, a indiqué la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

Malgré l’annonce du Kremlin, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est dit convaincu que son “ami Poutine veut poursuivre l’accord” permettant l’exportation des céréales d’Ukraine en mer Noire.

Dans un tweet, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a “fermement” condamné la décision “cynique” de Moscou “malgré les efforts des Nations unies et de la Turquie”, soulignant que “l’UE s’efforce de garantir la sécurité alimentaire des populations vulnérables de la planète”.

Berlin, de son côté, a appelé “la Russie à rendre possible la prolongation de l’accord” et “ne pas faire supporter les conséquences de ce conflit (ukrainien) aux plus pauvres de la planète”.

Jugeant “très décevante” l’annonce du Kremlin, Londres a estimé que “si la Russie ne renouvelle pas l’accord, elle privera des millions de personnes d’un accès vital aux céréales”, tout en indiquant que “les discussions” vont se poursuivre. Et le ministre néerlandais des Affaires étrangères Wopke Hoekstra a qualifié le retrait de Moscou d’“absolument immoral”.

L’annonce du Kremlin intervient quelques heures après une attaque ukrainienne par drone naval qui a touché le pont de Crimée, reliant la Russie à la péninsule annexée de Crimée en 2014, et tué deux civils. Le porte-parole du Kremlin a toutefois assuré que la décision de non-reconduction de l’accord et l’attaque n’étaient pas “liés”, expliquant qu’“avant même cette attaque, c’était la position du président Poutine”.

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L’attaque contre le pont de Crimée a causé d’importants dégâts sur la section routière de l’ouvrage, qui sert notamment à acheminer du matériel militaire à l’armée russe combattant en Ukraine. Elle a été menée par les services spéciaux et les forces navales ukrainiens à l’aide de “drones navals”, a indiqué lundi à l’AFP une source au sein des services ukrainiens de sécurité (SBU).

Le pont en béton, long de 18 kilomètres, construit à grands frais sur ordre de Vladimir Poutine et inauguré en 2018, consiste en deux ouvrages parallèles, l’un réservé à la circulation routière et l’autre au trafic ferroviaire. La section ferroviaire du pont n’a pas été endommagée et la circulation y a repris dans la matinée, ont indiqué les autorités de Crimée.

Le président du Sénat russe, Sergueï Mironov, a affirmé que Moscou devait en représailles attaquer les infrastructures ukrainiennes et arrêter les négociations sur l’accord céréalier. “C’est ce que nous devons faire, et non discuter d’un accord sur les céréales qui aide les dirigeants de Kiev et leurs maîtres occidentaux à se remplir les poches”, a-t-il affirmé.

Le silence et la discrétion ont entouré tout le week-end les manœuvres de la dernière chance, conduites par la Turquie et l’ONU pour convaincre Moscou de prolonger l’accord céréalier.

Selon les données officielles du Centre de coordination conjointe (JCC) qui supervise l’accord à Istanbul, la Chine et la Turquie sont les premiers bénéficiaires des cargaisons, ainsi que les économies développées.