Ces témoignages nous permettent d’arriver à un réseau de victimes beaucoup plus important, calculé au nombre minimal de 4815 victimes« , a déclaré le coordinateur de cette commission d’experts, le pédopsychiatre Pedro Strecht, lors de la présentation de leur rapport final à Lisbonne.
“Il est désormais difficile que tout reste pareil concernant les violences sexuelles sur mineurs au Portugal et la conscience de leur impact traumatisant”, a-t-il affirmé devant la presse et plusieurs responsables ecclésiastiques.
La grande majorité des crimes dénoncés à la commission indépendante est déjà prescrite, mais 25 témoignages ont été transmis au Ministère public, a précisé son coordinateur.
“C’est très difficile de parler du sujet au Portugal”
Parmi ces rares cas figure celui d’Alexandra, deuxième prénom d’une femme de 43 ans souhaitant rester anonyme, violée par un curé pendant la confession quand elle était une novice de 17 ans se préparant à une vie de religieuse. “C’est très difficile de parler du sujet au Portugal”, où 80 % de la population se définit comme catholique, a témoigné la semaine dernière à l’AFP cette mère de famille, formée en informatique, mais employée comme auxiliaire de cuisine.
“Cette initiative n’a que trop tardé, l’Église doit se purifier”
“Cela faisait de longues années que je gardais ce secret, mais je sentais que cela devenait de plus en plus difficile de gérer ça toute seule”, a-t-elle raconté lors d’un entretien téléphonique. Après avoir dénoncé son agresseur aux autorités ecclésiastiques, elle s’est sentie “ignorée”, car l’évêché concerné s’est limité à envoyer sa plainte au Vatican, qui n’a toujours pas donné suite. Trois ans plus tard, elle a enfin trouvé chez les experts de la commission indépendante une oreille compréhensive et le soutien psychologique dont elle avait besoin.
Attendant de connaître les mesures que prendront les évêques avec un mélange d’espoir et de scepticisme, Alexandra estime que le travail de la commission indépendante a représenté “un bon début” pour ceux qui cherchent à “briser le mur” de silence qui les a longtemps entourés.
“Cette initiative n’a que trop tardé, l’Église doit se purifier”, a affirmé une autre victime, citée de façon anonyme par Pedro Strecht dans son intervention.
Confronté aux milliers de cas de violences sexuelles par des prêtres mis au jour dans le monde et aux accusations de dissimulation par des membres du clergé, le pape François avait promis en 2019 de livrer une “bataille totale” contre la pédocriminalité au sein de l’Église.
Les évêques portugais ont également prévu de se réunir début mars pour tirer les conclusions du rapport indépendant et pour “éradiquer autant que possible ce fléau de la vie de l’Église”, avait déclaré en janvier le secrétaire de la conférence épiscopale, le père Manuel Barbosa.
Le cardinal-patriarche de Lisbonne et plus haut prélat de l’Église portugaise Manuel Clemente s’était dit prêt en avril 2022 à “reconnaître les erreurs du passé” et à “demander pardon” aux victimes. Il assistait lundi à la présentation du rapport de la commission indépendante.
Avant le Portugal, plusieurs pays se sont déjà efforcés de prendre la mesure de ce phénomène, dont la France, l’Irlande, l’Allemagne, l’Australie ou les Pays-Bas.
(avec AFP)