Ouahbi au Parlement : lutte contre la diffamation ou restrictions sur la liberté d’expression ?

Devant les députés, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a annoncé son intention de régulariser l’espace numérique en vue de lutter contre la diffamation et l’atteinte à la vie privée des individus, en promettant plus de sévérité dans le nouveau projet du Code pénal, sans rassurer quant à la préservation de la liberté d’expression.

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Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi. Crédit: DR

Ce qui se passe sur Internet et les réseaux sociaux (la diffamation, ndlr) est une honte”, a répondu le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, à une question orale du groupe parlementaire du RNI à la Chambre des représentants, lors de la séance plénière ce lundi.

Référant à l’article 447-2 du Code pénal, Ouahbi a annoncé avoir durci les punitions de ces faits dans le projet de Code pénal “qui sera prêt prochainement”. Selon la version actuellement en vigueur, la diffamation est punie de un à trois ans d’emprisonnement et d’une amende allant de 2000 à 20.000 dirhams.

Pour cet avocat de profession, les affaires de diffamation doivent être traitées selon le Code pénal et pas celui de la presse. “Je salue le dernier verdict prononcé par la Cour de cassation la semaine dernière qui exclue les actes de diffamation sur Internet du Code de la presse en le considérant sous la juridiction du Code pénal”, s’est-il réjoui à la Chambre des représentants.

La différence ? Les punitions pour diffamation prévues par le Code pénal sont liberticides, contrairement à celles prévues par le Code de la presse.

Vers une réglementation liberticide ?

Les menaces du ministre ne concernent seulement pas la diffamation, mais aussi la création de sites d’informations et de chaînes YouTube : “Nous allons durcir encore les punitions contre ces faits criminels (diffamation, ndlr). Ceci concerne la diffamation par diffusion de photos et vidéos par WhatsApp et Facebook, la création de médias électroniques ou de chaînes YouTube par des individus qui n’ont pas la qualité de journalistes.” Motif ? La préservation de la vie privée, a dit Ouahbi, sans donner de garanties concernant la liberté d’expression.

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Contacté par TelQuel, le président du Club des avocats du Maroc, Mourad El Ajouti, estime que la réglementation de la diffamation sur les réseaux sociaux “devra à la fois protéger la liberté d’expression et responsabiliser” ces internautes.

Pour cet avocat, une telle réglementation devra aussi lever toute ambiguïté concernant le cadre légal de ces espaces. “Elle permettra aussi d’avoir un cadre légal plus clair, et lever l’embarras du choix du droit applicable dans ces affaires”, nous a-t-il déclaré, faisant allusion aux Codes pénal et de la presse. Et d’expliquer que l’enjeu est de faire la différence entre ce qui est publié sur les réseaux sociaux et les articles journalistiques, tout en protégeant le métier de journaliste.

Côté modifications prévues du Code pénal, El Ajouti estime qu’il est encore tôt pour faire des interprétations, soulignant la nécessité de concertations avant la présentation du texte de loi. “Les concertations entre les différentes parties prenantes et les représentants des médias électroniques sont nécessaires de recueillir les opinions et positions de toutes les parties concernées par cet espace numérique, en vue de sortir avec un texte qui saura protéger leur liberté d’expression, mais en les responsabilisant par rapport à ce qu’ils publient”, a-t-il résumé.