Conseil de BAM : vers une nouvelle hausse du taux directeur ?

A deux jours de la dernière réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) au titre de cette année, le scénario d’une nouvelle hausse du taux directeur semble le plus probable, s’accordent à dire les économistes et experts.

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib. Crédit: Rachid Tniouni/TELQUEL

Après avoir relevé son taux directeur de 50 points de base (pbs) à 2 % lors de sa troisième réunion de l’année 2022, un consensus se dégage des diverses analyses en faveur d’un nouveau tour de vis monétaire de la Banque centrale.

Dans son flash pré-Conseil, CDG Capital Insight explique que cette dernière session intervient dans un contexte, national et international, particulier, marqué notamment par les exigences de relance post-Covid19, les incertitudes qui entourent la reprise en 2023, ainsi que par la persistance des dérapages inflationnistes, alimentaires et non alimentaires laissant présager une durabilité de l’inflation pour le prochain exercice.

Les investisseurs financiers prévoient ainsi une hausse du taux directeur de BAM de 50 pbs à l’issue de la prochaine réunion du Conseil de la Banque, selon le dernier “report research strategy” d’Attijari Global Research, un scénario que rejoignent d’autres économistes qui l’attribuent également à la nécessité de préserver l’épargne menacée par un niveau négatif des taux d’intérêt réels.

Fidèle à son objectif principal d’assurer la stabilité des prix, la Banque centrale vise à travers ses interventions, notamment sur le marché interbancaire — sa cible opérationnelle —, à préserver le pouvoir d’achat des citoyens et garantir une meilleure visibilité pour les investisseurs et les entreprises. Ce faisant, elle contribue également à la croissance, à l’emploi et au développement économique du pays.

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Faisant remarquer une poursuite de la montée de l’inflation et la composante sous-jacente sous le triple effet d’un choc exogène, de la sécheresse et d’une transmission vers les prix des biens non échangeables, CDG Capital Insight, qui s’attend à une hausse de 50 pbs du taux directeur, relève l’existence d’un dérapage à la hausse de l’inflation au Maroc, ayant passé à 8,1 % en octobre 2022 au lieu de 1,7 % une année auparavant et ce, à l’image de la quasi-majorité des pays au niveau international, particulièrement ceux dont le taux de dépendance aux importations en matières premières, en demi-produits et en énergie est élevé.

Cette envolée est due principalement à la forte hausse des prix des matières premières et énergétiques au niveau international et son incidence sur les coûts de production de l’industrie manufacturière locale et les biens de consommation importés, le choc d’offre sur l’alimentation en liaison avec la mauvaise campagne agricole 2021-2022, ainsi que la transmission de la hausse des prix vers les biens non échangeables avec le reste du monde, en liaison avec la hausse du coût des intrants, notamment les matières premières et le coût du transport.

Face à ce contexte, l’économiste et spécialiste en politique de change, Omar Bakkou, soutient le scénario d’un relèvement du taux directeur pour juguler l’inflation et mettre fin à la politique d’activisme monétaire menée durant la période de la crise sanitaire, emboîtant ainsi le pas aux autres banques centrales internationales, notamment la Fed et la Banque centrale européenne (BCE).

L’institut d’émission qui prend en considération dans son arbitrage deux variables principales, en l’occurrence l’écart d’inflation et l’écart de production par rapport à leurs niveaux potentiels, et pourra prendre la décision d’augmenter le taux directeur pour revenir au moins à son niveau pré-Covid, au regard notamment de la hausse inquiétante du taux d’inflation qu’elle prévoit pour un horizon de huit trimestres (24 mois), explique Bakkou.

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L’efficacité du canal du taux d’intérêt constitue un facteur déterminant pour atteindre l’objectif final de stabilité des prix. Cela dit, la réaction des taux débiteurs et créditeurs, proportionnellement à la hausse du taux directeur, devrait ralentir les crédits et favoriser l’accroissement de l’épargne, générant ainsi, un ralentissement de la demande globale intérieure, et par conséquent de l’inflation.

Dans ce sens, Bakkou juge souhaitable une hausse du taux directeur face à une situation marquée par la persistance des taux d’intérêt réels (ndlr: taux d’intérêt nominaux corrigés des variations inflationnistes) en territoire négatif.

En plus de préserver la stabilité des prix, la Banque centrale doit veiller au bon fonctionnement des marchés financiers, chose qui exige que le taux d’intérêt utilisé soit un taux d’intérêt “neutre” qui ne favorise ni les épargnants ni les débiteurs, explique-t-il.

“Aucun épargnant n’a intérêt à placer son argent à terme dans cette situation”, indique l’économiste, relevant la nécessité d’augmenter le taux directeur pour ajuster à la hausse les taux d’intérêt réels et protéger l’épargne.

Dans ce cadre, CDG capital insight indique que les taux créditeurs bancaires, qui reflètent la deuxième partie du canal de transmission “taux” de la politique monétaire, ont enregistré des variations peu significatives en mois d’octobre avec une faible progression de 0,03 % des taux associés aux dépôts à terme à 1 an à 2,41 %, contre une légère baisse similaire pour les dépôts à 6 mois à 2,08 %, d’un mois à l’autre.

Ainsi, le processus d’accentuation de la liquidité des dépôts bancaires, entamé depuis le déclenchement de la crise covid19 et la baisse du taux directeur, se poursuit avec une baisse, en glissement annuel, des dépôts à terme de -12,2 % à fin octobre 2022 contre un accroissement de 8,6 % des dépôts à vue et de 7,2 % de la circulation fiduciaire, précise le flash, jugeant, sur cette base, que la transmission de la dernière hausse du taux directeur, de 50 pbs en septembre, vers les taux débiteurs et créditeurs, est quasi-nulle.