Le nombre de plaintes a “plus que doublé” (atteignant 34.425 entre octobre 2021 et octobre 2022) grâce au lancement d’une plateforme de dépôt en ligne l’an dernier, selon ces rapports qui exhortent le Qatar à “continuer à œuvrer pour le plein respect des normes internationales du travail”.
“Les principales causes des plaintes concernent le non-paiement des salaires et des indemnités de fin de contrat, et les congés annuels non accordés ou payés”, indique l’OIT, qui ajoute que 66,5 % ont été réglées à l’amiable et 30,7 % devant la justice. Dans 84 % des cas, “le juge a donné raison au travailleur”.
“Jusqu’en juillet 2022, 582.400.000 riyals qataris (160 millions d’euros) avaient été versés (pour indemniser) plus de 37.000 travailleurs”, ajoute l’agence. “Ce montant est passé à 1.165.316.181 QAR (plus de 320 millions EUR) au 30 septembre 2022. Cela démontre l’ampleur du problème des salaires impayés”, aggravé par la crise du coronavirus, estime-t-elle.
Après avoir obtenu en 2010 l’organisation du Mondial-2022 (20 novembre-18 décembre), le Qatar a été régulièrement critiqué par les syndicats internationaux et les ONG pour ses manquements aux droits humains, notamment des travailleurs migrants venus d’Asie et d’Afrique dans les secteurs de la construction, de la sécurité, de l’hôtellerie et du travail domestique.
Beaucoup de réformes, mais peu de changements
Entre 2018 et 2020, l’émirat a entrepris des réformes qui ont eu “un impact positif” selon 86 % des 1036 travailleurs migrants sondés en mai et juin 2022 dans le cadre de ces rapports.
L’introduction en mars 2021 d’un salaire minimum a touché “plus de 280.000 travailleurs, soit environ 13 % de la main-d’œuvre totale du secteur privé”, indique l’OIT.
En août 2022, 67.128 entreprises étaient enregistrées dans le Système de protection des salaires mis en place en 2015 et 913 étaient en violation des règles, risquant amendes et peine de prison.
Ces rapports montrent aussi que le nombre de travailleurs soignés pour des problèmes liés à la chaleur a baissé depuis de nouvelles règles en 2021. Mais ils n’évoquent pas le nombre de morts dans des accidents du travail, que l’OIT avait évalué à 50 en 2020.
Des ONG accusent le Qatar de sous-estimer le nombre de décès sur les chantiers liés à la Coupe du monde et demandent que l’instance dirigeante du foot, la FIFA, mette en place un fonds d’indemnisation des travailleurs.
Le pays “a montré sa détermination à faire avancer son programme de réforme”, estime pour sa part l’OIT, saisie en 2014 d’une plainte des syndicats internationaux contre le Qatar et installée dans le pays depuis 2018. Mais “il est universellement reconnu qu’il reste des défis dans sa mise en œuvre, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de l’ampleur et du rythme des réformes entreprises”, poursuit l’agence onusienne.
Esclavage moderne ?
Parmi les priorités, “les mécanismes permettant aux travailleurs de porter plainte et de récupérer leur salaire doivent être renforcés”, indique-t-elle.
Elle pointe aussi “la nécessite de veiller à ce que tous (…) puissent bénéficier des lois sur la mobilité de la main-d’œuvre”, alors que plus de 348.450 personnes ont pu changer de travail entre le 1er novembre 2020 et le 31 août 2022, ce qui n’était auparavant pas possible sans autorisation de la part de l’employeur. “Les droits des travailleurs domestiques doivent être mieux protégés”, termine l’OIT.
Alors que des ONG s’inquiètent de l’abandon des réformes après le Mondial, le gouvernement qatari souhaite “que l’OIT établisse une présence plus permanente à Doha” après 2023, est-il précisé dans ces rapports.
Leur publication intervient alors que la ministre de l’Intérieur allemande, Nancy Faeser, et le président de la Fédération allemande de football, Bernd Neuendorf, sont en visite dans l’émirat. Vendredi, l’ambassadeur d’Allemagne à Doha avait été convoqué après que Faeser a déclaré que “l’accueil (du Mondial) par le Qatar était très délicat” du point de vue de Berlin.