Doté d’un écosystème unique dans le bassin méditerranéen et classé réserve de biosphère par l’Unesco en 1990, « le parc national d’El Kala a vu plus de 10.000 hectares partir en fumée ces derniers jours », a déclaré l’universitaire Rafik Baba Ahmed.
Les gigantesques incendies mercredi et jeudi dans le nord-est de l’Algérie ont fait selon les données officielles 37 morts, tandis que des médias locaux font état d’une 38e victime, un homme de 72 ans à Guelma (est), ainsi que de disparus.
« Au cours des dernières 48 heures, les pompiers sont intervenus sur 51 feux » dans 17 départements, et ils luttent encore contre deux incendies à Tlemcen, dans l’ouest du pays, a indiqué samedi la protection civile algérienne sur son compte Facebook.
Biodiversité menacée
Le parc d’El Kala, situé non loin de la ville du même nom, est considéré comme l’un des principaux réservoirs de biodiversité du bassin méditerranéen. D’une superficie totale de près de 80.000 hectares, il abrite plusieurs centaines d’espèces d’oiseaux, de mammifères et de poissons qui lui confèrent « une richesse biologique exceptionnelle », souligne Baba Ahmed, qui a été directeur du parc.
« La Réserve de biosphère d’El Kala abrite une faune aviaire très remarquable, plus de 60 000 oiseaux migrateurs chaque hiver », indique l’Unesco sur son site.
« C’est une mosaïque d’écosystèmes marins, dunaires, lacustres et forestiers, avec sa bande marine riche en coraux, herbiers de posidonies et poissons », ajoute l’organisation de l’ONU.
Chaque été, le nord de l’Algérie est touché par des feux de forêt, un phénomène qui s’accentue d’année en année sous l’effet du changement climatique, entraînant des sécheresses et des canicules.
Les incendies ont « de tout temps, à l’une ou l’autre exception près, affecté les massifs du parc », rappelle Baba Ahmed. Et d’ajouter: « La forêt ne se reconstitue pas, elle devient éparse et évolue vers un maquis d’arbustes, pour finir en sol nu, voué à l’érosion ».
« L’autre impact des incendies est la raréfaction, pour ne pas dire la disparition d’animaux et de plantes, et on le constate à travers l’emblème de la région, le cerf de Barbarie complétement disparu depuis une vingtaine d’année ou encore le lynx », dit l’universitaire « pessimiste » pour l’avenir du parc.
Car « avec le temps, les incendies affaiblissent la forêt, la rendant vulnérable aux autres agressions comme celles des insectes nuisibles, mais surtout les activités humaines« , souligne-t-il.
Outre les dégâts provoqués par les incendies, « les massifs forestiers ont été fragmentés par un dense réseau routier au titre du désenclavement qui a favorisé les constructions éparses et l’apparition de nouvelles localités avec des raccordements d’électricité et de gaz naturel », explique-t-il.
La richesse biologique des zones humides du parc a été « bouleversée notamment par des projets d’aquaculture tel le rempoissonnement par la carpe herbivore qui a eu raison de la végétation aquatique dont se nourrissent les oiseaux, les poissons et d’autres crustacés et mollusques », conclut-il.