Conditions défavorables. Telle était la conclusion du rapport annuel de l’Observatoire marocain des prisons (OMP) sur la situation des prisonniers en 2021 : “La situation des prisons connaît toujours plusieurs faiblesses.”
Énumérées par le rapport, les faiblesses des institutions de la DGAPR sont nombreuses, de la surpopulation carcérale à la flambée des cas de détention préventive, passant par l’augmentation — révélatrice — des grèves de la faim.
En outre, la composition des prisonniers pose un problème encore plus grave : 77 % des détenus des prisons marocaines sont des jeunes entre 18 et 40 ans.
Surpopulation carcérale, la bête noire des prisons marocaines
À fin 2021, le Maroc comptait 75 prisons au lieu de 78 un an auparavant, soit une diminution du nombre d’établissements pénitentiaires contre une augmentation progressive du nombre de détenus.
En effet, le nombre total de la population carcérale au Maroc était à 88.941 personnes à fin 2021, alors que la capacité d’accueil de l’ensemble de ces 75 établissements pénitentiaires ne dépasse pas les 53.956 places. Un taux de surpopulation de 156,17 %.
Ce phénomène touche la majorité des régions du royaume, mais il est encore plus important dans certaines. Il s’agit notamment de la région de Marrakech-Safi, qui est la plus touchée au niveau national, avec un taux de 154,31 %, suivie par Rabat-Salé-Kénitra (146,33 %), puis Casablanca-Settat (139,5 %).
Seules quatre régions affichent des taux de remplissage inférieurs à 100 % : Lâayoune-Sakia El Hamra (77,78 %), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (80,33 %), l’Oriental (96,88 %) et Drâa-Tafilalet (99,63 %).
Selon l’OMP, ce phénomène ne fait qu’augmenter au cours des années, notamment à cause de la diminution progressive du nombre de prisons face à la tendance haussière de la population carcérale, et particulièrement celle des détentions préventives.
Cette situation ne dégrade pas seulement les conditions de détention, mais elle est aussi à l’origine de plusieurs actes de violences, d’automutilation ou d’agression, avertit le rapport.
Détention préventive : à quand la rationalisation ?
Les règles des Nations unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques considèrent la détention préventive comme mesure “de dernier ressort”, qui “ne doit pas être de règle”. De son côté, le Code de procédure pénale marocain y voit “une mesure exceptionnelle”.
Pourtant, les chiffres dévoilent un recours excessif, parfois même abusif, à cette mesure privative de liberté. Les données de l’OMP sont parlantes : 37526 de détenus prévenus dans les prisons marocaines, soit 42,19 % de l’ensemble de la population carcérale.
Durant la dernière décennie, le pourcentage des cas de détentions préventives a connu une diminution légère, mais progressive, allant de près de 43 % en 2014 à 39 % en 2019. Cependant, la première année de la pandémie a enregistré un record avec plus de 46 %.
“Depuis plus de quarante ans, nous ne sommes toujours pas parvenus à résoudre le problème de la détention préventive qui continue de constituer une préoccupation majeure pour la politique pénale”, affirmait Mohamed Abdennabaoui à TelQuel en 2018, alors chef du parquet général.
Quatre ans plus tard, cette “préoccupation” n’est toujours pas traduite en mesures concrètes en vue de rationaliser le recours à la détention préventive.
Grèves de la faim, des chiffres révélateurs
La grève de la faim est connue, universellement, comme moyen pacifique pour les détenus de protester contre leurs situations de détention, ou en vue d’acquérir leurs droits. Cet acte de protestation sert aussi à sensibiliser l’opinion publique, éclaire l’OMP dans son rapport.
En 2021, les cas de grèves de la faim dans les prisons marocaines ont atteint les 1158, répartis comme suit :
- Moins d’une semaine : 746 cas
- D’une semaine à un mois : 320 cas
- Plus d’un mois : 92 cas
Les motifs et raisons de ces grèves étaient nombreux, mais les détenus protestaient principalement contre les jugements et verdicts (79 %) et contre les conditions de détention (16 %), selon le même document.
L’OMP y voit un phénomène qui suscite l’attention de la communauté internationale, et qui prend de l’ampleur au Maroc.
Et de conclure : “Le pourcentage relatif aux conditions de détention est révélateur. Il remet en question l’accès aux droits fondamentaux garantis” par différents textes juridiques nationaux et universels, “ainsi que la manière dont sont traités les détenus, qui est parfois liée à l’abus, la violence ou la torture.”