#Dégage_Akhannouch : le hashtag en tendance depuis quelques jours est-il le fruit d’une attaque de faux comptes ?

La hausse des prix du carburant est aujourd’hui l’un des sujets les plus commentés au Maroc. Une campagne massive est même née sur les réseaux sociaux, protestant contre les prix, mais aussi contre le chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Le chercheur britannique Marc Owen Jones s’est penché sur le phénomène.

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Aziz Akhannouch au Parlement le 18 avril 2022. Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

Depuis quelques jours, les réseaux sociaux regorgent de publications alimentant trois hashtags : #Dégage_Akhannouch, #7dh_gasoil et #8dh_essence. En effet, ces trois hashtags cumulent plus de 22.000 tweets pour leurs versions francophones, en plus des 2600 tweets pour la version arabe du hashtag concernant Akhannouch.

Le chercheur britannique Marc Owen Jones, spécialiste des réseaux sociaux, auteur de Digital Authoritarianism in the Middle East et professeur à l’université Hamad Bin Khalifa au Qatar, s’est penché sur cette campagne menée contre le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.

Sur son compte Twitter, le chercheur britannique indique avoir analysé 19.000 tweets, publiés entre le 14 et le 16 juillet, période ayant enregistré le pic de publications concernant ces hashtags.

5 % de faux comptes ?

Lorsqu’il s’est intéressé aux 10.000 comptes derrière ces publications, le professeur a pu remarquer que 522 comptes avaient été créés le 15 juillet et 796 depuis le début du mois, sachant qu’en moyenne, 59 comptes sont créés par mois, une augmentation “très irrégulière”, affirme Mark Owen Jones.

Ces 522 comptes ainsi que leurs actions sur la plateforme indiquent des similitudes de comportement qui témoignent d’une coordination ou d’une campagne d’influence : 98 % de ces comptes envoient uniquement des tweets et n’utilisent que dans 2 % des cas d’autres fonctionnalités qu’offre le réseau, à savoir les retweets, les réponses aux tweets, etc.

Le chercheur britannique Marc Owen Jones, spécialiste des réseaux sociaux, auteur de Digital Authoritarianism in the Middle East et professeur à l’université Hamad Bin Khalifa au Qatar.Crédit: Mark Owen Jones

De plus, la grande majorité de ces comptes opte pour des envois uniques, ne contenant que les trois hashtags, ce qui contribue, à haute fréquence, à faire parvenir les hashtags en tendance sur Twitter, “ce qui indique qu’il n’y a pas de naïveté sur le fonctionnement de Twitter, mais plutôt une coordination ou une centralisation”, observe le chercheur.

“Les comptes clairement suspects ont également été actifs tout au long de la campagne — et pas seulement par opportunisme”, indique Mark Owen Jones avant d’ajouter “qu’il est probable que beaucoup d’autres soient suspects”.

À travers cette analyse, le chercheur entend démontrer une manipulation, une campagne contre le chef du gouvernement. Cependant, il affirme qu’il est impossible d’en déterminer les responsables ni les objectifs.

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En réponse, certains spécialistes marocains expriment leur désaccord avec l’analyse du chercheur britannique, qu’ils qualifient d’“analyse mécanique qui ne tient pas compte du contexte marocain”. D’autres, tel Youssef Labouiti, professeur de technologie, remettent en question l’analyse portée sur 522 comptes seulement, ce qui ne représente que 5 % des 10.000 comptes ayant participé aux publications alimentant ces hashtags.

Pour sa part, le spécialiste en communication Imad Choukairi s’est également interrogé, dans une publication sur son compte Facebook : “Mark a-t-il pris le temps d’analyser les algorithmes, les données et l’échantillonnage pour porter un tel jugement sur un pays éloigné de lui, et qui lui a fourni ces données?”