Télémédecine improvisée : près de Tinghir, un infirmier guidé à distance accouche une femme

Dimanche 13 avril, alors qu’une crue coupe la province de Tinghir du reste de la région, l’infirmier polyvalent Ilyas Chtioui se lance dans une “course contre la montre” pour rejoindre le village d’Aït Sedrate Jbel El Oulia. Guidé par visioconférence par des sages‑femmes de Tinghir et de Msemrir, il réussit, malgré l’absence de salle d’accouchement, à accompagner la naissance d’une petite fille, un acte qualifié de “héroïque” par la commune.

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Ilyas Chtioui, infirmier polyvalent au centre de santé d’Aït Hammou ou Said, a reçu, ce dimanche 13 avril, “un appel de la part d’un des responsables provinciaux qui allait déclencher une course contre la montre”, confie-t-il dans une déclaration à TelQuel.

Une femme était sur le point d’accoucher dans un village de la province, Aït Sedrate Jbel El Oulia. La rivière étant en crue, il était impossible de la transporter vers le centre hospitalier de Boulmane Dadès, seul hôpital en mesure de la prendre en charge.

“J’ai donc dû me déplacer jusqu’à elle avec tout mon matériel. Une fois chez elle, j’ai commencé à l’examiner. C’est là qu’elle a commencé le travail”, raconte Chtioui.

Confronté à une situation hors de son champ de compétences, Chtioui n’a pas hésité à solliciter ses homologues. “Je n’ai pas beaucoup d’expérience en obstétrique, vu que ce n’est pas ma spécialité, j’ai donc dû appeler les sages-femmes du centre hospitalier de Tinghir et celles du centre de santé de Msemrir pour m’accompagner.”

En visioconférence pendant des heures, les sages-femmes ont multiplié les recommandations et les consignes dont l’infirmier avait besoin pour aider la patiente à accoucher de son bébé. Mobilisées à distance, elles ont guidé chaque geste, de la préparation du périnée à la surveillance de la fréquence cardiaque du fœtus.

Sous leur œil vigilant, et malgré l’absence de salle d’accouchement, la mère a tenu bon. “À 6 h 23, la femme a finalement pu accoucher d’une petite fille”, se félicite l’infirmier, encore ému.

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L’intervention de Chtioui, malgré son succès, interpelle sur la prise en charge des femmes en accouchement et, par conséquent, de leurs nouveaux-nés.

Le taux de mortalité infantile, défini comme le nombre de décès d’enfants de moins d’un an pour 1000 naissances vivantes, était de 16‰ en 2023 au Maroc, selon les estimations de la Banque mondiale. Ce même taux avait déjà diminué de 23,9‰ en 2012 à 14,8‰ en 2022, soit une baisse de 38% en dix ans.

Le taux de mortalité néonatale — décès survenant dans les 28 premiers jours de vie — est de 11‰, selon les données de l’UNICEF pour le Maroc. Ces décès néonatals représentent environ 75% des décès infantiles, reflétant l’extrême vulnérabilité de la période néonatale.

Par ailleurs, le taux de mortalité des moins de cinq ans s’élève à 17‰, traduisant également une amélioration progressive de la survie infantile.

L’Objectif de développement durable 3.2 vise à réduire la mortalité néonatale à au moins 12‰ et la mortalité des moins de cinq ans à 25‰ d’ici à 2030.

Le ratio de mortalité maternelle (RMM), défini par l’OMS comme le nombre de décès maternels pour 100.000 naissances vivantes, était, quant à lui, de 72 décès pour 100.000 en 2020 au Maroc.

Les estimations du Healthy Newborn Network, plateforme de connaissances en ligne se consacrant “à l’identification, à la conservation et à la diffusion de preuves et d’informations essentielles sur la santé et le bien-être des nouveaux-nés”, placent ce ratio à 71,9 décès pour 100.000, confirmant la tendance à la baisse.

Ce RMM est passé de 317 en 1990 à 72 en 2020, soit une réduction de plus de 77% en trente ans. Cependant, la mortalité maternelle reste 2,5 fois plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain. À titre de comparaison, le RMM a chuté de 40% entre 2000 et 2023 au niveau mondial.