Conflits mondiaux, climat, IA... les inquiétudes et perspectives des patrons marocains en 2025 selon PwC

Le cabinet de conseil PwC a présenté le 25 mars sa troisième édition marocaine de CEO Survey. IA, climat, géopolitique et sécurité, les dirigeants marocains qui ont répondu au questionnaire ont fait connaître leurs intérêts et inquiétudes pour l'année qui vient.

Par

Le rapport CEO Survey de PwC Maroc établit que les PDG marocains ont à 81% confiance dans leurs perspectives de croissance. Crédit: DR

Ce 25 mars, le cabinet de conseil PwC a tenu à Casablanca la troisième édition “Maroc” de son rapport annuel “CEO Survey”. L’idée de ce rendez-vous est de prendre, chaque année, la température de la confiance des chefs d’entreprises marocain dans l’économie nationale ou mondiale, de se renseigner sur les perspectives de développement qu’ils imaginent pour le secteur privé, mais également d’évaluer leurs inquiétudes.

Pour ce faire, ce sont pas moins de 50 dirigeants d’entreprises qui ont été consultés parmi les clients de PwC Maroc. “On essaye d’éviter le club fermé”, explique néanmoins Jonathan Le Henry, associé Strategy & leader des activités au Maghreb à PwC. Pour y parvenir, parmi les dirigeants interrogés, la moitié gèrent des sociétés de moins de 500 employés. Dans la fourchette basse de cette fourchette basse, témoignent des patrons générant entre 300 et 500 millions de dirhams de chiffre d’affaires.

Si les PME et TPME ne sont pas représentées malgré leur prépondérance dans le tissu économique marocain, c’est avant tout qu’elles ne figurent pas parmi les clients de PwC. Jonathan Le Henry assure néanmoins que leurs préoccupations sont représentées par celles de leurs riches homologues.

Maroc confiance, monde défiance

La guerre des « tariffs » déclarée par Trump au reste du monde, l’incertain dénouement de la guerre en Ukraine, la reprise des hostilités israéliennes au Moyen-Orient… et pourtant, l’observation numéro 1 que fait le cabinet de conseil à la suite de son rapport, c’est que la confiance des dirigeants marocains dans l’économie de leur pays demeure haute. 81% d’entre eux voient l’économie marocaine progresser en 2025, alors même que cette donnée tombe à 52% pour l’économie mondiale.

En clair, c’est un Maroc résilient aux tumultes du monde que se représentent les patrons du royaume interrogés par PwC. S’agissant de leur propre société, 90% d’entre eux augurent une poursuite de leur croissance pour l’année à venir. Pourtant, ça n’a pas toujours été ainsi. Lors de la première édition de CEO Survey Maroc par PwC, ils n’étaient que 29% à voir le Maroc résister à une chute de l’économie mondiale dans laquelle seuls 20% des patrons interrogés avaient confiance.

Direction monde

Résilience au contexte mondial ne veut pas dire indifférence. Là où l’inflation était le souci premier des dirigeants en 2024, la réduction de la menace de cette dernière — consacrée par la baisse du taux directeur annoncé par la Bank al-Maghrib au début du mois — ce sont bien les conflits géopolitiques qui inquiètent dorénavant le plus les patrons. 34% d’entre eux considèrent le résultat de leur entreprise “très exposé” au marasme du monde, et 24% estiment ce risque “modéré”.

Et pourtant, l’expansion vers l’international des grandes sociétés marocaines devrait poursuivre sa croissance en 2025. 47% des dirigeants déclarent envisager une acquisition au cours des trois prochaines années, lit-on dans le rapport. “Pour certains d’entre eux, c’est déjà en cours d’exécution”, insiste Jonathan Le Henry, pointant le sérieux de ces envies d’expansion, et alors que 39% des dirigeants interrogés se sont déjà étendu à l’international ces trois dernières années. Une réaction au contexte mondial à la fois étonnante et “une bonne surprise”, poursuit le conseiller en stratégie, qui y voit une démarche presque stoïcienne : “on n’est pas en contrôle de la situation géopolitique, mais on ne peut pas faire l’économie de continuer à se transformer.”

Carte des investissements projetés des dirigeants marocains entre 2025 et 2028.Crédit: PwC

Pour 34% des personnes interrogées, c’est l’Afrique — et plus précisément la Côte d’Ivoire (17%) et le Sénégal (17%) — qui est le prochain terrain de leurs acquisitions. Les États-Unis et la France, toutes deux à 24% des intentions d’expansion, figurent à la première place des pays réceptacles des perspectives de croissance des entreprises marocaines en 2025. Puis viennent l’Espagne (17%) et la Chine (12%).

Tech, entre opportunités et sécurité

Le Maroc est le deuxième usager de ChatGPT au monde, selon Invest Billionnaire.

Ce qui était l’année dernière, lors de la précédente édition de CEO Survey, une attraction floue aux débouchés incertains est devenue un “impératif technologique”, note Jonathan Le Henry. C’est l’intelligence artificielle. Si la très relayée donnée de Invest Billionnaire, selon laquelle les marocains sont les deuxièmes usagers de ChatGPT par habitant au monde derrière l’Inde, est vraie, elle est corroborée par la volonté des dirigeants d’incorporer cette technologie à leur fonctionnement d’entreprise. 71% d’entre eux sont très confiants au sujet de l’intégration de l’IA dans leurs processus clés dans les trois prochaines années, ce afin d’optimiser leur productivité grâce à l’automatisation des tâches.

Mais un grand bond technologique implique de grandes mesures sécuritaires. Avec l’avènement de l’IA, le flou qui entoure les données dont elle se nourrit et ses applications en matière de cyber-criminalité, le thème de la sécurité numérique s’impose comme l’un des quatre grands sujets d’inquiétude des dirigeants marocains. 58% d’entre eux s’estiment très (10%) ou modérément (48%) exposés au risque cyber.

PwC donne raison à cette inquiétude, notant que “le coût de la cybercriminalité a augmenté de +50% en deux ans pour atteindre $1 000 Mds, soit plus que la crise des subprimes ($945 Mds)”. Par ailleurs, l’adaptation des entreprises à ce risque demeure très majoritairement insuffisant, à l’heure où seules 2% des sociétés “ont mis en œuvre l’ensemble des actions de cyber-résilience clés”, insiste le cabinet de conseil.

Climat, n°2 des préoccupations

Le dérèglement climatique, dont les effets se font ressentir à la fois par la sécheresse et les fortes pluies qui frappent le Maroc depuis quelques années, inquiète fortement (20%) et modérément (45%) les deux tiers des patrons interrogés. Mais plus encore que les menaces directes à court et moyen terme que la modification rapide et incontrôlée du climat fait peser sur le royaume, ce sont les menaces indirectes qui inquiètent davantage les clients de PwC.

En ligne de mire, les règlementations carbone émises par l’Union européenne à l’entrée des produits marocains sur son territoire. La crainte est que les produits marocains perdent leur compétitivité sur le marché du Vieux continent à mesure que des taxes vertes alourdissent leur prix de vente.

Mais pour d’autres dirigeants interrogés, ce tournant écologique peut représenter une opportunité. 30% des clients de PwC qui ont mené des investissements en faveur de l’environnement “constatent un accroissement des revenus sur leurs ventes de produits et services”, note le rapport.

à lire aussi