Et pour cause, ces nouvelles venues ont de solides arguments : design moderne, équipements généreux, sécurité aux normes internationales, et surtout un rapport prix-prestations défiant toute concurrence. Les préjugés sur la qualité des voitures chinoises s’estompent peu à peu, et les ventes suivent.
Mais cette ascension fulgurante est-elle le signe d’un changement durable ou d’un simple engouement passager ? Décryptage d’une offensive qui redessine les règles du jeu sur le marché automobile marocain.
Un retour avec un tout autre visage
Les constructeurs chinois ne sont pas des nouveaux venus sur le marché marocain. Dès 2007, plusieurs marques avaient tenté une première percée, misant sur une stratégie agressive de prix cassés et de pénétration rapide. À l’époque, la Chine affichait un avantage compétitif en matière de coûts, avec des écarts pouvant atteindre 40% par rapport aux marques établies.
Très vite, une partie de la population, séduite par ces tarifs attractifs et soutenue par des organismes de crédit peu regardants, s’est laissé tenter. Mais cette première vague a laissé un goût amer : des modèles peu équipés, une qualité perfectible et une fiabilité insuffisante ont entraîné de nombreux retours négatifs et une vague d’impayés.
“La qualité n’était pas au point. Les prix bas attiraient une clientèle pas toujours solvable, ce qui a fini par dissuader les organismes de crédit”, explique Adil Bennani, président de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM).
Aujourd’hui, le retour des marques chinoises se fait sous un tout autre visage. Fini les véhicules low-cost à la qualité incertaine, place à des modèles aux standards internationaux, avec un design soigné, des équipements modernes et un niveau de finition qui rivalise avec les références du marché. Plutôt que de jouer uniquement sur les prix, les constructeurs chinois reviennent avec une offre plus ambitieuse, en phase avec les attentes du consommateur marocain.
Le Maroc, un marché stratégique pour les marques chinoises
Les ventes de voitures neuves ont fortement augmenté au cours de la dernière décennie, passant de 122.000 unités en 2014 à 176.401 unités en 2024, selon les statistiques de l’AIVAM
Pourquoi le Maroc attire-t-il aujourd’hui les marques chinoises ? Le marché est en pleine expansion, avec un élargissement de la classe moyenne et un accès au crédit plus large. Les ventes de voitures neuves ont fortement augmenté au cours de la dernière décennie, passant de 122.000 unités en 2014 à 176.401 unités en 2024, selon les statistiques de l’AIVAM.
Adil Bennani souligne la montée en puissance de l’industrie automobile chinoise à l’échelle mondiale : “Nous sommes dans une autre catégorie de professionnalisme, de qualité et de maturité. 25 ans dans l’automobile, c’est une vie. En 2000, il se vendait 60 millions de voitures, contre 90 millions aujourd’hui. En Chine, on est passé de 2 millions à 27 millions sur la même période. Ça vous donne une idée sur la courbe d’expertise.”
Le royaume dispose aussi d’un écosystème automobile solide, avec des infrastructures modernes et une industrie bien structurée. Son positionnement stratégique aux portes de l’Europe et de l’Afrique en fait une plateforme idéale pour ces constructeurs en quête d’expansion. Les habitudes des consommateurs marocains, proches de celles des Européens, offrent enfin un terrain propice pour tester leurs modèles.
Autant de raisons qui expliquent ce nouvel engouement. Le président de l’AIVAM met également en perspective la dynamique actuelle : “La Chine aujourd’hui, c’est 30% de la production mondiale. Mais les marques chinoises n’ont que 20% du marché mondial, tirées par une part de marché de 60% chez elles et 3% à l’étranger. Je vous laisse imaginer la marge de progression. Les analystes s’accordent à dire qu’ils prendront 30% du marché d’ici 2030. Au Maroc, les marques chinoises occupent 1,7% du marché en 2024. C’est le triple de ce que c’était une année auparavant, soit 0,4%.”
Un positionnement repensé
Les constructeurs chinois ne répètent pas les erreurs du passé. Fini l’approche du “tout au prix le plus bas”, où les voitures souffraient de finitions approximatives et d’un manque d’équipements. Aujourd’hui, leur stratégie repose sur des modèles mieux conçus, avec un design soigné, des matériaux de meilleure qualité et des dotations technologiques généreuses.
L’objectif est clair : se positionner face aux marques généralistes établies et convaincre un public plus exigeant. Cette montée en gamme se traduit aussi par un engagement accru sur la qualité et la fiabilité. Les constructeurs chinois investissent massivement dans la recherche et le développement pour améliorer leurs produits et répondre aux attentes des consommateurs marocains.
Les finitions sont plus soignées, les motorisations plus performantes, et l’équipement technologique devient un véritable argument de vente. Résultat : ces véhicules ne sont plus perçus comme des alternatives low-cost, mais comme des options crédibles face aux marques généralistes bien établies.
Un réseau en pleine expansion pour conquérir le marché
Les marques chinoises ne se contentent pas de proposer des modèles attractifs, elles misent aussi sur une implantation solide à travers tout le pays. Pour réussir, elles s’appuient sur des importateurs bien établis, capables de structurer un réseau de distribution efficace et de garantir un service après-vente à la hauteur. Ces partenariats leur permettent de gagner rapidement en visibilité et d’instaurer une relation de confiance avec la clientèle locale.
En parallèle, ces marques misent sur une présence accrue à travers des concessions modernes et bien situées. Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger… les grandes villes voient émerger de nouveaux showrooms mettant en avant des espaces de vente soignés et une mise en avant premium des véhicules.
L’objectif est de rassurer les acheteurs en leur offrant une expérience similaire à celle des marques établies. Cette approche permet aussi d’assurer un meilleur suivi client, avec un service après-vente plus structuré, élément clé pour pérenniser leur présence sur le marché.
Quel avenir pour les marques chinoises au Maroc ?
Si les marques chinoises suscitent un intérêt croissant au Maroc, leur implantation reste un défi à long terme. Attirer des clients avec des prix compétitifs, un design soigné, et des voitures suréquipées ne suffit pas : il leur faudra prouver la fiabilité de leurs modèles sur plusieurs années et instaurer une relation de confiance avec les consommateurs.
La solidité du service après-vente et la disponibilité des pièces seront des éléments déterminants pour pérenniser la présence des marques chinoises
La solidité du service après-vente et la disponibilité des pièces seront des éléments déterminants pour pérenniser leur présence. Leur avenir dépendra aussi de leur capacité à s’adapter aux exigences du marché marocain. Le renforcement du réseau de distribution, l’amélioration de l’image de marque et la montée en gamme progressive de leurs véhicules seront autant de leviers pour convaincre durablement.
Une chose est sûre : leur arrivée a déjà rebattu les cartes du secteur, et leur évolution dans les prochaines années sera à suivre de près.