[8 mars] Droits des femmes : ce qu’apporte la nouvelle Moudawana

Fin décembre dernier, vingt ans après la réforme de 2004, les grandes lignes de la nouvelle Moudawana ont été dévoilées. Celle-ci se veut porteuse de changements qui reflètent l’évolution de la place des femmes dans la société marocaine.

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La réforme de la Moudawana a apporté des solutions techniques et juridiques à des sujets comme l'héritage et le divorce. Crédit: DR

Depuis la fin des années 1990, l’histoire de la lutte pour l’avancée des droits des femmes marocaines est intrinsèquement liée à celle des réformes successives qu’a connues le Code de la Famille. Une première en 2004, qui a fait l’objet d’un affrontement politique et social houleux avant de constituer un pas de géant pour les défenseurs des droits des femmes, suivi d’une seconde, dont les grandes lignes ont été révélées en décembre 2024.

En gestation depuis le discours du trône de 2022, la nouvelle réforme marque des progrès significatifs pour les droits des femmes et des enfants, conformément aux profondes évolutions qu’a connues la société marocaine ces vingt dernières années.

Mariage, divorce, tutelle : des avancées majeures

Cette réforme, pilotée par une instance présidée par le Chef du gouvernement, s’inscrit dans une démarche de compromis entre différentes sensibilités de la société marocaine, et surtout, de juste équilibre entre les principes juridiques et religieux qui régissent le royaume.

Si certains espéraient des avancées plus audacieuses, la réforme marque néanmoins une étape clé dans l’évolution des droits familiaux au Maroc. Ainsi, selon les annonces qui ont été faites en décembre dernier par les représentants concernés du gouvernement – le ministre des Habous et des affaires islamiques, Ahmed Toufiq et le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi – concernent 17 points de réforme, en lien avec des sujets primordiaux en lien avec les droits des femmes et des enfants.

Le mariage des mineurs, qui concernait encore 8452 jeunes filles en 2023, ne pourra désormais plus concerner des mineurs en deçà en 17 ans

Depuis plusieurs années, la société civile réclame l’abolition du mariage des mineurs, qui a des conséquences fatales sur la scolarisation des jeunes filles, ainsi que sur leur insertion dans le marché du travail. Le mariage des mineurs, qui concernait encore 8452 jeunes filles en 2023 selon les chiffres du Ministère public, ne pourra désormais plus concerner des mineurs en deçà en 17 ans, et ce, en cas  de dérogation. L’âge du mariage officiel demeure fixé à 18 ans.

Les nouvelles dispositions ayant été annoncées prévoient également un changement au niveau des lois qui régissent le mariage, le divorce, la tutelle et la garde des enfants. Un volet sur lequel les femmes ont souvent été, dans la législation actuelle, lésées. A commencer par un durcissement des conditions dans lesquelles la polygamie peut être légale.

D’autre part, les procédures de divorce à l’amiable se verront simplifiées avec la nouvelle réforme, dans la mesure où le divorce à l’amiable ne devra plus nécessairement faire l’objet d’une procédure en justice, et pourra être acté à travers la signature d’un contrat.

Contrairement à ce que prévoit la législation actuelle, les femmes ne risquent plus de se faire confisquer la garde de leurs enfants en cas de remariage

Le travail domestique des épouses ayant trait à l’entretien du foyer et de la famille, jusque-là invisibilisé, sera pris en compte dans le calcul des biens acquis pendant le mariage. Cette mesure permettra notamment de protéger les femmes au foyer, dont la sécurité financière se voit menacée après un divorce.

Concernant la garde et la tutelle des enfants, il s’agit d’un droit acquis par les deux parents qui n’est pas en principe remis en question après le divorce. Ainsi, contrairement à ce que prévoit la législation actuelle, les femmes ne risquent plus de se faire confisquer la garde de leurs enfants en cas de remariage, et la tutelle des enfants est partagée entre les deux époux pendant le mariage, et le cas échéant, après un divorce.

Vers une meilleure protection des héritières

Si la question de l’égalité successorale, telle que revendiquée par la société civile, n’a pas été retenue dans les arbitrages, la réforme introduit tout de même des ajustements visant à mieux protéger les héritières.

Ainsi, le domicile conjugal est désormais exclu de l’héritage afin de garantir aux veuves le droit de rester dans leur foyer après le décès de leur époux. Cette mesure vise à éviter les situations où les femmes se retrouvent contraintes de quitter leur domicile à la mort de leur époux, comme cela a souvent pu être le cas avec les règles successorales actuelles.

Par ailleurs, la réforme permettra aux filles héritières, même mineures, de recevoir des donations du vivant de leurs parents – dans des conditions plus élargies que le permet la législation en vigueur -, leur assurant ainsi une meilleure sécurité financière. Cette disposition constitue une alternative partielle au maintien de la règle du taâssib, qui empêche les filles sans frère d’hériter pleinement des biens familiaux.

De plus, pour les conjoints de religions différentes et les enfants adoptés sous le régime de la kafala, la transmission de patrimoine pourra être facilitée par le mécanisme du don, offrant ainsi une souplesse dans la gestion de la succession. Plusieurs de ces dispositions doivent encore être précisées et dévoilées après la rédaction du projet de loi, qui est actuellement en cours.