TelQuel : Qu’avez-vous ressenti en écrivant la phrase finale du troisième et dernier roman de la trilogie qui vous a accompagnée pendant près de six ans ?

Leïla Slimani : Beaucoup d’émotions complexes et contradictoires. Une forme de soulagement, car j’avais besoin que ça se termine. En même temps, j’avais l’impression que c’était impossible de terminer, qu’il restait beaucoup de choses à dire et que plus je m’approchais de la fin, plus je regrettais, d’une certaine façon, tout ce que je n’avais pas pu dire.
Et puis, l’intuition que lorsqu’on écrit sur quelque chose comme la vie d’individus en prise avec des contradictions, la fin est impossible. Les personnages continuent de vivre même après la fin du roman.
J’ai fini par faire la paix avec le fait que certaines choses resteraient suspendues, que des questions resteraient ouvertes, mais qu’elles continueraient d’accompagner des lecteurs.
«J’emporterai le feu»
140 DH
Ou
Il vous a fallu six ans pour écrire cette trilogie. Et l’épilogue de ce roman, c’est le récit d’un essoufflement, ce moment où Mia se sent dépassée par l’acte d’écriture. L’avez-vous vécu ?
J’ai eu des moments de crises très profondes, d’épuisement physique et mental en écrivant ce roman. J’avais l’impression d’être face à un sujet si large et vertigineux que je ne savais plus comment l’aborder. Je vivais dans une sorte de bulle temporelle et spatiale. J’étais au Maroc tout en étant ailleurs, j’étais dans le passé tout en étant dans le présent. Et je vivais avec des personnages fictifs ayant fini par devenir, par moment, plus vrais que des personnes réelles. Parfois, je perdais pied.