Pour une Afrique Atlantique

Par Youssef Amrani

Le XXIe siècle clôturera d’ici quelques jours son premier quart. 25 ans durant lesquels l’histoire s’est réalisée plus rapidement que notre capacité à la comprendre. Pour beaucoup, l’ordre international peine à s’établir, laissant dans son sillage un sentiment de désordre galvanisant. Heureusement, ces 25 dernières années ont été, aussi et surtout, celles des leçons tirées et des expériences nouvelles. La diplomatie s’adapte, elle s’éloigne de la coercition et s’émancipe d’un a priori qui a trop longtemps dominé la pensée moderne : l’équilibre du monde n’est plus un équilibre de puissance.

S’il n’est pas certain que 2025 soit l’année des aboutissements, tout laisse à penser qu’elle sera l’année des grands tournants. Du changement de couleur à la Maison-Blanche aux aspirations d’une Afrique qui émerge, il y a un vent fort de diplomatie qui souffle, mais cette fois-ci, il n’est ni toujours, ni exclusivement septentrional. Dans cette reconfiguration qui s’opère, le Maroc a non seulement compris le sens de l’histoire, mais il figure en tête des nations qui font prévaloir, contre vents et marées, le besoin de coopération.

“L’Initiative atlantique est en ce sens l’expression d’une politique étrangère avisée qui puise source et inspiration dans une diplomatie d’avenir”

Youssef Amrani, Ambassadeur du Maroc aux États-Unis

L’Initiative atlantique est en ce sens l’expression d’une politique étrangère avisée qui puise source et inspiration dans une diplomatie d’avenir, qui crée des liens alors que rien ne le présageait. S’il fallait résumer l’essence de cette approche marocaine, c’est bien le refus catégorique de parler indéfiniment d’opportunité. Par définition, l’opportunité n’est rien de plus qu’une chance non saisie. Se figer face à l’opportunité, c’est voir autant de chances s’envoler avec, en prime, des générations qui ne goûtent pas au fruit de leurs capacités. L’inaction est une hémorragie qui fait souffrir l’Afrique bien plus que tout le reste. Fermer cette plaie, c’est agir ensemble en mutualisant les efforts et les moyens autour d’une stratégie qui porte et surtout qui se réalise. Et c’est bien là le cœur de la Vision de Sa Majesté le Roi pour l’Atlantique : du concret et de l’impact, là où l’espoir de renouveau est le plus fort et surtout le plus attendu.

Depuis son lancement, cette Initiative a bouleversé les réalités géopolitiques. Elle promeut activement une approche innovante et pragmatique, tout en incarnant les valeurs marocaines de solidarité et de partenariat. Parmi ses visées structurantes, émerge en premier lieu une connectivité élargie entre les corridors les plus sensibles et les plus stratégiques de l’espace régional et sous-régional africain. L’Afrique connecte l’Afrique et, ainsi, se construit un maillage de coopération sans égal, gouverné par une appropriation politique élargie et surtout partagée par l’ensemble des acteurs impliqués. L’Atlantique est en ce sens non seulement un projet, mais aussi un choix et une conviction qui puisent leur source localement, dans chacun des pays partenaires pour se répandre et prospérer régionalement sur l’espace dans sa globalité.

Le Covid aura appris à l’Afrique une leçon importante, rien ne vaut la combinaison de deux facteurs : un ancrage de responsabilité nationale conjugué à un élan de solidarité régionale. Il est là le nerf de la guerre, le fondement de ce que la diplomatie de demain sera : un pilier de développement pour les nations qui choisissent de lier leur destin autour d’un projet transversal qui mutualise les forces de chacun afin de créer des opportunités pour tous. La construction atlantique adopte cette philosophie et adosse son destin à cette même ambition. Les projets qui la constituent puisent tous dans les capacités nationales pour construire de la richesse régionale. Pour n’en citer que quelques-uns :

• Le Port Atlantique de Dakhla : cet investissement de 12 milliards de dirhams dépasse le simple cadre des infrastructures maritimes. Il incarne une ambition plus large: transformer les routes maritimes traditionnelles en un réseau multidimensionnel de coopération économique et régionale.

• Le Gazoduc Atlantique : en connectant 13 pays africains sur 5660 kilomètres, ce projet établit un corridor énergétique sécuritaire et stratégique, renforçant l’autonomie énergétique du continent tout en alimentant des économies européennes en quête de diversification.

• Les initiatives pour la sécurité alimentaire : grâce à l’expertise marocaine en phosphates, combinée à des partenariats agricoles multilatéraux, le Maroc a développé un modèle de coopération Sud-Sud qui renforce les capacités locales tout en répondant aux défis mondiaux liés à la sécurité alimentaire.

• L’Initiative Royale pour le Sahel : alliant sécurité et développement, cette initiative propose une approche intégrée pour stabiliser la région. Elle démontre que la paix durable ne peut être atteinte sans opportunités économiques et sociales.

Dakhla Atlantique est un exemple du nouveau modèle d’infrastructures portuaires qui devraient essaimer tout au long de la façade atlantique.Crédit: DR
Le Port Atlantique de Dakhla vise à “transformer les routes maritimes traditionnelles en un réseau multidimensionnel de coopération économique et régionale” souligne Youssef AmraniCrédit: DR

Alors oui, le monde reste plus que jamais marqué par des incertitudes croissantes : une économie mondiale sous tension, des rivalités géopolitiques exacerbées, des crises climatiques et des menaces à la sécurité collective. Mais dans ce cadre, l’Afrique se révèle être à la fois un terrain de défis majeurs et un espace d’opportunités inédites. Le contraste n’en est que d’autant plus significatif lorsque l’on évalue les possibilités de l’intégration atlantique. Épicentre d’un monde entre prospérité et défaillance, l’Atlantique a toutes les vocations pour être cette différence qui fait pencher la balance du bon côté de l’histoire. Le côté qui fait prévaloir un nouveau modèle de diplomatie et de coopération. Celui où règne une méthodologie bien pensée de connectivité régionale, axée sur l’efficacité, l’intégration et la durabilité. Car l’Initiative Royale repose sur cet engagement transversal et indéfectible d’œuvrer à des transformations fondamentales.

Il s’agit de multiplier les capacités, plutôt que de simplement transférer des compétences, l’objectif étant de créer des écosystèmes où les capacités locales se multiplient et s’auto-renforcent. Par ce même élan, la démarche marocaine crée des réseaux interconnectés, tant politiquement qu’au niveau des infrastructures. Les projets isolés laissent place à des logiques de synergie, pour maximiser les impacts et enfin renforcer l’autonomie régionale : loin de toute dépendance extérieure, l’Initiative promeut une autonomie pilotée par le Sud, adaptée aux réalités locales.

Ces principes ouvrent la voie à un nouvel horizon africain, où les lacunes du passé se transforment en une force motrice pour bâtir un nouvel espace, un nouveau destin et une nouvelle narration. Le deuxième quart du XXIe siècle s’amorce en dehors de tout attentisme, et se construit à vue d’œil en conjuguant les volontés et les capacités africaines autour d’une seule et même ambition.

Le rapprochement qui pave cette voie de convergence est sans doute la principale richesse de l’Afrique : une conscience politique généralisée, soucieuse de l’humain avant tout. Une Afrique par les Africains, pour les Africains, dans un monde où elle occupe un rôle central, aux côtés de partenaires conscients qu’“ensemble” ne signifie pas une demi-mesure ni un intérêt ponctuel, mais une vision partagée pour un développement durable et équitable.

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