Puzzle sahélien

Par Yassine Majdi

Les récentes évolutions dans le Sahel sont intéressantes à plus d’un titre. L’émergence de l’Alliance des États du Sahel (AES), composée du Burkina Faso, du Niger et du Mali, a rebattu les cartes dans la région (voir dossier p. 24). Traditionnellement présents dans cette zone, la France et les Etats-Unis se sont fait éjecter manu militari et ont entamé un retrait stratégique vers le rivage atlantique.

De nouveaux acteurs ont émergé dans cette région située dans le voisinage immédiat du Maroc. Initialement absente, la Russie est devenue une puissance sécuritaire qui compte à travers la présence du groupe paramilitaire Wagner (rebaptisé Africa Corps depuis). La Turquie s’est rapprochée des trois pays de l’Alliance en leur fournissant du matériel militaire, à commencer par des drones Bayraktar.

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Le Maroc a aussi son rôle à jouer dans cette reconfiguration des cartes. Le royaume dispose d’un ancrage historique et religieux dans la région. Un héritage renforcé par les partenariats scientifiques et militaires noués avec les trois pays de l’AES, et ce, dès leur indépendance : une partie des élites de l’Alliance a ainsi été formée au Maroc, scellant les liens entre nos pays. Qui plus est, le royaume est l’un des rares États à ne pas avoir tenté de s’ingérer dans les affaires internes des pays de l’AES. “Le Maroc n’a pas adopté l’approche occidentale. Il n’est pas dans le rejet. Il essaie de comprendre les changements en cours et fait confiance aux différents processus mis en place dans ces pays”, résume un connaisseur du dossier.

“L’approche marocaine au sahel est centrée autour du triptyque paix, sécurité et développement”

Yassine Majdi

Le Maroc est également l’unique acteur à s’employer à apporter, depuis le début de la crise, une solution socio-économique aux maux de la région. Elle prend la forme de l’initiative royale pour favoriser l’accès des pays du Sahel à l’Atlantique. Comme les autres protagonistes dans la région, le royaume a intérêt à pérenniser ses partenariats sécuritaires avec les pays de la bande sahélo-saharienne, AES incluse. Les menaces sont nombreuses : terrorisme, traite des êtres humains, trafic de drogue… Mais le Maroc se distingue dans son ambition de sanctuariser cette relation en proposant un projet commun, centré autour du triptyque paix, sécurité et développement.

Surtout, notre pays peut profiter du momentum positif qui entoure son action diplomatique. Les reconnaissances américaine et française de la marocanité du Sahara sont aussi un soutien de taille, car elles renforcent la crédibilité du plan de développement marocain pour la région. Si l’initiative du Maroc est une réussite, cela confortera sa position de puissance intermédiaire et de leader africain. Lui permettant de devenir, à son échelle, un acteur qui compte dans une région du monde qui est au cœur d’enjeux migratoires, sécuritaires, et qui doit impérativement relever le défi du développement.

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