Dr Donald & Mr Trump

Par Yassine Majdi

Il faut s’estimer heureux que l’administration américaine de Biden nous ait suivis jusqu’au bout. Rien ne les contraignait à maintenir leur soutien au Maroc. Pourtant, ils ont maintenu le contact jusqu’au bout”. Les commentaires de ce haut responsable de la diplomatie marocaine, au lendemain du vote de la résolution relative au mandat de la Minurso, ont une tout autre saveur à la lumière du prochain retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le futur président, contrairement à l’administration sortante, avait soutenu de manière claire et franche la marocanité des provinces du Sud.

Donald Trump a été un véritable “game changer” dans le dossier du Sahara. À travers une lettre présidentielle, le 10 décembre 2020, le président américain a fait des États-Unis le premier pays au monde à reconnaître la marocanité du Sahara par écrit. Comme le rappelle Mohammed VI dans son message de félicitations à Donald Trump, les relations entre les deux pays “ont atteint un niveau sans précédent” grâce à l’ex et futur locataire de la Maison-Blanche.

“Si Emmanuel Macron a écrit sa fameuse lettre du 30 juillet 2024, c’est parce que Donald Trump avait balisé le chemin”

Yassine Majdi

Ce changement de camp avait incité le royaume à demander davantage de ses partenaires clés comme l’Espagne, l’Allemagne ou encore la France. Si Emmanuel Macron a écrit sa fameuse lettre du 30 juillet 2024 – dans laquelle Paris reconnaît la souveraineté marocaine sur les provinces du Sud – c’est parce que Donald Trump avait balisé le chemin.

La politique adoptée par Donald Trump sur le dossier du Sahara s’aligne sur la doctrine marocaine. Le premier mandat du président républicain a été marqué par une accélération du processus politique visant à résoudre le conflit. Sous son égide, le Conseil de sécurité a renouvelé le mandat de la Minurso sur une base semestrielle (redevenue annuelle depuis), et ce, dans l’objectif de clore le dossier au plus vite. Cette pression s’était matérialisée à travers l’organisation de deux tables rondes à Genève, qui avaient réuni des représentants du Maroc, de l’Algérie, du Polisario et de la Mauritanie. Depuis, Rabat réclame la reprise de ces pourparlers dans le cadre apaisé d’un cessez-le-feu respecté. Tandis qu’Alger tente d’y échapper tant bien que mal en continuant d’armer et de soutenir le Polisario.

Mais Donald Trump a également été l’homme capable de retourner des alliances traditionnelles du royaume. La désignation des pays hôtes du Mondial 2026 en est un exemple. Après avoir tenté de forcer le royaume à retirer sa candidature, l’administration américaine a exercé toutes sortes de pressions sur les pays arabes afin qu’ils ne votent pas pour la candidature marocaine.

Finalement, seuls le Yémen et Oman avaient voté en faveur du Maroc. Des pays “frères” comme l’Arabie Saoudite ou les Émirats arabes unis (pour ne citer qu’eux) ont voté United 2026, se faisant même les VRP de la candidature nord-américaine. Et on ne parle que de foot…

Donald Trump représente également un risque pour les enjeux stratégiques du royaume. Le Maroc a fait le pari du développement de la batterie électrique pour automobiles, en collaboration avec la Chine. Rabat sert de tête de pont à Pékin pour faire du “friendshoring”, permettant à la Chine de tirer profit des accords de libre-échange signés par le royaume. Cette situation nous rappelle la place du Maroc en tant que puissance intermédiaire face aux deux premières puissances mondiales. L’avenir de l’investissement chinois au Maroc se joue donc peut-être du côté de Taïwan où les deux puissances voient leurs intérêts s’affronter.

Enfin, rien n’indique que cette seconde présidence Trump se poursuivra sur les bases de son premier mandat. De nombreux cadres de son administration se sont désolidarisés du président américain. D’autres s’en sont quelque peu éloignés. Ainsi, les acteurs clés du rapprochement entre Rabat et Washington ne seront plus aux commandes. Jared Kushner, par exemple, compte poursuivre son œuvre de promotion de la paix au Moyen-Orient sans pour autant endosser le costume de conseiller spécial de la Maison-Blanche. De nouveaux acteurs sont entrés en jeu, comme le fils aîné du président Donald Jr et sa femme Lara, et on ne sait – pour l’heure – rien de leur position vis-à-vis du Maroc. À Rabat, l’heure est sans doute davantage à l’observation qu’aux réjouissances.

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