Le Maroc s’oriente vers des secteurs industriels de pointe avec l’ambition de renforcer son autonomie vis-à-vis des pays industrialisés. Cette quête d’autosuffisance ne peut toutefois se concrétiser sans des laboratoires de recherche capables de développer des solutions innovantes aux problématiques locales et de réduire la dépendance aux cabinets de conseil étrangers, très coûteux pour les finances publiques.
Dans cette optique, le Nouveau Modèle de Développement (NMD) mettait l’accent sur l’importance d’investir dans l’enseignement supérieur et la recherche afin de permettre au pays de “réaliser une croissance durable, à faible émission de carbone, tout en créant des emplois”.
Abdellatif Miraoui, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, et l’un des auteurs du NMD, souligne que son département œuvre pour soutenir les stratégies sectorielles nationales, notamment à travers “la promotion de la recherche scientifique sur des thématiques prioritaires liées à la souveraineté et à la durabilité, notamment l’eau, la santé, l’énergie, et les nouvelles technologies numériques”.
Le ministre indique que plusieurs instituts nationaux de recherche thématique sont en cours de création et qu’ils constitueront des leviers puissants pour accompagner les stratégies sectorielles lancées par le pays. “Il est essentiel de valoriser les résultats de la recherche scientifique et de stimuler l’innovation, en créant des ponts entre l’université et l’entreprise afin de favoriser le transfert technologique et l’émergence de start-ups innovantes”, précise Abdellatif Miraoui à TelQuel.
Le rôle clé du secteur privé
“L’UIR est membre fondateur de plusieurs clusters, tels que le cluster Énergie et le cluster Green H2”, explique Abdelaziz Benjouad, vice-président à la Recherche et Développement de l’UIR
Le secteur privé, également engagé dans le développement du pays, joue un rôle essentiel dans la réalisation des stratégies sectorielles à travers son investissement dans la recherche scientifique. L’Université Internationale de Rabat (UIR), par exemple, s’est distinguée comme un centre d’excellence en recherche et innovation dans le domaine de l’ingénierie.
“L’UIR est membre fondateur de plusieurs clusters, tels que le cluster Énergie et le cluster Green H2, et mène des projets de recherche en partenariat avec des acteurs nationaux et internationaux”, explique Abdelaziz Benjouad, vice-président à la Recherche et Développement de l’UIR. Ces projets couvrent des secteurs stratégiques comme les énergies renouvelables, l’aéronautique, l’automobile, et les technologies de l’information, incluant l’intelligence artificielle et la cybersécurité. L’UIR collabore notamment avec le CNRS dans le cadre des laboratoires internationaux ATLAS et DATANET, et avec des industriels tels que PSA, Thales et IBM, pour développer des solutions technologiques directement transférables à l’industrie. “Ces initiatives visent à renforcer l’intégration du Made in Morocco dans les secteurs de pointe”, poursuit ce responsable. De même, l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) s’impose comme un acteur clé dans le développement durable et la responsabilité sociale. “L’UM6P s’appuie sur des laboratoires de pointe et des plateformes d’expérimentation grandeur nature, comme le Green Energy Park, spécialisé dans les énergies solaires et les technologies vertes”, affirme Adeline Carton, responsable des Affaires académiques de l’UM6P. L’université s’engage également dans la facilitation du transfert technologique à travers son entité Tech Cell, tandis que la Fondation MASciR, affiliée désormais à l’UM6P, développe des pôles de recherche en biotechnologie, microélectronique et matériaux avancés.
Incubateurs : des tremplins vers l’entrepreneuriat
Outre la recherche scientifique, la création d’incubateurs au sein des universités s’avère essentielle pour stimuler l’émergence de start-ups et faciliter la transition des étudiants vers le monde de l’entrepreneuriat. L’UIR s’inscrit dans cette dynamique en faisant de l’innovation l’un des axes centraux de sa stratégie.
“L’UIR a rapidement mis en place un incubateur et un accélérateur pour soutenir la création de start-ups et valoriser ses nombreux brevets, ce qui fait d’elle la première université en Afrique en termes de dépôts de brevets”, explique Abdelaziz Benjouad.
Pour soutenir davantage l’entrepreneuriat, l’UIR collabore avec des partenaires comme R&D Maroc et Startup Maroc, et propose des espaces d’incubation où les projets sont accompagnés de l’idéation jusqu’à leur mise sur le marché. Des hackathons thématiques et des programmes d’entrepreneuriat social, en partenariat avec ENACTUS, complètent ce dispositif, tandis que l’université aide les start-ups à lever des fonds grâce à des programmes comme 212 Founders et CDG Invest, fait savoir ce responsable.
L’Université Mohammed VI Polytechnique a lancé, en 2020 StartGate, un campus dédié aux start-ups. À ce jour, plus de 850 porteurs de projets ont été accompagnés
De son côté, l’Université Mohammed VI Polytechnique a lancé, en 2020 StartGate, un campus dédié aux start-ups. D’après Adeline Carton, ce campus propose différents programmes pour accompagner les porteurs de projets en leur offrant toutes les ressources nécessaires au développement de leurs idées, qu’ils en soient au stade de l’idéation ou de l’accélération.
À ce jour, plus de 850 porteurs de projets ont été accompagnés. StartGate s’inscrit dans une démarche plus large de promotion de l’innovation, de la protection intellectuelle et de l’investissement. “Le campus accueille non seulement les étudiants de l’UM6P, mais aussi des porteurs de projets de toute l’Afrique”, poursuit-elle.
Quant à Rabat Business School (RBS), bien que ne disposant pas d’un incubateur traditionnel, elle a mis en place des “Students Business Units”. Selon Nicolas Arnaud, directeur général de RBS, ces unités permettent aux étudiants de “s’impliquer activement dans la gestion opérationnelle d’une entreprise dès leur première année”.
Cette expérience est complétée par des challenges d’entrepreneuriat et d’innovation, ainsi que des compétitions internationales comme le concours Solbridge, où les étudiants de RBS ont remporté un prix lors de l’édition 2023-2024.