[Tribune] Pourquoi la Norvège a reconnu l’Etat de Palestine par Jonas Gahr Støre, Premier ministre de la Norvège

Seule une solution à deux États peut apporter la sécurité, la prospérité et l'espoir aux peuples d'Israël et de Palestine.

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Jonas Gahr Støre, Premier ministre de la Norvège Crédit: DR

Mardi 28 mai, la Norvège a reconnu l’État de Palestine, soulignant que les Palestiniens ont un droit fondamental et indépendant à l’autodétermination et que les Israéliens et les Palestiniens ont le droit de vivre en paix et en sécurité dans leurs États respectifs. 

La Norvège a toujours été convaincue qu’il n’y aurait pas de paix au Moyen-Orient sans une solution à deux États. Et il ne peut y avoir de solution à deux États sans un État palestinien. En d’autres termes, un État palestinien est une condition préalable à l’instauration d’une paix durable au Moyen-Orient. 

“Depuis les accords d’Oslo, il y a trente ans, le consensus global était que la reconnaissance devait succéder à un accord de paix. Cependant, nous constatons tous aujourd’hui que cette approche est intenable”

Jonas Gahr Støre, Premier ministre de la Norvège

Depuis les accords d’Oslo, il y a trente ans, le consensus global était que la reconnaissance devait succéder à un accord de paix. Cependant, nous constatons tous aujourd’hui que cette approche s’est avérée intenable. Nous ne pouvons plus attendre que le conflit au Moyen-Orient soit d’abord résolu.

En l’absence d’un processus de paix et d’une solution politique au conflit, la vie quotidienne n’a fait qu’empirer. Ni les Palestiniens ni les Israéliens n’ont vécu dans la sécurité et la paix. Le terrorisme et la violence du Hamas et d’autres groupes militants ont sapé la confiance qui est essentielle pour parvenir à une paix durable, tandis que les colonies illégales d’Israël ont sapé la base territoriale d’un État palestinien viable. 

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à l’horrible attentat terroriste perpétré contre des civils israéliens innocents le 7 octobre. La Norvège a condamné cet attentat avec la plus grande fermeté. Nous avons exigé que les otages soient libérés immédiatement. Nous avons clairement indiqué qu’Israël avait le droit de se défendre dans le cadre du droit international. L’attaque terroriste a été commise par le Hamas, qui n’est pas partisan d’une solution à deux États et qui ne reconnaît pas non plus Israël.

“La guerre à laquelle nous avons assisté ces six derniers mois a laissé Gaza en ruines, avec des dizaines de milliers de morts et de blessés, et ce que nous voyons à Rafah depuis quelques jours est épouvantable”

Jonas Gahr Støre, Premier ministre de la Norvège

Je suis fermement convaincu que la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État peut contribuer à renforcer les forces modérées, côté palestinien. Celles qui œuvrent pacifiquement à la réalisation d’une solution à deux États – un État fonctionnant dans le respect du droit international, y compris la Charte des Nations unies et les résolutions pertinentes de l’ONU. Cela peut également contribuer à renforcer les forces modérées, côté israélien. L’alternative est ce que nous voyons aujourd’hui, à savoir, que ceux qui prônent et pratiquent la violence et l’insécurité dominent l’ordre du jour. Ils n’apportent aucun espoir pour l’avenir.

La guerre à laquelle nous avons assisté ces six derniers mois a laissé Gaza en ruines, avec des dizaines de milliers de morts et de blessés, et ce que nous voyons à Rafah depuis quelques jours est épouvantable. La sécurité des Israéliens et des Palestiniens a été compromise encore davantage et la stabilité de l’ensemble du Moyen-Orient est menacée.

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La Norvège estime qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquelles il est important et utile de reconnaître officiellement la Palestine aujourd’hui. 

Tout d’abord, la guerre en cours à Gaza a montré très clairement que l’instauration de la paix et de la stabilité passe par la résolution de la question palestinienne. Avec cette guerre, le développement négatif et prolongé du conflit israélo-palestinien connait son paroxysme. La guerre a entraîné une augmentation des troubles en Cisjordanie et des tensions croissantes entre les pays de la région. La situation au Moyen-Orient n’a pas été aussi grave depuis de nombreuses années.

Deuxièmement, un nombre croissant de pays perçoivent aujourd’hui la nécessité de renforcer la voix politique du peuple palestinien au niveau international. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies du 10 mai, pas moins de 143 pays ont voté en faveur d’une résolution soutenant l’adhésion de la Palestine à l’ONU.

Troisièmement, en reconnaissant aujourd’hui un État palestinien, nous soutenons le plan de paix arabe auquel travaillent les principaux acteurs de la région. Deux aspects décisifs de ce plan sont la création d’un État palestinien et la normalisation des relations entre les pays arabes et Israël – ce qui inclut la reconnaissance de l’État d’Israël. La Norvège coopère désormais étroitement avec l’Arabie saoudite et nous nous efforçons de mobiliser le soutien européen en faveur de ce plan.

Quatrièmement, le soutien en faveur d’un État palestinien est en constante augmentation en Europe. La Norvège a reconnu la Palestine à un moment où d’autres pays européens – l’Espagne et l’Irlande, ont fait de même. Et comme beaucoup s’en souviennent, Oslo et Madrid ont joué des rôles importants – mais différents–, dans le processus de paix au début des années 1990. Nous sommes également en contact étroit avec d’autres pays européens.

Cinquièmement, la reconnaissance officielle de la Palestine en tant qu’État était une étape naturelle dans la politique menée par la Norvège depuis des décennies. Cela nous donnera plus de poids dans les efforts que nous déployons actuellement pour encourager d’autres pays à reconnaître la Palestine, et pour investir dans la seule solution susceptible d’apporter une paix durable au Moyen-Orient. 

Enfin, d’un point de vue global, nous avons rarement été aussi éloignés d’une solution viable à deux États qu’aujourd’hui. Dans le même temps, cette approche a rarement bénéficié d’un soutien politique plus large. Dans ce qui doit suivre, après le cessez-le-feu à Gaza, le plein accès de l’aide humanitaire et la libération inconditionnelle des otages, les Palestiniens ont le droit de jouir de l’intégrité d’un État. La reconnaissance de la Norvège y contribue.

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