Le 18 mars, Oujda et la région de l’Oriental célébraient le 21e anniversaire de l’Initiative royale de développement de la région. Initié en 2003, le plan est multisectoriel. Il concerne ainsi à la fois la création d’infrastructures de santé ainsi que la transformation de l’Oriental en pôle urbain et touristique. La 20e année de l’Initiative avait été célébrée en grande pompe par la région. Six ministres marocains ainsi que le chef de la diplomatie gambienne s’étaient alors rendus à Oujda pour faire le point sur le développement de la région. En l’espace de deux décennies, ce sont plus de 150 milliards de dirhams qui ont été investis pour pérenniser la croissance de l’Oriental, comme l’a rappelé le wali de la région Mouad Jamai ce 18 mars.
Il est vrai que la région a été au cœur de plusieurs attentions. C’est dans l’Oriental que se situe le port de Nador West Med (NWM), dont la mise en service est prévue pour 2025. Alors que Tanger Med approche de sa capacité maximale, NWM promet d’être une alternative permettant d’étendre les capacités portuaires du Maroc. Le port devrait également contribuer au développement économique de l’Oriental, mais aussi — par extension — des régions limitrophes que sont Fès-Meknès et Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Nador, et l’Oriental donc, accueilleront également la deuxième plus grande station de dessalement du pays, qui sera dotée d’une capacité de 250 millions de mètres cubes (à titre de comparaison, la future station de dessalement de Casablanca sera dotée d’une capacité de dessalement de 300 millions de mètres cubes).
Si elles sont bien présentes dans les esprits, ces deux infrastructures majeures n’étaient pas au cœur de la conversation ce 18 mars à l’occasion des Orientales, évènement organisé par le CRI local pour célébrer l’anniversaire de l’initiative royale. Car l’Oriental est dans une nouvelle phase de son développement. “La première décennie (après le lancement de l’initiative royale, ndlr) a été marquée par la construction et l’édification, et la deuxième décennie par la consolidation de tous les secteurs, la troisième phase actuelle doit capitaliser sur ces acquis en lançant une nouvelle génération de projets productifs, en stimulant l’investissement et en créant des opportunités d’emploi pour la population.” Et c’est justement pour rentrer de plain-pied dans cette nouvelle phase de développement de l’Oriental que nous avons été convié à assister au lancement de projets structurants de la ville.
Un nouveau “City Center” à 7 milliards de dirhams
La première étape de notre “tour express” jouxte l’Avenue Omar Ibn Khattab, l’un des grands axes de la “capitale” de l’Oriental. À première vue, rien de bien intéressant sur ce terrain de vague situé à quelques encablures de la gare d’Oujda. Mais l’avenir de ce terrain-et de la ville-se écrit sur quelques pancartes nichées à l’intérieur d’une tente officielle. Des cadres de la Société foncière Iskane, filiale du groupe Addoha, s’activent devant des panneaux décrivant le projet, sous l’œil de Anas Sefrioui. Le milliardaire a fait le déplacement du côté de l’Oriental. Sans doute, car le projet est massif.
Son entreprise est le maître d’ouvrage d’un nouveau pôle urbain moderne incluant bâtiments administratifs, écoles, mais aussi un centre commercial ainsi qu’un centre d’affaires. Lorsque Mouad Jamai arrive sur place, Anas Sefrioui vante les mérites de ses équipes. “Nous avons travaillé sans relâche pour faire le meilleur travail possible”, affirme le milliardaire devant le wali. Le représentant du ministère de l’Intérieur, lui, resitue le projet dans son contexte. “Ce que vous faites, Ssi Anass est un travail très important. Ce projet permettra de doter Oujda d’un nouveau centre-ville qui permettra, on l’espère, d’attirer de nouveaux investissements dans l’Oriental”. 7 milliards de dirhams dans ce nouveau “Oujda City Center” (c’est son nom) qui devrait s’étendre sur 55 hectares.
Oujda, pôle industriel, mais pas que…
Oujda, et de manière plus générale la région de l’Oriental, entend bien s’appuyer sur les avantages que lui offrira le nouveau port de Nador. C’est dans ce sens que la région entend augmenter sa capacité industrielle, notamment dans le domaine de l’automobile.
Pour l’édition 2023 des Orientales, Oujda avait été le théâtre de l’inauguration d’une usine de l’entreprise Aptiv (filiale du géant General Motors) qui avait inauguré le chantier de sa nouvelle usine qui devrait permettre la création de 3000 emplois. Cette année, ce sont les autrichiens de Hirschmann Automotive qui sont venus inaugurer leur usine spécialisée dans les câblages et composants automobiles dans le Technopark situé en périphérie de Oujda à quelques encablures de l’aéroport Oujda-Angad.
Hirschmann Automotive, qui compte déjà une usine à Kénitra, fournit les composants pour des grands constructeurs comme BMW, Volkswagen ou encore Mercedes. C’est sur la base de son expérience kénitrie mais aussi grâce à un lobbying de la région de l’Oriental que l’entreprise autrichienne est venue s’installer dans un Oriental qui “connait un développement économique important grâce aux réformes menées par le roi Mohammed VI” affirme Angelo Holzknecht, PDG de l’entreprise.
Mais l’Oriental ne compte pas s’appuyer sur l’industrie lourde. C’est du moins le message que souhaite envoyer le CRI local en invitant à visiter la “zone 01”, une sorte d’école 1337 locale. Ce “centre d’intelligence collective” a développé des tests permettant de faire émerger des talents locaux spécialisés dans les métiers de la tech en vue de créer un écosystème local.
La Zone 01 forme les jeunes de la région au codage à travers une formation de 18 mois à l’issue de laquelle émergent des développeurs full stack. Elle fait également office d’incubateur de projets et d’agence de talents qui permet à ses protégés d’obtenir des contrats avec des entreprises locales et internationales. A termes, la Zone 01 estime que ses étudiants devraient être capables de faire rentrer près de 12 milliards de dirhams dans la région grâce aux transferts en devise des entreprises étrangères ( pour le paiement de leurs employés travaillant dans l’Oriental) mais aussi de diplomés de la Zone 01 qui seraient partis exercer leur talent à l’étranger.
Un petit voyage en train?
“L’Oriental est à l’image du Maroc. Dans la région nous avons les montagnes, la plage ainsi que le désert en l’espace de quelques kilomètres. C’est un avantage sur lequel nous ne capitalisons pas assez”, a assuré Mouad Jamai, le 18 mars. C’est dans ce sens que la région compte relancer l’Oriental Explorer à l’horizon 2025.
Derrière ce nom, se cache une ligne de train assurant la desserte entre Oujda et Bouarfa en passant par Fouchal, Tendrara dont les gares seront remises au gout du neuf. Le voyage promis par l’Oriental explorer sera placé sous le signe de l’écotourisme avec au menu promenades à dos de chameau, découvertes d’Oasis et nuits dans des tentes traditionnelles. L’idée est donc d’attirer des backpackers qui viendront s’ajouter à l’importante communauté des Marocains résidant à l’étranger qui se rend dans la région chaque année notamment du côté de Nador.
“Nos équipes viennent des quatre coins du Maroc. Il y a un réel potentiel de la région que nous avons à coeur de faire fructifier”, nous confie l’un des membres du CRI lors de notre visite. Après cette édition 2024 des Orientales tous ont les yeux rivés sur l’année 2025 qu’ils espèrent être une année de décollage pour la région avec la réalisation de ses projets structurants. Près de 22 ans plus tard, donc, la volonté royale pour le développement de la région pourrait bien se concrétiser.