CHU de Marrakech : urgences toute

À Marrakech, les urgences de l’hôpital Mohammed VI ont dû faire face à un fort afflux de victimes suite au tremblement de terre d’Al-Haouz, qui a fait près de 3000 morts et plus de 5500 blessés (chiffres actualisés le 12 septembre). Récit.

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MAP

Le flux qu’on a eu de vendredi soir jusqu’à samedi 16 h était infernal”, soupire Ahmed*, médecin aux urgences de l’hôpital Mohammed VI de Marrakech, dimanche 10 septembre. Depuis plus de 36 heures, les ambulances et véhicules militaires défilent devant l’entrée de l’établissement alors que les équipes, présentes dans leur totalité, se relayent pour secourir les victimes. “Je suis en première ligne depuis vendredi soir, j’ai pu me reposer environ 6 h depuis le séisme”, poursuit le médecin.

Vendredi, alors que la terre vient de trembler à Marrakech et dans les provinces alentours, le personnel de l’hôpital se mobilise immédiatement : “J’étais chez moi, raconte Ahmed, j’ai mis mes parents en sécurité et j’ai tout de suite filé au CHU.” Là, l’urgence consiste à déplacer tous les patients à l’extérieur, dans le cas où d’autres secousses suivraient celle, meurtrière, de 23 h 11 : “On ne connaissait pas encore la gravité des dommages humains. Initialement, les patients ont été évacués vers les espaces ouverts du CHU. Il y avait un hall en plein air et un jardin à l’arrière. Les urgences ont été déplacées vers l’extérieur, dans la cour en face des urgences. Nous avons pris en charge les patients à l’extérieur pendant quelques heures par crainte des répliques, afin de nous assurer qu’il n’y aurait pas de secousses immédiates”, poursuit-il.

Et de préciser : “Cela a duré 3 à 4 heures, c’était le pic du flux, car nous avons eu des patients venant des maisons de la médina et ceux qui avaient eu des accidents sur la voie publique. Tout le monde était affolé, tout le monde était sorti dans la rue. À Marrakech, les gens se sont dirigés vers les grandes avenues pour être en sécurité en cas de nouvelles secousses.”

Afflux de victimes

Les premiers blessés proviennent donc de Marrakech même, où un dernier bilan provisoire fait état de 17 morts. Mais le gros des victimes arrive surtout des villages alentour : “J’ai principalement vu des patients provenant des environs, avec quelques victimes décédées probablement sur la route ou sur les lieux de l’accident, bien que cela soit incertain. Il est important de rappeler que les ambulanciers ne sont pas toujours formés pour évaluer si un patient est encore en vie ou non. Nous avons admis un grand nombre de patients traumatisés graves directement en réanimation vendredi soir, principalement en raison de nombreuses fractures, ainsi que quelques patients polytraumatisés nécessitant des soins intensifs, et malheureusement, un certain nombre de décès également”, raconte Ahmed*.

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Le médecin tient d’ailleurs à souligner que la mobilisation exceptionnelle de tous les services du CHU a permis de gérer les flux de manière exemplaire : “Tout le monde a répondu présent. Pratiquement tout le personnel de l’hôpital était là, y compris les cadres supérieurs des services et les éminents chirurgiens. Tous se sont mobilisés, de même que la quasi-totalité des réanimateurs, répartis dans environ 5 ou 6 services de réanimation. Nous avions suffisamment de ressources humaines en termes d’effectifs.”

Et ce malgré un protocole pas forcément au point en ce qui concerne les grandes catastrophes comme celle-ci : “On n’est pas nécessairement préparés pour des évènements de faible probabilité, mais à haut risque en termes de victimes, même si nous avons suivi quelques formations en gestion des urgences. Cependant, cela a été bien géré grâce à la présence d’excellents réanimateurs et de brillants professeurs en anesthésie, qui sont également formés en médecine de catastrophe”, détaille celui qui en est à plus de 36 heures de travail depuis le drame.

Les équipes médicales, bien qu’assez nombreuses pour se relayer et permettre un peu de repos à chacun, sont d’ailleurs sous pression permanente, notamment psychologique : “On tient le coup, bien sûr, mais certains craquent. Une collègue qui était de garde a fondu en larmes à côté de moi tout à l’heure. En ce qui me concerne, il s’agit plus de fatigue physique, j’ai mal au dos et j’arrive à peine à me pencher. Tout dépend des individus”, expose Ahmed.

“Un élan de solidarité extraordinaire”

Dans l’urgence et le vacarme, personnel et patients ont pu trouver du réconfort auprès des Marrakchis venus en nombre porter assistance aux alentours de l’hôpital : “Nous avons également reçu de nombreux dons de médicaments et de provisions, et je tiens d’ailleurs à remercier toutes les personnes qui se sont déplacées. Je n’ai ressenti la soif à aucun moment, on nous déposait des bouteilles d’eau toutes les cinq ou dix minutes, des sucreries et snacks également. Cela peut sembler anodin, mais lorsque l’on travaille de nombreuses heures avec un stress énorme, il est vraiment important de ne pas avoir à se soucier de ces besoins. Cela a profondément touché chacun d’entre nous, on a vraiment été témoins d’un élan de solidarité extraordinaire”, insiste le médecin avec émotion dans la voix.

Une vague de soutien qui s’est également exprimée dans les centres de don du sang : “Il y a beaucoup de sang frais qui arrive, le centre de transfusion a travaillé toute la journée d’hier et a même dû refuser des donneurs parce qu’il n’y avait plus de poches, la capacité était saturée”, raconte Ahmed.

À présent, le calme revient peu à peu dans les couloirs du CHU Mohammed VI : “Nous recevons très peu de victimes maintenant. Nous avons bien géré le rythme, car nous avions des internes en première ligne qui s’occupaient de l’admission des patients. Les services de chirurgie ont enchaîné les opérations, tout comme les services d’anesthésie. Maintenant, la situation s’est calmée et nous recevons des patients venant de plus loin, qui sont un peu plus difficiles à traiter, car ils ont été extraits des décombres.”