Le tout numérique : la position des dirigeants d’entreprise face à la transition digitale

Au fil des ans, au Maroc et partout ailleurs, les documents papier ont fait place aux dossiers virtuels, libérant l’espace physique des bureaux. Que l’on émette des doutes ou que l’on défende ardemment la dématérialisation, force est de constater que cette dernière s’est implantée dans les entreprises, pour en révolutionner les rouages. Débarrassés de la paperasse encombrante, employés et dirigeants d’entreprise sont censés être plus productifs, grâce à une gestion et une communication plus efficace. Cependant, passer au tout numérique n’est pas une tâche aisée. De nombreuses questions peuvent être soulevées au sein de l’équipe de direction. Quels sont les éventuels risques liés à la dématérialisation ? Quelles sont les options ? Que dit la loi en vigueur les concernant ?


D’un point de vue légal, les entreprises sont-elles libres de choisir ?

De nos jours, au Maroc, aucune loi n’oblige la dématérialisation. D’ailleurs, en termes d’innovation, les lois tendent plutôt à être à la traîne et s’efforcent de se conformer une fois la dématérialisation établie. Les entreprises sont donc libres de choisir, à défaut de disposition légale imposant des écrits et des modalités d’archivages (par exemple, les procès-verbaux des organes de gouvernance devant obligatoirement être consignés sur un registre spécial tenu au siège social, coté et paraphé par le greffier du tribunal du lieu du siège de la société). Mais si on peut émettre une réserve à un changement d’habitudes professionnelles, nul ne peut ignorer les risques de la non-dématérialisation notamment en termes de sécurité et de traçabilité. Les entreprises ont donc conscience de cette menace grandissante.

Photocopier des documents ou consulter des informations sous forme de papier sont des réflexes et des tâches qui ne peuvent être bannis. Or il est vrai qu’une fois le document remis entre les mains d’une tierce personne, la destinée dudit document ne nous appartient plus.

Cette perte de contrôle d’informations souvent confidentielles et réglementées inquiète les entreprises. La majorité des entreprises marocaines ont conscience du risque de sécurité élevé auquel de telles habitudes les exposent. Nul ne peut ignorer les conséquences dramatiques qu’une fuite d’information peut provoquer.

Qu’est-ce qui freine l’élan de la dématérialisation ?

La sécurité

Aucun secret à ce niveau-là. Que ce soit au Maroc ou dans tout autre pays du monde, la dématérialisation inquiète par ses enjeux de sécurité. La sécurité des informations est donc la préoccupation principale des entreprises. On pense bien sûr aux hackers susceptibles de s’introduire dans les systèmes. Une protection contre ces derniers implique un tout autre niveau de sécurité qui se traduit par des solutions sécuritaires numériques (anti-virus, pare-feu, etc.) et systématiques (audits de sécurité réguliers, mises à jour des protections, etc.)
Outre l’aspect logistique, la dématérialisation soulève des questions d’un point de vue législatif et/ou légal. Les grands groupes européens et africains ne devraient ainsi ménager aucun effort, en ce qui concerne la sécurité de leurs données sensibles et confidentielles. Il s’agit là d’une précaution qui leur permettra d’être à l’abri de l’U.S. Cloud Act.
En effet, dès lors qu’un grand groupe marocain contracte les services d’une entreprise américaine, ses données sont exposées et peuvent être librement consultées par les services de renseignements américains. C’est le cas même si les serveurs hébergeant ces données sont situés hors du territoire américain. Imaginez ce que cela signifie en termes de souveraineté et d’intelligence économique…

La traçabilité

Outre la sécurité, mentionnons la traçabilité comme enjeu à la dématérialisation. L’information et la communication sont les clés d’un bon fonctionnement dans toute entreprise, il est donc crucial de savoir qui a fait quoi, quand avec quelle information. Ce type de données permet de s’assurer qu’une information stratégique a été transmise aux personnes concernées, à une date précise et consultée par les bons interlocuteurs. La traçabilité offre la possibilité de remonter à l’origine d’une erreur ou d’une fuite potentielle et d’en réduire l’impact.
« Mieux vaut prévenir que guérir » dit le fameux adage. Si certaines entreprises prennent les devants et agissent au préalable pour ne pas avoir à « réagir », d’autres considèrent l’essentialité de la dématérialisation qu’une fois face à une menace sécuritaire concrète. Comprenant que leurs communications sur papier ou par email ne sont pas sécurisées, elles accélèrent le processus de dématérialisation. De nos jours toutefois, aucun grand groupe marocain n’ignore cet enjeu sécuritaire. D’ailleurs, bien souvent, le besoin de dématérialiser est soulevé par les responsables de la sécurité eux-mêmes.

Solutions interne, sur-mesure ou SaaS : quelle option choisir ?

Interne
Nul doute qu’une fois la décision prise de passer à la dématérialisation, un personnel compétent s’impose. Certaines entreprises ne disposent pas d’équipes IT, et si elles en ont le privilège, bien souvent leurs membres n’ont pas les aptitudes nécessaires pour développer une solution adaptée à la problématique métier. Passer par une équipe interne présente toutefois des avantages : l’indépendance, le contrôle total sur la technologie et les données. L’inconvénient néanmoins est qu’une solution développée en interne sera testée en interne ; elle ne bénéficiera pas d’un nombre suffisant de tests diversifiés et objectifs en mesure de prouver son efficacité. Enfin, tout processus initié de zéro est généralement fort coûteux.

Sur mesure
Une deuxième option consiste à se tourner vers le marché. Il suffit d’engager une entreprise tierce qui vend une licence logicielle et va l’installer avec une approche personnalisée. Cette option est rassurante puisqu’il s’agit de produits matures et fiables. L’inconvénient dans ce type d’approche se trouve dans la durée parfois longue de leur mise en œuvre, dans le manque d’assistance et pour finir des coûts difficiles à chiffrer (frais d’assistance, customisation, etc.).

SaaS
Il nous reste donc la dernière option, à savoir les solutions SaaS (Software-as-a-Service = Logiciel en tant que service) qui sont de plus en plus dominantes.
Le SaaS et le cloud sont très souvent assimilés et pourtant ils sont différents. La confusion vient sûrement de l’emblématique éditeur de logiciels Salesforce dont les serveurs se situent dans le cloud, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des SaaS.
Le cloud représente uniquement la localisation des données en ligne, tandis que le SaaS représente la location d’un service, qui est accessible en ligne. Il n’est pas à vendre. Contrairement à la licence, il s’agit d’un abonnement, si bien que les coûts sont moins considérables et répartis dans le temps.
Outre un avantage financier, le SaaS se démarque également par son évolutivité. Il se révèle plus durable que les solutions développées sur-mesure. Une solution SaaS coûte moins cher que les autres sur une base annuelle. Si certains peuvent souligner qu’elle implique un investissement continu à long terme, le fait est qu’il s’agit d’un service accompagné d’une assistance efficace et permanente. C’est un aspect hautement apprécié par la plupart des utilisateurs.

La digitalisation des instances de gouvernance : quels avantages pour les entités marocaines ?

La numérisation massive d’une entreprise marocaine reste limitée compte tenu des contraintes légales dans le pays. Ne s’agissant pas d’une norme établie, chaque entité est libre d’opter ou non pour la dématérialisation. N’oublions pas toutefois que la digitalisation est déjà adoptée par un grand nombre de sociétés qui profitent de ses avantages au quotidien. Certains enjeux liés à la sécurité peuvent expliquer la frilosité des groupes. Toutefois, des solutions pertinentes et éprouvées ont su démontrer leur efficacité face aux enjeux majeurs en matière de sécurité. En permettant aux directions d’optimiser l’organisation de leurs instances et d’en réduire les coûts, elles donnent l’opportunité aux dirigeants d’entreprise de se concentrer sur les prises de décision. En alliant à la fois transparence et confidentialité, la dématérialisation favorise la maîtrise de l’information et de la communication, conduisant ainsi à une productivité optimisée.

Yacine GOUICH

Directeur General, DiliTrust MEA