Bourse : 129 milliards de dirhams partis en fumée

En l’espace d’un an, l’indice de référence de la Bourse des valeurs de Casablanca a chuté de 20%. La perte de capitalisation qui en a résulté est historique. Jamais, même au plus fort de la crise Covid, le marché actions ne s’était autant effondré. Les raisons d’un “cassage de gueule” monumental.

Par

TELQUEL

C’est une dinguerie, non c’est une hécatombe ! Analystes financiers, gestionnaires d’actifs, particuliers et zinzins (investisseurs institutionnels) s’arrachent les cheveux. Confrontés à une Bourse des valeurs en dévissage total, les acteurs des marchés financiers comptabilisent leurs pertes en toute impuissance. L’année 2022 aura été celle du choc. Le trauma peut se résumer en un chiffre. En douze mois, la Bourse a détruit 129 milliards de dirhams de capitalisation.

En s’effondrant de 19,75%, l’indice de référence (MASI) a semé la désolation dans une place boursière que semblent désormais fuir les institutionnels et les investisseurs étrangers. L’introduction en Bourse à 1,3 milliard de dirhams d’Akdital, premier groupe marocain de cliniques privées, était pourtant censée redonner des couleurs à une cote déjà en chute libre. Ce ne sera pas le cas.

Alors que le Maroc est en passe de généraliser l’AMO et que le réseau des cliniques privées devrait bientôt recevoir des millions de patients munis de leur assurance santé, la corbeille a accueilli Akdital avec une relative indifférence. “C’est tout bonnement inexplicable”, se désole un gestionnaire d’actifs de la place.

Perchés en haut d’une tour en plein boulevard Zerktouni, les bureaux du financier offrent une vue imprenable sur le quartier Maârif. Mais si le mobilier de luxe, les tableaux de maître qui ornent les murs et les “outfit” des traders fleurent bon l’aisance matérielle, les visages sont ombrageux. Livide, le patron maintient le regard rivé sur un écran déroulant la ticker-tape des cours. Au closing ce jour-là (4 janvier), le MASI cède encore du terrain : -1,8% avec un volume transactionnel d’à peine…60 millions de dirhams.

“On va finir par vendre des cacahouètes”

Un gestionnaire d’actifs de la place

“On va finir par vendre des cacahouètes”, soupire le gestionnaire, qui se spécialise en conseil de placement pour particuliers fortunés. L’évaporation de 129 milliards de dirhams de “capi” le laisse pantois. “Comment voulez-vous vous positionner en place financière africaine de référence avec une Bourse en plein crash ?”, s’interroge-t-il sans avoir un début de réponse.

Certes, à première vue, le bilan déplorable de l’exercice fraîchement échu s’explique par une série de facteurs plutôt logiques. Après un premier trimestre solide, sans être flamboyant, la Bourse fléchit d’un coup suite à l’éclatement du conflit russo-ukrainien. Disruption des chaînes de valeurs, crise énergétique, hyperinflation et sécheresse ont tiédi la confiance des investisseurs.

Le reste de l’année se caractérisera par des corrections brutales, pour culminer sur une chute à deux chiffres. Même au plus fort du Covid (2020), l’érosion (-7,3%) n’avait pas été aussi tranchée. En 2021, par effet de rattrapage, la Bourse reprend des couleurs, finissant sur une augmentation de l’indice de 18,4%.

Un an plus tard, la chute libre de la corbeille est si marquée qu’elle place le Maroc en avant-dernière position des Bourses mondiales, juste devant la place financière russe qui a lâché 39% en 2022. “On fait à peine mieux que la Bourse de Moscou, dans un pays en situation de guerre”, s’agace le gestionnaire, dont les cernes caverneuses témoignent d’une succession de nuits blanches. Lire la suite…

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