Cartographie : les entreprises marocaines qui rayonnent en Afrique

Pour les entreprises marocaines, le marché africain est une zone de croissance pour soutenir leur ambition d’internationalisation. Banques, industrie, commerce, mines, BTP, télécoms, les groupes du Royaume ont tissé leur toile en se greffant le plus souvent sur les liens économiques, politico-diplomatiques, parfois même spirituels, entre le Maroc et les pays d’implantation. Voici la carte de la présence marocaine au sud du Sahara.

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Cet article a été réalisé indépendamment de la rédaction par TelQuel Impact.

Banques

C’est le pivot de la stratégie marocaine d’implantation. Portée par le trio de tête des banques au Maroc, l’expansion du réseau bancaire marocain en fait le fer de lance des investissements privés marocains en Afrique subsaharienne.

Bank of Africa

Chez l’ex-Banque marocaine du commerce extérieur(BMCE), les affaires africaines sont tellement florissantes qu’elles ont induit un changement de nom en 2020. La désormais Bank Of Africa a tissé une toile de 18 filiales dont 16 sur le continent: à l’ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Niger, Togo et Sénégal) et à l’est et dans l’Océan indien (Burundi, Djibouti, Ethiopie, Kenya, Madagascar, Ouganda, Rwanda et Tanzanie).

BCP

L’étendard africain de la Banque Centrale Populaire(BCP) est planté depuis la fin des années 1980 avec des implantations en Centrafrique et en Guinée. Un mouvement qui s’est accéléré en 2012 lorsque la BCP a acquis une majorité de parts de la Banque Atlantique.

Suffisant pour étendre son réseau bancaire aux pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Niger, Mali, Sénégal et Togo) et même plus au sud du Sahara (Centrafrique, Guinée, Madagascar, Maroc, Maurice, Mauritanie).

Si on compte les acquisitions des participations du groupe français Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE) dans 3 banques au Cameroun, au Congo et à Madagascar, le réseau de la BCP couvre 17 pays africains.

Attijariwafa Bank

L’année 2005 est celle de l’internationalisation à la conquête de l’Europe. La même année, l’ancienne BCM-Wafa Bank met le pied au Sénégal et en Tunisie. Leur fusion mènera trois ans plus tard au label de la Compagnie bancaire de l’Afrique occidental (CBAO) qui lui permet d’intégrer des pays comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger ou encore le Bénin, le Mali, le Togo.

Puis, à coups d’acquisitions et de rachats, le groupe bancaire s’est étendu aussi en Afrique centrale au Congo, au Gabon, au Cameroun, au Tchad, puis en Afrique du Nord, à l’Egypte, à la Mauritanie ; et plus à l’est au Rwanda. Avec près de 6000 agences bancaires sur le continent, Attijariwafa bank revendique le titre de premier réseau bancaire en Afrique avec une présence dans 11 pays.

Mines

Dans le continent au sous-sol le plus riche, les entrepreneurs marocains prospectent à la recherche des potentialités minières. Et ils sont loin d’être déçus.

Managem, le filon africain

La société minière de la holding royale creuse le filon africain depuis le début des années 2000. 1,5 million d’onces de réserve d’or en Guinée, de 45 000 tonnes de cuivre et 5 000 tonnes de cobalt par an en RDC. Managem a réussi à s’implanter dans 9 pays africains où elle exploite, produit ou commercialise des minerais. Dans ces pays d’implantations tout comme en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Burkina-Faso, en Ethiopie, le groupe explore les potentialités en métaux (de base ou précieux) ou encore du cobalt.

Aérien

Royal Air Maroc

Depuis son premier vol vers Dakar en 1957, la compagnie nationale a étendu le réseau des routes aériennes vers le continent. Les avions de la RAM atterrissent dans 25 pays d’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre, soit une couverture de la moitié de l’Afrique (Egypte, Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie, Sénégal, Cap Vert, Gambie, Guinée Conakry, Mali, Libéria, Sierra-Leone, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Burkina-Faso, Ghana, Bénin, Nigéria, Guinée-Equatoriale, Gabon, Cameroun, Centrafrique, Congo, RDC).

Dans un contexte de concurrence exacerbée après le coup dur du Covid, la RAM a été contrainte de réduire sa flotte sans trop s’éloigner des routes rentables sur un continent où elle ambitionne de devenir le premier transporteur africain.

Engrais

OCP Africa

D’abord timide au début, la présence du géant marocain des phosphates s’est accrue un peu plus de cinq ans après la création de son vaisseau amiral d’investissement en Afrique. OCP Africa a pu massifier sa présence dans 18 pays africains avec un positionnement qui mêle à la fois sécurité alimentaire et coopération Sud-Sud.

Le producteur d’engrais a adopté comme stratégie de pratiquer des prix très bas pour rendre accessible l’engrais qu’il produit ou adapte pour les agriculteurs africains.

En parallèle, il développe avec des investisseurs locaux, des gouvernements, des ONG, la construction de méga-usines d’engrais, des centres de recherche agricole ou de formation d’agriculteurs ou de cadres dans ces pays d’implantations : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Ghana, Kenya, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Zambie.

Le siège de l’OCP à Casablanca.Crédit: DR

Télécoms

Encore seul sur le marché, un groupe marocain tente de concurrencer des grands groupes bien établis. Le développement est fulgurant.

Maroc Telecom

S’il tutoie aujourd’hui le Français Orange ou encore le Sud-Africain MTN, c’est que l’opérateur des télécoms a connu un développement fulgurant. Placé sur la carte des opérateurs panafricains avec un parc de 60 millions de clients, l’opérateur marocain est présent dans 10 pays africains notamment grâce au rachat des opérateurs historiques de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Gabon et du Mali.

Une expansion qui a permis de réunir toutes les filiales du groupe sous la marque de Moov Africa présente en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo, au Niger, en Centrafrique ou encore au Tchad.

TIC

Moins connue du grand public, l’expertise marocaine en matière de technologies applicables dans la monétique et les services informatiques bancaires est prisée sur le continent. Dans certains pays, elle est même centrale.

HPS, continental appétit

Discrète, sérieuse et très implantée, la Hightech Payment Systems fait aujourd’hui plus de 45% de son chiffre d’affaires en Afrique. Ses près de 500 ingénieurs développent quotidiennement des solutions de paiement électronique et des prestations de services informatiques à destination des grandes entreprises de 39 marchés en Afrique.

Les pays couverts s’étendent dans tout l’espace de l’UEMOA (8 pays) mais aussi en Afrique du Nord (Libye) et Afrique australe (Afrique du Sud). Espérant profiter d’un taux de bancarisation, du développement du e-commerce et du mobile money, l’entreprise fondée en 1995 par Mohamed Horani devrait maintenir la hausse continue de son chiffre d’affaires à deux chiffres.

M2M, les trois lettres de l’ambition

Depuis le début des années 2000, la SSII marocaine se pose à l’avant-garde de la modernisation des services bancaires. Pour les banques, les acteurs de la grande distribution, les administrations, les opérateurs de téléphonie, les sociétés de transport ou encore les universités, les fintech et les start-ups en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Egypte, Mauritanie), de l’Est (Ethiopie), Centrale (RDC, Congo, Gabon, Cameroun, Guinée Equatoriale), de l’Ouest (Bénin, Nigéria, Burkina-Faso, Guinée, Sénégal), l’entreprise technologique développe des solutions de paiement multicanal, de billettique et des services biométriques.

Produits pharmaceutiques

Cooper Pharma

En orientant ses produits vers l’Afrique dès les années 1990, le groupe pharmaceutique a pris une avance certaine. Créé en 1933, le laboratoire pharmaceutique exporte ses médicaments à destination de 20 pays en Afrique de l’Ouest et du Centre.

Mais ce n’est qu’en 2010, avec l’acquisition d’un laboratoire tchèque, et la création, trois ans plus tard, de sa filiale internationale basée à Dubaï que le groupe entreprend des implantations physiques hors des frontières du Maroc. Respectivement signés en 2014 et 2016, deux mémorandums avec la Côte d’Ivoire et le Rwanda devraient permettre l’ouverture prochaine de deux usines de fabrication d’antibiotiques.

Ecotourisme

Après avoir réussi des projets de dépollution et réaménagement de lagons à des fins touristiques, le Maroc souhaite exporter son expérience en l’inscrivant dans un modèle de coopération Sud-Sud.

Marchica Med, petite rivière deviendra grande! 

Son objectif est de dupliquer le succès du réaménagement de la lagune de Marchica à Nador. Implantée en Côte d’Ivoire depuis 2016, la société publique marocaine est le maître d’œuvre assistant de l’aménagement et de la transformation de la Baie de Cocody et la dépollution de la lagune Ebrié à Abidjan.

Avec une enveloppe totale de 700 millions de dollars, le projet entend redonner son lustre au cœur de la métropole ivoirienne avec la construction de plusieurs édifices (ponts, hôtels, ports, bâtiments culturels) et la dépollution de sa lagune centrale.

Un projet similaire est en passe d’aménager et rétablir la navigabilité des 700 Km du Canal des Pangalanes situé à l’est de Madagascar. Alors que ces deux projets sont toujours en cours d’achèvement, Marchica Med a créé en 2021 sa filiale africaine qui devra se charger de concrétiser l’agencement de sites côtiers à l’est du Kenya.

Hydrocarbures

Le secteur devra compter avec un nouveau venu en provenance du Royaume qui tente discrètement de grignoter des parts de marchés surtout que les découvertes et les projets pétro-gaziers s’accumulent

Les bonnes pompes d’Afriquia

La filiale d’Akwa Group vient tout fraîchement d’absorber TotalEnergies Mauritanie, acteur majeur depuis 1999 de l’exploration et de la production de pétrole et de gaz dans le pays. Le deal qui s’est chiffré à 185 millions de dollars permet à Afriquia de récupérer les 40 points de vente de l’entreprise française à travers la Mauritanie.

Pour autant, ce n’est pas la première implantation d’Afriquia sur le continent : en 2014 , il avait acquis 80% de Klenzi Distribution et son réseau de 15 stations de distribution de produits pétroliers en Côte d’Ivoire. Puis en 2019, la branche gazière du groupe s’était implantée au Cameroun.

La même année, une JV avec l’Américain Chevron avait permis à sa succursale tournée vers les lubrifiants de distribuer des huiles moteurs dans 14 pays en Afrique du Nord et de l’Ouest (Algérie, Cameroun, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Tunisie, Sénégal, Niger, Mauritanie, Mali, Guinée Conakry, Bénin, Gabon et République Démocratique du Congo.)

BTP

CIMAT

La filiale d’Addoha est une des premières à avoir flairé l’opportunité d’une expansion intra-africaine. Le mouvement commence dès 2011 avec la création de Ciments de l’Afrique (CIMAF) pour permettre au groupe immobilier de pallier les difficultés d’approvisionnement en ciment et prendre une avance sur la concurrence dans la course aux projets immobiliers.

Presque chaque année depuis cette date, CIMAT a ouvert une cimenterie dans 11 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre (Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Cameroun, Burkina Faso, Gabon, République du Congo, Mali, Mauritanie, Ghana, Tchad et Guinée Bissau) avec des capacités de production allant de 350.000 à 2 millions de tonnes de ciment par an.

Infrastructures/immobilier

Addoha, la social connexion

Le groupe immobilier a attendu près de 30 ans avant de déployer ses grues en Afrique. En parallèle de la création de sa société Ciments de l’Afrique (CIMAF), le groupe immobilier est allé chercher la croissance au sud du Sahara dès 2013 en mettant le pied en Côte d’Ivoire, en Guinée Conakry, au Cameroun, au Congo Brazzaville, au Niger, au Sénégal et au Mali.

Une dizaine d’années qui lui ont permis de massifier sa présence dans 5 pays de l’Afrique de l’Ouest (la Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Sénégal, Ghana, Togo) où il contribue à la construction de logements sociaux mais aussi de projets immobiliers moyen et haut de gamme. A l’heure actuelle, 17 projets sont en développement en Afrique de l’Ouest avec une grande part des affaires situées en Côte d’Ivoire (12 projets) et en Guinée Conakry (2 projets).

Alliances, le retour

Avec des indicateurs revenus au vert, le groupe immobilier compte se relancer là où il avait pu trouver de bonnes affaires. C’est en 2013 que le promoteur immobilier a arpenté la route vers l’Afrique de l’Ouest et du Centre en annonçant de vastes projets de logements sociaux et quelques résidences de luxe au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Congo.

Près de dix ans après, Alliances, qui a épuré ses dettes et annoncé une nouvelle feuille de route, devrait refaire fonctionner ses grues dans les pays précités (en plus du Maroc) tout en jouant un jeu d’équilibre sur ses comptes.

Assurances

Conjoncture ou manque d’attrait ? C’est un secteur laissé en friche par les investisseurs marocains. Pourtant, il a fait jadis la réputation de l’expertise marocaine. Au point d’envisager leur retour ?

SAHAM, affluent de Sanlam

Entré dans le tour de table de Saham trois ans auparavant, Sanlam rachète la totalité de ses parts en 2018. Chiffrée à 1,05 milliard de dollars, l’opération permet au premier assureur africain de consolider sa place en Afrique du Nord et de l’Ouest où l’ancrage de Saham agit comme un accélérateur.

Au moment de son rachat, le groupe marocain avait déjà bâti un solide réseau de 35 compagnies d’assurances dans 26 pays en Afrique. Ce qui permet au groupe sud-africain d’enregistrer, l’année suivante, une de ses plus fortes progressions (+26%) dans ses résultats. Aujourd’hui encore, Sanlam s’appuie sur l’expertise marocaine pour muscler son dispositif en Afrique subsaharienne.