Variole du singe : comment expliquer le retour de la maladie et quelles conséquences pour le Maroc ?

Après la crise sanitaire liée au coronavirus, une nouvelle épidémie menace le monde : la variole du singe. Découvert en Europe et en Amérique du Nord, ce virus au “potentiel épidémique” inquiète. En quoi consiste cette maladie et quel peut être son impact ?

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Un enfant centrafricain touché par la variole du singe en 2018. Crédit: AFP

La maladie : Découverte en 1958 chez les singes puis en 1970 chez l’humain, en République démocratique du Congo (RDC), la variole du singe ou monkeypox est une zoonose (maladie transmise des animaux aux humains) due à un virus du même genre que celui de la variole humaine. Cette maladie peut se propager lorsque l’on est en contact étroit avec une personne infectée. La propagation se fait par le contact avec les vêtements, la literie ou les serviettes, le contact direct avec des lésions sur la peau du malade, la toux ou les éternuements du malade, ou encore par voie sexuelle.

La situation avant l’annonce de la maladie : Spécifique à la région africaine allant du Nigéria à la RDC, la maladie a pu, ces dernières années, resurgir dans plusieurs pays non africains. En effet, une dizaine de personnes ayant visité ou en provenance du Nigéria ont été contaminées et recensées entre 2018 et 2021 en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Israël et à Singapour. La première épidémie non africaine engendrée par cette variole est apparue aux États-Unis en 2003, causée par l’importation d’animaux du Ghana, porteurs du virus. En 2017, le Nigéria a enregistré à son tour la plus grande épidémie documentée avec 172 cas suspects de monkeypox, dont 75 % étaient des hommes de 21 à 40 ans.

Le contexte : S’exprimant à l’ouverture de l’Assemblée mondiale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 22 mai, le directeur général de l’organisation, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a dressé le contexte dans lequel vient se greffer cette épidémie : “Bien sûr, la pandémie (coronavirus) n’est pas la seule crise dans notre monde. À l’heure où nous parlons, nos collègues du monde entier réagissent à des épidémies d’Ebola en République démocratique du Congo, de variole du singe et d’hépatite de cause inconnue, ainsi qu’à des crises humanitaires complexes en Afghanistan, en Éthiopie, en Somalie, au Sud-Soudan, en République arabe syrienne, en Ukraine et au Yémen. Nous sommes confrontés à une formidable convergence de maladies, de sécheresse, de famine et de guerre, alimentée par le changement climatique, les inégalités et les rivalités géopolitiques.”

Pourquoi cela compte : Comme cela a été rappelé par le chef de l’OMS, le monde peine aujourd’hui à retrouver un semblant de paix. Les différentes économies subissent toujours les pertes historiques causées par la crise du Covid et pour la plupart d’entre elles, la crise ukrainienne est un nouveau coup empêchant la reprise, notamment à cause de la hausse non négligeable des prix des carburants, de certaines matières premières et de denrées alimentaires de première nécessité. Quel serait alors l’impact de ce virus sur les économies des pays qui verraient une émergence de cas chez eux ? Étant donné le mode de transmission de cette variole, difficile de ne pas penser à de nouvelles restrictions, de nouveaux gestes barrières ou à un nouveau vaccin afin d’en réduire la portée au maximum.

Ce qui a été dit à ce sujet : En ce qui concerne la gestion des crises sanitaires, celle du coronavirus était porteuse de bon nombre d’enseignements, explique à TelQuel l’épidémiologiste Jaâfar Heikel. Selon lui, l’une des bonnes choses occasionnées par la crise du Covid est “la démocratisation de la technique PCR, devenue un outil de base, permettant donc des diagnostics plus rapides de la maladie”. En effet, en accord avec les recommandations de l’OMS, le ministère de la Santé a indiqué dans un draft de son plan de surveillance et de riposte daté du 20 mai 2022, qui circulait ces derniers jours sur les réseaux de messagerie, que le meilleur test pour le diagnostic de la variole du singe est le test PCR sur des échantillons des lésions cutanées : le toit ou le liquide des vésicules et des pustules, et des croûtes sèches. Les méthodes de sérologie et de détection des antigènes n’étant pas recommandées par l’OMS.

Le docteur rappelle néanmoins une des conséquences négatives du Covid : “l’excès dans la réaction par rapport aux zoonoses”. Contrairement au Covid-19, la variole du singe n’est pas une nouveauté. Il s’agit d’une maladie ré-émergente, actuellement à son stade endémique. Selon la même source, cette augmentation des cas résulte également d’un changement d’habitudes, notamment quant au “contact avec des animaux sauvages”, ou à “l’adoption d’un nouveau genre d’animaux de compagnie qui pourraient être porteurs de ce virus”, faisant référence aux NAC (nouveaux animaux de compagnie), dont le rat de Gambie, qui reste considéré comme un réservoir potentiel du virus.

Le docteur assure ainsi que la transmissibilité d’animaux à humains est celle causant la majorité des infections, sans exclure la possibilité d’une infection entre humains en cas de contact prolongé avec un porteur du virus. Interrogé sur la transmissibilité sexuelle de la maladie, Heikel met en garde, indiquant que cela n’est pas encore confirmé et “qu’aucune preuve scientifique n’existe pour ce point”.

En ce qui concerne la létalité de cette variole, il précise qu’elle “varie entre 3 et 10 %, en fonction des conditions dans lesquelles le patient est admis, la vitesse à laquelle il est isolé et pris en charge”. Ces taux de létalité diffèrent selon les sources interrogées : Tayeb Hamdi, spécialiste et chercheur en politiques et systèmes de santé, indique quant à lui un taux entre 1 et 10 %, contre un taux annoncé entre 3 et 6 % par le ministère de la Santé. Comparée au Covid-19, dont le taux de létalité s’élève à 2,2 %, la variole reste plus dangereuse. Néanmoins, pour la majorité des cas, “la guérison est spontanée et sans traitement et ne nécessite qu’un isolement de 2 à 3 semaines”, souligne Dr Heikel.

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Ce que ça signifie pour le Maroc : Interrogé par rapport à la position du Maroc, ainsi qu’au danger auquel pourrait faire face le royaume, le docteur a encore une fois indiqué qu’il ne fallait pas surréagir. Par ailleurs, “d’un point de vue géographique, nous sommes plus proches de l’Europe que des zones concernées en Afrique, nous avons donc plus de chance de recevoir le virus par des Européens que par nos voisins africains”. L’épidémiologiste a également évoqué le plan de surveillance et de riposte du ministère de la Santé face aux zoonoses, qui assure “une surveillance accrue au niveau des frontières terrestres et maritimes, se focalisant sur le contrôle des animaux importés”. 

Ce plan de riposte fait état des mesures mises en place par le royaume. On y trouve notamment un tableau permettant de faire la différence entre variole du singe, varicelle et rougeole en termes de symptômes. Il indique également les mesures à suivre et met à disposition une fiche d’enquête à renseigner en cas de contact ou d’infection et à transmettre à l’adresse mail : [email protected].