Guerre en Ukraine : ces diplomates et intellectuels qu’il aurait fallu écouter

Depuis 1997, année où l’OTAN entame son irrésistible expansion vers l’est de l’Europe, intégrant à tour de bras d’ex-républiques soviétiques, ils n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme. Leur inquiétude : que la Russie, poussée dans ses derniers retranchements, passe à l’acte guerrier. Leur prophétie s’est révélée exacte. Florilège.

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L’Occident ne devrait pas sous-estimer à quel point de grandes puissances peuvent devenir impitoyables lorsqu’elles sont acculées. 

John MearsheimerCrédit: DR

(…) Au cas où l’Occident parvient à repousser Moscou sur le théâtre des opérations ukrainien, tout en causant des dégâts considérables à son économie, poussant une grande puissance à bout, Poutine pourrait recourir à l’arme nucléaire. (…) Si l’Occident ne saisit pas les causes profondes du conflit, il ne pourra y mettre fin sans que l’Ukraine ne soit entièrement dévastée et que l’OTAN se retrouve en guerre contre la Russie”

John Mearsheimer, professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago, dans The Economist, le 11 mars 2022. Il a toujours été opposé à l’expansion de l’OTAN et alerte depuis 2014 sur les dangers liés à une adhésion de l’Ukraine.

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Si la guerre advient, Poutine devra bien sûr en assumer la responsabilité, en porter le blâme et en subir l’opprobre.

Les menaces de la Russie sont dignes d’un état voyou et dangereuses. Or, aussi irresponsable le comportement russe fût-il, l’intransigeance américaine concernant l’extension de l’OTAN l’est tout autant et, qui plus est, dangereuse. Les vrais amis de l’Ukraine et de la paix dans le monde devraient appeler les états-Unis et l’OTAN à trouver un compromis avec la Russie. Un compromis qui respecterait les intérêts de sécurité légitimes de la Russie tout en défendant la souveraineté de l’Ukraine”

Jeffrey Sachs, économiste américain, professeur à Columbia University et consultant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, en février 2022.

L’expansion de l’OTAN est une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison de faire cela. Je pense que les Russes vont graduellement réagir de façon négative. Personne ne menaçait personne”

George F. Kennan, diplomate, politologue et historien américain, le 2 mai 1998, au lendemain de la ratification par le Sénat américain de l’extension de l’OTAN vers l’est européen.

Je n’ai pas estimé que le timing (1997) était bon pour encourager l’OTAN à s’élargir

The Honorable William J. Perry (right), Deputy Secretary of Defense, poses for a picture with Toshio Nakayama, Japanese Minister of Defense, at the Pentagon, Washington, D.C., on May 4, 1993. OSD Package No. A07D-00201 (DOD Photo by Helene C. Stikkel) (Released)

(…) Ma crainte était que cet élargissement aurait l’effet contraire que celui escompté. J’ai exprimé mes réserves au président Clinton (…) mais Al Gore (alors vice-président, ndlr.) a fortement argumenté en faveur de l’extension de l’OTAN.

Ses arguments ont été plus persuasifs (…) Le président (Clinton) a approuvé l’adhésion immédiate de la Pologne, de la Hongrie et de la République Tchèque”

William Perry, secrétaire d’état à la Défense sous Bill Clinton, dans ses mémoires, My journey at the nuclear brink publié en 2015.

“ Je considère malheureuse la recommandation de l’administration (Clinton, ndlr.) d’accueillir de nouveaux membres au sein de l’OTAN.

(…) Cette décision pourrait bien s’avérer être la plus profonde bourde stratégique depuis la fin de la Guerre froide. (…) Elle pourrait enclencher une chaîne d’événements susceptibles de constituer la plus grande menace pour cette nation (états-Unis, ndlr.) depuis la chute de l’URSS”

John F. Matlock, ambassadeur américain en Russie de 1987 à 1991, dans un entretien datant de 1997.

Si on déplace les forces de l’OTAN vers les frontières russes (…) cela militarisera évidemment la situation, et la Russie ne reculera pas, car il s’agit pour elle d’un sujet existentiel

Stephen Cohen, spécialiste la Russie, professeur à l’Université de New York, en 2014.

L’Occident devait comprendre que l’Ukraine ne sera jamais juste un autre pays pour la Russie

(…) l’Ukraine ne doit pas rejoindre l’OTAN”

Henry Kissinger, secrétaire d’état américain sous Nixon et Ford, prix Nobel de la paix, après l’annexion de la Crimée en 2014, dans The Washington Post.

L’idée que l’Ukraine puisse un jour rejoindre une alliance militaire occidentale serait assez inacceptable pour n’importe quel leader russe.

Le désir de l’Ukraine d’intégrer l’OTAN n’est pas de nature à protéger l’Ukraine, mais de la menacer sérieusement ”

Noam Chomsky, intellectuel américain, en 2015.