Harcèlement sexuel : à l’université Hassan II de Casablanca, dissimulation et tentative de viol

Un scandale de plus. Après l’université Hassan Ier de Settat, l’ENCG Oujda et l’École supérieure Roi Fahd de traduction à Tanger, c’est au tour de l’université Hassan II de Casablanca d’être touchée par une affaire de harcèlement sexuel.

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Un professeur de l’École supérieure de technologie (EST) de Casablanca, rattachée à l’université Hassan II, est visé par des plaintes pour “harcèlement” et “menaces”. Des plaintes émanant à la fois du corps professoral et des étudiants, qui auraient été dissimulées par les dirigeants de l’époque, selon des documents consultés par TelQuel Arabi.

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Selon une source, une commission ministérielle d’inspection, présidée par l’inspecteur général du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, s’est présentée ce mardi 4 janvier au matin à l’EST de Casablanca, sur ordre du ministre de l’Enseignement supérieur Abdellatif Miraoui. La commission a recueilli les propos des présumées victimes de harcèlement, avant d’écouter ceux du professeur accusé, dans l’après-midi du 4 janvier.

100 plaintes

Selon une source de TelQuel Arabi, “100 plaintes environ ont été portées contre l’ancien chef de département, auprès du directeur de l’EST de Casablanca. Certaines ont même été faites auprès de l’ancienne présidente de l’université qui n’a pas réagi”. Ces plaintes seraient même parvenues au ministre de tutelle de l’époque, Saaid Amzazi.

“L’inspection générale du ministère (de l’Éducation, ndlr) avait entendu des professeures victimes, mais sans aucun résultat. On a appris, par la suite, que le haut fonctionnaire était un ami du professeur visé par ces accusations”, affirme notre interlocuteur.

Harcèlement des professeures

Selon nos informations, l’une de ces plaintes a été déposée par douze enseignants (neuf femmes et trois hommes). Cette plainte avait été déposée auprès de l’ancienne présidente de l’université — et actuelle ministre de l’Insertion sociale et de la Famille, Aawatif Hayar — le 13 février dernier par l’intermédiaire d’un avocat du barreau de Casablanca.

“Il m’a harcelée plusieurs fois. Il s’est même présenté, avec un autre professeur, à mon domicile à Casablanca. Il m’a invitée à prendre un café par téléphone. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a dit que c’était important tout en me menaçant”, nous confie l’une des plaignantes. “Alors que je me préparais à participer à une conférence en Espagne, il n’a cessé de me harceler pour m’accompagner alors qu’il ne disposait d’aucun motif. Craignant d’être davantage harcelée, j’ai dû annuler ma propre participation à cette conférence”, déclare une autre plaignante.

Ancien chef de département, le professeur visé par ces plaintes avait démissionné de ce poste de responsabilité. Une libération provisoire, à en croire cette membre du corps professoral. “Sa démission avait encouragé quelques victimes à communiquer leurs témoignages et propos.”

Le professeur s’en serait également pris aux élèves. “Il s’est adressé de manière vulgaire et a eu des propos déplacés à l’égard de plusieurs étudiantes doctorantes, et ce dans l’intention de les séduire”, nous confie une source proche du dossier.

Incident en Tunisie

Mais les incidents ne se seraient pas limités à des remarques ou des propos déplacés. Selon l’avocat en charge de cette plainte, l’une des supposées victimes de l’enseignant de l’université Hassan II affirme avoir été victime d’une “tentative de viol par le professeur concerné, lors de sa participation à un congrès scientifique en Tunisie”, selon un témoignage écrit reçu par l’avocat. La présumée victime souffrirait jusqu’à présent “d’implications psychologiques dues à cet incident”. Un acte dénoncé à travers une plainte déposée auprès de la présidente de l’université le 3 mars 2020.

En décembre 2016, et lors d’un congrès organisé par l’université de Tunis, une participante de l’université Hassan II nous a contactés. C’était dans la soirée qui suivait le premier jour du congrès. Elle était choquée et terrifiée. Selon elle, le professeur accusé avait tenté de l’agresser sexuellement”, atteste un professeur tunisien dans un témoignage dont TelQuel Arabi détient copie.

Selon la même source, “l’université l’avait chargé de remettre un cadeau à la victime, et il a pris ça comme prétexte pour l’inviter dans sa chambre. Il l’a serrée dans un coin et a tenté de l’embrasser. Qui plus est, ce professeur n’était pas du tout respectueux à l’égard des doctorantes. Il ne cessait de les toucher et harceler verbalement”.

Des propos confirmés par un autre témoignage d’une enseignante tunisienne à l’université de Toulon datant du 24 mars 2021. Nous lui avons demandé de prévenir la police, mais elle a refusé de recourir à la police d’un pays étranger, afin de préserver la réputation de l’université”, précise la même source.

Nous avons prévenu l’université Hassan II à Casablanca de cet incident. L’ancien président Driss Mansouri et l’actuelle présidente (Aawatif Hayar) sont tous les deux au courant des détails de ces faits. En outre, nous avons reçu des plaintes de la part d’autres femmes ayant déjà participé, avec le professeur accusé, à d’autres rencontres scientifiques”, nous indique-t-on également.

Droit de réponse

Nous avons reçu un démenti de la part du Maître Boulkout Abdelhak, avocat au bureau de Casablanca, au nom de son client, Mdarbi Said, dans le cadre de son droit de réponse à trois articles publiés sur Telquel.ma et Telquel Arabi, dont un titré « Harcèlement sexuel : à l’université Hassan II de Casablanca, dissimulation et tentative de viol ».

« Ce que vous avez publié n’est pas vrai et comprend une diffamation dangereuse à l’encontre de mon client, ce qui vous soumettrait à des poursuites pénales. En effet, le journal ‘Al Watan Al Ane’, avait été condamné le 8 mars 2021 à  une amende de 10.000 dirhams et un dédommagement de 200.000 dirhams, pour la publication d’un article en relation avec ce même sujet », indique le démenti.

« Ces fausses accusations ont déjà fait l’objet d’une plainte en 2020, suite à laquelle une enquête exhaustive a été menée par l’inspection générale du ministère de l’Enseignement supérieur. Lors de cette enquête, l’inspection avait entendu les parties concernées, mais aucune accusation n’a été confirmée contre mon client », ajoute le même document.

L’avocat a également indiqué que « le sujet concerné n’a aucun rapport avec les affaires ‘sexe contre bonnes notes’, mais il s’agit, en réalité, d’un différend entre les professeurs du département, sur la répartition des responsabilités et la gestion de la formation continue ».

Selon le démenti, le professeur concerné n’a assisté qu’à une seule conférence en Tunisie, et ce en 2016, « et non il y a deux ans comme indiqué dans l’article ». « Mon client était accompagné d’un collègue et d’une doctorante. En revanche, aucune professeure de l’établissement n’a été présente à cette rencontre scientifique, contrairement à ce qu’a rapporté votre article », ajoute le document de l’avocat.

L’avocat du professeur a également annoncé que « l’administration de l’établissement universitaire, n’a jamais reçu, de la part des étudiantes, de plainte verbale ni écrite, contre mon client ».

« La plainte est toujours en cours devant la justice, et aucun jugement n’a encore été rendu », ajoute le démenti. Avant de conclure : « Par conséquent, ce qui est rapporté dans les articles mentionnés est infondé. »