Dans Le Maroc et Hassan II, Abdallah Laroui le précise d’emblée : “N’ayant aucun secret à révéler, je n’ai pas de titre particulier à écrire un livre sur Hassan II.” Son “témoignage”, publié en 2005 et réédité en 2021 par le Centre culturel arabe, raconte ainsi Hassan II depuis son investiture en 1957 du titre de Prince héritier, jusqu’à son décès en 1999.
Il analyse aussi celui qui n’avait plus qu’une seule ambition durant la seconde moitié de son règne : être un grand roi. Celui “qu’on a tendance soit à louer sans mesure, soit à vilipender sans retenue”. L’historien, lui, ne veut “ni le louer ni le dénigrer, mais le comprendre tout simplement”. Sans doute par “souci nationaliste”, comme le précise l’intellectuel lui-même dans l’introduction de son témoignage.
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La monarchie, vecteur de changement
Dans son témoignage, Abdallah Laroui tient à rappeler qu’il n’était pas un intime de Hassan II. “Pendant longtemps, il m’a ignoré, ainsi que des dizaines d’autres intellectuels qui préfèrent écrire en arabe, puis, vers 1985, pour des raisons que je n’ai jamais cherché à approfondir, il m’a appelé pour me confier quelques missions que j’ai acceptées par patriotisme. Malgré cela, je ne suis jamais devenu l’un de ses intimes ; il ne m’a jamais fait de confidence, ni même entretenu de questions externes. L’objet des missions qu’il me confiait touchait uniquement les relations extérieures du Maroc”, écrit-il dans son livre.
“Abdallah Laroui montre que Hassan II a gagné non parce qu’il était plus doué, mais parce que les autres étaient faibles”
Son témoignage s’intéresse donc moins à la vie du monarque ou à sa politique qu’au Maroc qu’il a laissé derrière lui, tout en essayant de répondre à une question centrale : “Est-ce lui (Hassan II, ndlr) qui a créé le système sous lequel nous vivons, que nous critiquons souvent, mais que nous finissons par accepter, ou est-ce le Maroc de toujours, s’il est vrai qu’il existe, qui l’a produit et dont il a été, autant que nous tous, la victime constante ?”
Dans un entretien accordé à Medias24, l’historien Mostafa Bouaziz relève que Abdallah Laroui, dans Le Maroc et Hassan II, “n’est pas d’accord avec Hassan II, mais il lui donne la cohérence, la persévérance, mais surtout la force de l’État”. C’est que l’intellectuel est convaincu que la monarchie est le seul vecteur de changement. “C’est pour ça qu’il est passé de collaborateur de Ben Barka à conseiller officieux de Hassan II”, rappelle Mostafa Bouaziz.
Le conseiller scientifique de Zamane explique ainsi que Abdallah Laroui considère que “dans nos sociétés le changement vient surtout d’en haut, car, selon lui, nos sociétés ont un faible degré d’organisation. Et que l’organisation la plus poussée étant celle de l’État, le changement est palpable lorsqu’il vient de lui”.
Pour illustrer son propos, Abdallah Laroui évoque, dans un entretien accordé en 2012 à Zamane, le Mouvement du 20 février 2011 : “Ce ne sont pas les jeunes du 20-Février qui ont écrit la nouvelle Constitution, qui sera le seul document qu’étudieront les futurs historiens”, mais c’est Mohammed VI qui a pris la décision de la réformer.
Hassan II, roi ou zaïm ?
Alors que les journalistes étrangers insistaient régulièrement sur la double personnalité de Hassan II, “arabe et occidentale, moderne et traditionnelle”, Abdallah Laroui tient à préciser que le défunt monarque était “à la fois roi et zaïm, plus zaïm que roi entre 1965 et 1974, moins zaïm que roi après cette date”. L’année 1965 coïncide en effet avec la disparition de Mehdi Ben Barka, dont Hassan II a su tirer progressivement profit.
Pour Abdallah Laroui, le défunt monarque était “à la fois roi et zaïm, plus zaïm que roi entre 1965 et 1974, moins zaïm que roi après cette date”
“Je continue à penser qu’avec le passage du temps, Hassan II oublia qu’il était un roi, et un roi marocain de surcroît, et qu’en tant que tel il devait obéir à une certaine éthique. Il était peut-être trop moderne, trop cultivé, trop influencé par l’air du temps, pour s’en tenir à ce rôle. Il se comportait plus comme un zaïm et c’est dans ce rôle que son entourage prit l’habitude de le voir”, écrit Laroui dans son témoignage.
Et d’insister : “C’est en tant que zaïm que Hassan II chercha l’apaisement à l’extérieur, au prix d’un isolement grandissant et d’une perte manifeste de prestige à l’intérieur. Il compta un moment sur son activité diplomatique en faveur de la solidarité islamique pour gagner la faveur de l’Istiqlal d’Allal Al Fassi et pousser celui-ci à rompre avec ses alliés de gauche au sein de la Koutla. Il échoua et, par dépit, se réfugia dans une attitude de plus en plus provocatrice.” Ce qui aurait pu lui coûter le trône et la vie suite aux différents coups d’État, à commencer par celui de Skhirat en 1971.
Par ailleurs, Abdallah Laroui a tenu à énumérer les erreurs de la gauche marocaine face à Hassan II. Une expérience qui avait fait preuve, dit-il, “d’un manque flagrant d’imagination politique et de fermeté idéologique”. L’historien Mostafa Bouaziz le résume ainsi : “Dans son livre, Abdallah Laroui montre que Hassan II a gagné non pas parce qu’il était plus doué, mais parce que les autres étaient faibles, sans programme cohérent.”
Alors qu’il ne tarit pas d’éloges sur Abderrahim Bouabid, Abdallah Laroui critique ouvertement Mehdi Ben Barka et les militants de gauche. Ces derniers, selon l’historien, étaient “totalement allergiques à l’histoire et à la sociologie”, et “se laissaient guider par des idées générales”. En face, toujours selon l’intellectuel, “un seul homme s’identifiait à la réalité marocaine, aidé en cela par sa position, par son intérêt, par ses convictions profondes. Cet homme, c’était le Prince Moulay Hassan qui venait d’accéder au pouvoir pour ne plus jamais l’abandonner, contrairement à ce que prédisaient ceux qui ne le connaissaient pas vraiment”.
S’il a réussi à se maintenir au pouvoir, Hassan II a su capitaliser sur les fausses manœuvres de ses adversaires. “Chacun servait indirectement le roi en se trompant chaque fois d’adversaire. Les ‘résistants’ affaiblirent les syndicats qui affaiblirent Ben Barka qui affaiblit Abderrahim Bouabid qui affaiblit Allal Al Fassi qui affaiblit Ahmed R. Guédira, dernier rempart contre un pouvoir sans partage et sans contrôle”, résume Abdellah Laroui.
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