A 16 ans, Joseph Pulitzer n’avait qu’une obsession : quitter le domicile paternel.
Pour cela, une seule perspective s’offrait à lui : s’engager dans l’armée. Sauf qu’aucune armée ne voulait de lui, trop jeune et encore mineur. Il atteint son objectif en partant pour les Etats-Unis, où la Guerre de Sécession fait rage. L’histoire de Pulitzer aurait pu s’arrêter là s’il avait reçu une balle, mais elle ne faisait que commencer.
Trois ans après son arrivée aux Etats-Unis, débarqué de sa Hongrie natale, alors province orientale de l’empire austro-hongrois, ”le 6 mars 1867, Joseph Pulitzer déclarait devant le tribunal de Saint Louis qu’il retirait son allégeance à l’empereur d’Autriche. Il était devenu citoyen des Etats-Unis d’Amérique.” Ainsi, Pulitzer devenait citoyen d’un pays dont il parlait à peine la langue.
Mieux encore, à Saint Louis où il est embauché dans la gazette locale, Westliche Post, la communauté germanophone, débarquée en force dans la ville parmi les hordes de migrants qui se déversaient à l’époque dans un pays en construction, avait gardé ses habitudes, dont celle de lire son journal en allemand.
Le patron de Westliche Post, Carl Schurz, un Allemand ”échappé aux griffes prussiennes”, qui a commandé les troupes allemandes aux côtés de Lincoln – convaincu que les causes que défendaient les Nordistes étaient aussi les siennes, “un système qui nous asservit tous, le maître comme l’esclave”, pensait-il tout haut – avait absolument besoin “d’un reporter, un vrai, qui donne du mordant à leur feuille communautaire, qui avait un peu tendance à ronronner”. Ce sera Joseph Pulitzer.
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Le loup dans la bergerie
Le pauvre ne se doutait pas qu’il serait dévoré cru par le loup déguisé en néophyte à qui il avait ouvert les portes de la bergerie. Abasourdi par sa bonne fortune, Pulitzer lui-même n’en revenait pas : “Je ne pouvais pas le croire. Moi, un inconnu, l’as de la déveine, presque un enfant des rues, on m’avait confié cette responsabilité. J’étais comme dans un rêve.”
La suite est racontée par un de ses collègues : “On vit soudain surgir parmi nous le nouveau reporter dont nous avions tous entendu parler, mais que nous n’avions pas encore rencontré. Il avait une liasse de feuilles de papier dans une main et un crayon dans l’autre. Il se présenta comme le reporter de Westliche Post et se mit à poser des questions à tous les présents. Je me souviens que j’avais alors fait remarquer à mes compagnons combien, de la part d’un débutant, cet excès de curiosité était exaspérant. Mais il faut reconnaître que sa manière de travailler, d’exhumer les faits, révélait l’existence d’un reporter-né.” Le journalisme moderne était né.
C’est ce petit reporter, débarqué par hasard dans un coin (encore paumé) des Etats-Unis, qui écrivait dans une feuille de choux locale, qui se voyait plus en soldat pour le prestige de l’uniforme, qui n’avait aucun diplôme, c’est cet homme-là qui bâtira le plus grand empire de presse des Etats-Unis de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.
C’est cet homme-là, parti d’un trou perdu situé dans l’actuelle Hongrie en 1864, qui laissera son nom à la postérité. Les journalistes du monde entier rêvent aujourd’hui de décrocher un des prix qui portent son nom, le Graal pour un journaliste.
Jacques Bertoin nous livre une histoire passionnante, une biographie qui se lit comme un roman qu’on croirait sorti de l’imagination de son auteur. La matière brute était là, Bertoin s’en est servi pour ordonner toute l’œuvre d’une vie exemplaire à tous les égards, celle d’un homme qui n’est ni pire ni meilleur que les autres. L’histoire n’a pas retenu ses côtés sombres. Ses côtés clairs ont fait de lui un exemple pour tous.
L’homme qui inventa le journalisme moderne, de Jacques Bertoin, Tarik éditions (2008).
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