Selon Benkirane, Akhannouch “n’a ni culture, ni idéologie, ni passé historique, ni parti politique”

L’ancien chef de gouvernement a fait une déclaration incendiaire contre le président du RNI, Aziz Akhannouch, le 5 septembre sur sa page Facebook. Il s’est directement adressé à son ex-ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime en doutant de son aptitude à diriger le prochain gouvernement, et bien plus. Extraits.

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Abdelilah Benkirane dans sa vidéo postée sur Facebook dimanche. Crédit: Capture d'écran / YouTube

La sortie de Abdelilah Benkirane à 48 heures de la fin de la campagne électorale a été vue par près de 50.000 internautes.

L’ancien chef du PJD consacre la moitié de son discours de 30 minutes à Aziz Akhannouch. Assis près d’une photo avec son ex-bras droit Abdellah Baha (décédé en 2014), il dit tout le bien qu’il pense du président du RNI.

Quelqu’un l’a appelé

“Le sujet de cette intervention est d’actualité : les élections du 8 septembre. J’ai décidé de n’y participer sous aucune forme. Mais hier, un cher frère qui n’est même pas islamiste m’a dit des choses dont j’étais relativement conscient. Je ne vous cache pas que j’ai préféré rester muet, mais j’ai l’impression que quelque chose se prépare… Et ce n’est pas dans l’intérêt du Maroc en tant qu’État.”

Renvoi au boycott

“Il y a quelques années, je ne sais qui a mobilisé le grand public contre trois entreprises, avec à leur tête Akwa que dirige Aziz Akhannouch. Les Marocains l’avaient définitivement boycotté. Et du jour au lendemain, il s’est présenté devant nous en tant qu’inévitable futur chef du gouvernement. J’ignore jusqu’à présent qui a fait monter le boycott, ni comment il a connu une forte adhésion. Ils ont voulu le coller au PJD, mais ça n’a pas réussi. Pourvu qu’on ait ce pouvoir. On l’aurait réenclenché à ce moment même, si c’était le cas.”

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Une victime collatérale

“Akhannouch a été mon ministre pendant cinq ans. Je ne me suis confronté à lui qu’à deux reprises. La première, c’était le jour où lui et son Boussaid (ancien ministre RNI des Finances, ndlr) avaient illégalement utilisé ma signature sur le Programme d’aide au monde rural de Sidna. Je n’avais pas l’intention de m’y opposer car je lui déléguais toutes les institutions qui se trouvaient entre lui et moi. Ça avait fuité dans la presse contre ma volonté.

La seconde, c’était quand il a fait le blocage sur le gouvernement que j’étais censé former en 2016. Pour y parvenir, il a amené un baltaji de la politique bien connu qui avait offensé son parti. Un parti historique dont l’actuelle direction a failli remettre toute son histoire à zéro.”

Le point gazoline

“Je ne comprends toujours pas comment il s’est imposé en tant que candidat à la chefferie du gouvernement. Parlons de la façon dont sa fortune a été constituée. Tout le monde connaît l’histoire de Si Amhal, et comment les portes lui ont été grandes ouvertes. (Mustapha Amhal, patron de Somepi rachetée par Akhannouch en 2005, devenant le leader incontesté des hydrocarbures au Maroc, ndlr).

Tout le monde se demande comment il est quasiment devenu l’homme le plus riche du pays. Je ne vais même pas parler des 17 milliards de dirhams du dossier des hydrocarbures car nous attendons toujours le verdict du Conseil de la concurrence qui n’a que trop tardé, sans raison convaincante.”

Feu à volonté

“C’est moi qui ai veillé à ce qu’il soit à mes côtés en 2011. Il était à Paris quand je formais mon gouvernement. J’ai été contraint de contacter certaines parties haut placées pour qu’il revienne. Seulement, un chef de gouvernement doit avoir une personnalité politique. Akhannouch n’a jamais intégré de parti politique, ni milité en son sein, ni souffert pour une cause. Il n’a jamais su résoudre politiquement un problème. Au final, c’est un businessman entouré de soupçons.”

Bouclier médiatique

“On lui a apporté des neggafat (traditionnelles organisatrices des cérémonies de mariage, ndlr), des médias pour l’encenser. C’est très facile. Mais au lendemain du mariage, tu te trouveras face à un peuple. Tu n’es même pas capable de te présenter aux législatives en préférant aller à Agadir pour les communales. Les législatives sont évidemment plus difficiles à gagner.

Tu es incapable de défendre des choix politiques. Chacune de tes sorties est une catastrophe politique. Tu as prétendu vouloir élever les Marocains. Mais ils savent que ce n’est pas possible. Comptes-tu les affronter à l’aide des sites internet que tu as achetés ? J’ai toujours dit : ‘Pourquoi le blâmez-vous à cause de l’argent ?’ C’est en fin de compte tout ce qu’il a. Il n’a ni culture, ni idéologie, ni passé historique, ni parti politique.”

Ordre de succession

“Voudrais-tu que les gens votent pour toi contre de l’argent ? Tu resteras celui qui a été élu par l’argent. Je ne me souviens d’aucun chef de gouvernement à qui on a collé cette étiquette. Il y a déjà eu des partis dits ‘administratifs’, mais ni leur comportement ni leurs moyens ne leur permettaient de dépenser tout cet argent. Le plus fortuné des anciens Premiers ministres était Karim Lamrani. Il n’était même pas partisan.”

Bienfaisance et confiture

“Comptes-tu faire taire les Marocains ? Trompe-les une seule fois, et ils se retourneront contre toi. La dernière fois que ça a été le cas, tu as enfilé une gandoura et es resté cloîtré dans ta maison. Moi aussi je le fais, mais juste après avoir été chef du gouvernement pendant cinq ans avec une empreinte populaire, et les félicitations de Sa Majesté.

Tu n’es pas un marchand de confiture pour faire appel aux artistes durant ta campagne électorale. Ces derniers travaillent dans le monde de la publicité au plus offrant. Ce n’est pas une façon de convaincre.”

Une condition de “déblocage”

“Toi qui promets aujourd’hui d’instaurer l’aide directe aux pauvres sans en fixer l’échéance, pourquoi me l’avoir refusée lorsque tu es venu au siège de mon parti au lendemain des élections de 2016 en me posant deux conditions : la suppression de toute aide directe, et l’écartement de l’Istiqlal ? On allait former un gouvernement sur le champ si j’avais accepté à l’époque.”